MATIÈRE


MATIÈRE est un assemblage de textes de Bunge (1981) et Lepage (2017 ; 2019). Le texte de Bunge défend une philosophie matérialiste dans différents domaines. Il néglige cependant les domaines moraux et politique. Les extraits de Lepage comblent ces lacunes.

MATIÈRE présente ainsi une philosophie
matérialiste et anarchiste.

La plupart des philosophes, depuis Platon, ont dédaigneusement rejeté le matérialisme. Il serait prétendument stupide et incapable de rendre compte de la vie, de l’esprit et de ses créations. [La philosophie matérialiste explique le monde par sa matière et récuse tout argument d’autorité. Elle s’oppose aux visions magiques et religieuses du monde.] Le premier matérialisme grec et indien centrait sa réflexion sur l’atome, un grain de matière. Démocrite, Épicure et Lucrèce sont de grands noms de ce matérialisme ancien. Au 18ᵉ siècle, Helvetius, d’Holbach et Diderot, La Mettrie et Cabanis présentèrent une grande variété de matérialisme. Tandis que La Mettrie voyait les organismes comme des machines, Diderot, soutenait que les organismes possédaient des propriétés émergentes, pour expliquer les phénomènes les plus complexes, comme l’esprit. [Au 19ᵉ siècle, ce sont Marx et Engels qui incarnent les grands noms du matérialisme. Ils déclaraient qu’ils étaient scientifiques, pourtant, ils reprenaient un grand principe idéaliste qui n’est qu’une métaphore obscure : la dialectique, thèse – antithèse – synthèse.]

Le matérialisme est changeant, car il correspond plus un champ de recherche qu’à un ensemble de croyance figées. En ce sens, le matérialisme inspire les sciences et évolue avec elles. [Nombreux sont ceux qui, pour imposer leurs autorités, refusent toute explication, aménage des asiles de l’ignorance : Dieu, la vie, l’esprit, les idées, la culture ou encore la morale. Opposons-leur un matérialisme contemporain.]

1 – La matière est-elle inerte ?

Selon Platon, la matière est le réceptacle passif de formes, d’idées : seule l’âme (ou l’esprit) se meut par elle-même. Depuis l’Antiquité, tous les matérialistes ont soutenu que le changement est essentiel à la matière. Le matérialisme a toujours été dynamiciste. La thèse de la passivité de la matière est typiquement non matérialiste.

La physique classique considère la matière comme active. Si bien que le cœur de toute théorie physique depuis Newton est un ensemble d’équations de mouvement ou de champ, selon les cas, qui décrivent, expliquent et prédisent le mouvement des particules, l’écoulement des fluides, la propagation des champs, ou d’autres sortes de changements.

Inutile de dire que cette conception dynamiciste de la matière a été adoptée par la chimie. En fait, la chimie étudie non seulement la composition et la structure des composés chimiques, mais également les processus de formation et de transformation (en particulier la dissociation) de tels composés. Tant et si bien que les réactions chimiques constituent le véritable cœur de la chimie. De plus, c’est bien connu, alors que la physique classique a ignoré les transformations qualitatives, la chimie en a fait sa spécialité. On peut en dire autant de la biologie depuis Darwin et des sciences sociales depuis Marx.

La science contemporaine n’a fait que souligner le dynamisme de la matière. Pensez aux atomes, aux molécules, aux cristaux, aux fluides, aux cellules, aux organismes multicellulaires, aux systèmes sociaux, aux sociétés entières, et aux artefacts : pensez aux merveilleuses variétés de leurs propriétés, en particulier leur propriété d’être soumis au changement ou d’en être la cause.

En somme, la science rejette la thèse que la matière est inerte, et soutien au contraire la généralisation philosophique selon laquelle toute matière est continuellement sujette à un processus de changement ou à un autre.

2 – La matière est-elle dématérialisée ?

La physique moderne aurait dématérialisé la matière. La physique aurait montré que la matière était un ensemble d’équations et de lois, donc une entité immatérielle. Cette thèse repose sur une sémantique erronée, selon laquelle une théorie scientifique coïncide avec son formalisme mathématique. Tout physicien sait que cela est faux. Une série de formules mathématiques doit se voir attribuer un ensemble de « règles de correspondance », afin d’acquérir un contenu physique, c’est-à-dire afin de décrire une entité physique. Une théorie est un formalisme mathématique associé à une interprétation physique. Et la théorie, loin d’être identique à sa référence (une entité physique), la représente ou la décrit (avec précision ou approximativement).

Une autre version de la thèse de la dématérialisation est basée sur l’interprétation de la théorie quantique. Chaque événement quantique serait en dernière analyse le résultat de décisions arbitraires de la part d’un sujet humain. La ligne de séparation entre les composantes matérielle et mentale pourrait être tracée arbitrairement par l’expérimentateur lui-même, de telle sorte qu’il n’y a pas de matière existant de manière objective ou absolue. Un point faible de cette interprétation est qu’aucune formule de la théorie ne contient de variables décrivant une quelconque propriété des sujets humains, en particulier des propriétés psychologiques. Un autre point faible est que beaucoup d’expériences peuvent être automatisées au point que leurs résultats peuvent être imprimés et lus par l’expérimentateur une fois qu’elles sont achevées, ce qui est un moyen de garantir la non-intervention du sujet dans le processus. Aussi, la théorie quantique ne soutient pas du tout la thèse selon laquelle la matière a été spiritualisée.

3 – La vie est-elle immatérielle ?

Le vitalisme, soutient que la vie est une entité immatérielle qui anime les organismes. Selon le matérialisme, en revanche, la vie est une propriété de certains objets matériels. Le matérialisme mécaniste refuse d’admettre qu’il y ait une quelconque différence qualitative entre les organismes et les objets non vivants : il affirme que la différence est simplement une différence de complexité. Cette sorte de matérialisme est une proie facile pour le vitalisme, parce qu’une usine moderne n’est pas moins complexe qu’une cellule, et il est clair que la biologie étudie un certain nombre de propriétés et de processus inconnus de la physique et de la chimie. Le matérialisme mécaniste n’est donc pas une réponse satisfaisante au vitalisme.

Une conception matérialiste de la vie doit reconnaître le fait que les systèmes possèdent des propriétés absentes de leurs composants. En particulier les biosystèmes sont capables de maintenir un milieu intérieur assez constant, les activités de leurs différentes parties sont coordonnées, ils peuvent s’autoréparer dans une certaine mesure, ils peuvent se reproduire, coopérer, entrer en compétition et évoluer. Le matérialisme n’a pas de difficulté à reconnaître les spécificités des biosystèmes. Mais le matérialisme encourage la recherche d’une explication en termes de propriétés et de processus physiques et chimiques.

La biologie contemporaine n’est pas vitaliste même si effectivement beaucoup de biologistes emploient parfois une phraséologie vitaliste. En 20 ans jamais un modèle mathématique de biosystèmes – encore moins un modèle empiriquement confirmé – n’a incorporé l’hypothèse selon laquelle la vie est un principe immatériel ou encore un processus orienté vers une fin. La biologie devient de plus en plus matérialiste dans sa démarche. Elle étudie les systèmes vivants et leurs composantes non vivantes à l’aide de la physique et de la chimie – ce qui ne signifie pas que la biologie ait été réduite à ces autres sciences.

4 – L’esprit est-il immatériel ?

Le dualisme psychophysique, ou la thèse selon laquelle il y a des esprits en plus des corps, est probablement la plus ancienne philosophie de l’esprit. Elle fait partie intégrante de la plupart des religions et a été introduite en philosophie par Platon. Des écoles de pensée entières l’ont endossé, par exemple la psychanalyse qui nous parle d’entités immatérielles habitant le corps, et les anthropologues et les historiens qui nous parlent d’une superstructure idéelle chevauchant l’infrastructure matérielle.

Le défaut conceptuel le plus criant du dualisme psychophysique, c’est son imprécision : il n’énonce pas clairement ce qu’est l’esprit parce qu’il n’offre ni une théorie ni une définition de l’esprit. Tout ce que nous donne le dualisme, ce sont des exemples d’états mentaux ou d’événements mentaux : il ne nous dit pas ce qui se trouve dans ces états ni ce qui subit ces changements — excepté bien sûr l’esprit lui-même, de telle sorte que le dualisme est circulaire. Mais la pensée n’est pas un produit du cerveau, c’est le cerveau qui pense. Un autre défaut grave du dualisme, c’est qu’il est compatible avec le créationnisme mais pas avec l’évolutionnisme : en fait si l’esprit est immatériel, alors il est au-dessus des vicissitudes de la matière vivante, c’est-à-dire de la mutation et de la sélection naturelle. En revanche, selon le matérialisme, l’esprit évolue en même temps que le cerveau.

Mais le pire aspect du dualisme est qu’il bloque la recherche, parce qu’il est une réponse toute faite à tous les problèmes et qu’il refuse de regarder dans le cerveau pour découvrir l’esprit.

5 – La culture est-elle immatérielle ?

Les philosophies idéalistes de la culture nous ont accoutumés à penser à la culture et aux objets culturels comme étant immatériels. Cette conception ouvre un abîme entre l’homme et les autres animaux, de même qu’entre les sciences de la culture et toutes les autres. De plus, elle ne permet guère de comprendre pourquoi la culture d’une société dépend de l’économie et de la politique, et coévolue avec elles.

Les matérialismes historiques et culturels développés par certain·es sont en partie dualistes. Ils peinent à expliquer les interactions réelles entre la culture d’une société et les autres sous-systèmes de cette dernière. Dans une perspective matérialiste il ne peut exister aucune entité immatérielle (ou idéelle) chevauchant une entité matérielle. Par ailleurs, le fait que la thèse de la primauté absolue de l’économie sur le reste soit inadéquate semble évident si l’on songe qu’un changement social peut être initié ou bien dans l’économie, ou bien dans la culture, ou bien dans le régime politique. Certains changements culturels — comme l’introduction de l’alphabétisation, du calcul, ou de la science par exemple — ont des effets économiques et politiques importants.

Une activité culturelle est une activité cérébrale d’une certaine sorte, qui influence la manière dont les autres personnes pensent, ressentent, ou agissent. Le « produit » d’une telle activité est appelé un « objet culturel », que ce soit un poème ou un théorème, une recette de cuisine, un projet ou un dessin d’architecte, une sonate ou la description d’un animal, ou tout ce que vous voudrez. Aussi longtemps qu’un tel « produit », demeure à l’intérieur du crâne de son créateur, c’est seulement un processus cérébral : il doit devenir communicable à d’autres pour être considéré comme objet culturel.

Il est commode de penser, si l’on veut, que la musique et la poésie, les mathématiques et la philosophie, la biologie et la théologie, sont des objets idéaux (ou abstrait) – à condition que l’on soit conscient du fait qu’ils n’existeraient pas en l’absence de leurs créateurs et utilisateurs. Même la bibliothèque, le musée ou le laboratoire le plus complet du monde cesseraient d’être un objet culturel après un holocauste nucléaire, parce qu’il n’y aurait plus personne pour en comprendre le contenu.

Cette vision matérialiste de la culture comme système matériel ne déprécie pas la culture, elle ne fait que la démythifier. En revanche la conception selon laquelle les livres, les disques, les peintures et autres objets semblables sont intrinsèquement valables, c’est-à-dire ont une existence et une valeur propres, même en l’absence des personnes capables de les utiliser, est une vue matérialiste grossière.

En conclusion, la culture n’est pas immatérielle. Si on la voit comme un processus (de création ou de diffusion), la culture est tout aussi matérielle que le mouvement ou la transformation chimique, car elle a lieu en nous et entre nous, et que nous sommes des systèmes matériels. Dans tous les cas la culture n’est pas moins matérielle que l’économie ou la politique.

6 – La morale est-elle immatérielle ?

Les partisan·es de la loi adhèrent à un courant de pensée très influent voulant que la moralité soit une victoire culturelle récente sur les processus évolutifs, un vernis fragile apposé sur des passions humaines antisociales, amorales et destructrices (Ghiselin, 1974 ; Huxley, 1894 ; Wright, 1994). L’une des expressions de ce courant est la théorie du contrat social (Hobbes, 1651). Désigné comme fondamentalement malveillant et égoïste, l’humain devrait se voir imposer par le haut et par la force un cadre moral contraignant : la loi des institutions. Cependant, l’état actuel des connaissances permet d’affirmer que la moralité est un trait évolutif partagé par les primates (et d’autres animaux sociaux ; de Waal, 2003 ; de Waal & Preston, 2017 ; Høgh-Olesen, 2010 ; Preston & de Waal, 2002). Cette affirmation était déjà présente dans les écrits de l’évolutionniste russe et théoricien anarchiste Pierre Kropotkine (1889, 1902).

Selon des auteurs comme de Waal (1996, 2003, 2008), la pression sélective a conduit au développement des émotions sociales (émotions induites dans un contexte d’interaction avec un ou plusieurs individus) dans le contexte des soins parentaux, et ce bien avant l’apparition de l’espèce humaine. Savoir protéger et prendre soin de la progéniture représente un défi adaptatif majeur pour la survie d’une espèce, et ce défi est exacerbé chez l’humain dont le nouveau-né est particulièrement vulnérable et dépendant. Dans ce contexte, la capacité à faire l’expérience et comprendre les états émotionnels et corporels du nourrisson représente un avantage adaptatif évident en permettant de réagir de manière rapide et adapté aux signaux de détresse. Du fait de sa valeur adaptative, cette capacité générale d’empathie se serait ensuite élargie à l’ensemble des interactions entre individus, constituant une base émotionnelle pour le développement de la morale. Si la moralité constitue une addition tardive au comportement humain, elle devrait être supportée par les aires corticales les plus récentes. Or, les travaux réalisés en neurosciences de la morale montrent que le jugement moral mobilise des processus émotionnels automatiques sous-tendus par des structures cérébrales anciennes du point de vue évolutif (e.g., Decety & Svetlova, 2012 ; Moll et al., 2005 ; Preston & de Waal, 2002).

La loi n’entretient aucun rapport avec notre capacité à interagir de manière prosociale, à vivre en groupe, à coopérer et se coordonner au sein des groupes. Un large ensemble d’études empiriques démontrent que la loi est un outil visant à protéger et étendre les intérêts des groupes dominants, ainsi qu’à renforcer et maintenir la subordination des groupes les plus fragilisés. Les rôles sociaux comme la police peuvent d’ailleurs être considérés comme un aspect des relations intergroupes visant à protéger la hiérarchie par l’exercice de la terreur (harcèlement, intimidation, violence contre les groupes dominés). Si les partisan·es de la loi tiennent à ce point à leurs théories naïves (théorie du contrat social, théorie du vernis, modèle du consensus), c’est parce que celles-ci peuvent être considérées comme des « mythes accentuant la hiérarchie » : des ensembles de valeurs, croyances, stéréotypes dont la fonction est de fournir une justification morale à la discrimination, et ainsi de réguler les tensions entre groupes dominés et groupes dominants (Sidanius & Pratto, 1999).

7 – Conclusions

Le concept de matière a changé au cours des siècles. Il n’y a pas de raison de supposer que le concept actuel de matière soit ultime : après tout, la matière, c’est ce que la science étudie, et tant qu’il y a une recherche scientifique, elle est susceptible de produire de nouveaux concepts et de nouvelles théories.

Loin de s’écarter du matérialisme, la science devient de plus en plus explicitement matérialiste. Elle le fait non seulement en évitant les entités immatérielles (forces vitales, fantômes, pensées désincarnée, forces historiques supramatérielles, etc) mais aussi, et même principalement, en étudiant des entités matérielles. La science étudie les choses physiques, les systèmes chimiques, biologiques et sociaux. [Elle s’oppose à toute affirmation arbitraire, à tous mythes entravant notre compréhension de la matière, et notamment ceux légitimant la hiérarchie sociale.]

Phrases entre crochets :
Guillaume Deloison

Introduction, parti 1 à 5 et conclusion :
Bunge, M. (1981). Le Matérialisme Scientifique.
Éditions Sylepse.

Partie 6, 1e et 3e paragraphe :
Lepage, J. (2019). Les lois de la loi [Manuscrit en préparation].

Partie 6, 2e paragraphe :
Lepage, J. (2017). Rôle des mécanismes d’autorégulation dans la soumission à l’autorité. Université Grenoble Alpes. NT : 2017GREAH027. tel-01769505 URL : https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01769505/document

Références :

Decety, J., & Svetlova, M. (2012). Putting together phylogenetic and ontogenetic perspectives on empathy. Developmental Cognitive Neuroscience, 2(1), 1-24. doi : 10.1016/j.dcn.2011.05.003

de Waal, F. B. M. (1996). Good Natured : The Origins of Right and Wrong in Humans and Other Animals. Cambridge, MA : Harvard University Press.

de Waal, F. B. M. (2003). Morality and the Social Instincts: Continuity with the Other Primates. In G. B. Peterson (Ed.), The Tanner Lectures on Human Values (Vol. 25, pp. 1-40). Salt Lake City, UT: University of Utah Press.Retrieved from http://tannerlectures.utah.edu/_documents/a-to-z/d/deWaal_2005.pdf

de Waal, F. B. M. (2008). Putting the altruism back into altruism : the evolution of empathy. Annual Review of Psychology, 59, 279-300. doi : 10.1146/annurev.psych.59.103006.093625

de Waal, F. B. M. & Preston, S. D (2017). Mammalian empathy : behavioural manifestations and neural basis. Nature Reviews Neuroscience, 18, 498-509.

Ghiselin, M. (1974). The Economy of Nature and the Evolution of Sex. Berkeley : University of California Press.

Hobbes, T. (1991 [1651]). Leviathan. Cambridge : Cambridge University Press.

Høgh-Olesen, H. (2010). Homo sapiens – Homo socious : A comparative analysis of human mind and kind. In H. Høgh-Olesen (Ed.), Human morality and sociality: Evolutionary and comparative perspectives (pp. 235-271). Basingstoke: Palgrave Macmillan.

Huxley, T. H. (1989 [1894]). Evolution and Ethics. Princeton: Princeton University Press.

Kropotkine, P. (2004 [1889]). La morale anarchiste. Paris : Editions Mille et une nuits.

Kropotkine, P. (2009 [1902]). L’entraide, un facteur de l’évolution. Paris : Editions du Sextant.

Moll, J., Zahn, R., de Oliveira-Souza, R., Krueger, F., & Grafman, J. (2005). The neural basis of human moral cognition. Nature Reviews Neuroscience, 6(10), 799-809. doi : 10.1038/nrn1768

Preston S. D., & de Waal F. B. M. (2002). Empathy : its ultimate and proximate bases. Behavioral and Brain Sciences, 25(1), 1-72. doi : 10.1017/S0140525X02000018

Wright, R. (1994). The Moral Animal : The New Science of Evolutionary Psychology. New York : Pantheon.

Sidanius, J., & Pratto, F. (1999). Social Dominance : An Intergroup Theory of Social Hierarchy and Oppression. Cambridge : Cambridge University Press. doi : 10.1017/CBO9781139175043


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ÉLISÉE RECLUS – L’ÉVOLUTION, LA RÉVOLUTION ET L’IDÉAL ANARCHISTE


Nous voulons savoir. Nous n’admettons pas que la science soit un privilège, et que des hommes perchés sur une montagne comme Moïse, sur un trône comme le stoïcien Marc Aurèle, sur un Olympe ou sur un Parnasse – en carton, ou simplement sur un fauteuil académique, nous dictent des lois en se targuant d’une connaissance supérieure des lois éternelles. Il est certain que parmi les gens qui pontifient dans les hauteurs, il en est qui peuvent traduire convenablement le chinois, lire les cartulaires des temps carolingiens ou disséquer l’appareil digestif des punaises ; mais nous avons des amis qui savent en faire autant et ne prétendent pas pour cela au droit de nous commander. D’ailleurs, l’admiration que nous éprouvons pour ces grands hommes ne nous empêche nullement de discuter en toute liberté les paroles qu’ils daignent nous adresser de leur firmament. Nous n’acceptons pas de vérité promulguée : nous la faisons nôtre d’abord par l’étude et par la discussion, et nous apprenons à rejeter l’erreur, eût-elle un millier d’estampilles et de brevets. Que de fois en effet, le peuple ignorant a-t-il dû reconnaître que ses savants éducateurs n’avaient d’autre science à lui enseigner que celle de marcher paisiblement et joyeusement à l’abattoir, comme ce bœuf des fêtes que l’on couronne de guirlandes en papier doré !

Des professeurs cousus de diplômes nous ont complaisamment fait valoir les avantages que présenterait un gouvernement composé de hauts personnages comme ils le sont eux-mêmes. Les philosophes, Platon, Hegel, Auguste Comte ont orgueilleusement revendiqué la direction du monde. […] Le plus obscur de ceux qui luttent et souffrent pour la justice nous en enseigne davantage.

Les fortunés qui sont épargnés ou seulement effleurés par le malheur, font comme s’ils ne s’étaient pas aperçus de ces hécatombes, ils s’arrangent de leur mieux pour vivoter tranquillement, comme si tous ces désastres n’étaient pas des réalités tangibles !

N’est-il pas vrai que des millions d’hommes en Europe, portant le harnais militaire, doivent pendant des années cesser de penser à haute voix, prendre le pas et le pli de la servitude, subordonner toutes leurs volontés à celle de leurs chefs, apprendre à fusiller père et mère si quelque despote imbécile l’exige ? N’est-il pas vrai que d’autres millions d’hommes, plus ou moins fonctionnaires, sont également asservis, obligés de se courber devant les uns, de se redresser devant les autres, et de mener une vie conventionnelle presque entièrement inutilisée pour le progrès ? N’est-il pas également vrai que chaque année des millions de délinquants, de persécutés, de pauvres, de vagabonds, de sans-travail, se voient enfermés en cellules, soumis à toutes les tortures de l’isolement ! Et, comme conséquence de ces belles institutions politiques et sociales, n’est-il pas vrai que les hommes s’entre-haïssent encore de nation à nation, de caste à caste ? La société ne vit-elle pas en un tel désarroi, que, malgré la bonne volonté et le dévouement de beaucoup d’hommes généreux, le pauvre qui souffre de la faim risque de mourir dans la rue, et que l’étranger peut se trouver seul, complètement seul, sans un ami, dans une grande cité où pourtant les hommes, de prétendus « frères » grouillent par myriades ? Ce n’est pas « sur un volcan »,c’est dans le volcan même que nous vivons, dans un enfer ténébreux, et si nous n’avions pas l’espoir du mieux et l’invincible volonté de travailler pour un avenir meilleur, que nous resterait-il à faire, sinon à nous laisser mourir, comme le conseillent, sans oser le faire, tant de malheureux plumitifs, et comme l’accomplissent, plus nombreux chaque année, des légions de désespérés ?

L’histoire nous dit que toute obéissance est une abdication, que tout servitude est une mort anticipée ; elle nous dit aussi que tout progrès s’est accompli en proportion de la liberté des individus, de l’égalité et de l’accord spontané des citoyens ; que tout siècle de découvertes fut un siècle pendant lequel le pouvoir religieux et politique se trouvait affaibli par des compétitions, et où l’initiative humaine avait pu trouver une brèche pour se glisser, comme une touffe d’herbes croissant à travers les pierres descellées d’un palais.

Je me rappelle encore la stupeur que la proclamation de la « République » produisit en 1848 chez les paysans de nos campagnes : « Et pourtant il faut un maître ! » répétaient-ils à l’envi. Aussi s’arrangèrent-ils bientôt de manière à se donner ce maître, sans lequel ils ne s’imaginaient pas de société possible : évidemment leur monde politique devait être fait à l’image de leur propre monde familial, dans lequel ils revendiquaient l’autorité, la force même et la violence.

Sous ses mille transformations, l’État, fût-il le plus populaire, n’en a pas moins pour principe premier, pour noyau primitif, l’autorité capricieuse d’un maître

[Le magistrat] dispose du glaive de la loi, il tient les clefs du cachot ; il se plaît à torturer matériellement et moralement les prévenus par le secret, la prison préventive, les menaces et les promesses perfides de l’accusateur dit « juge d’instruction »; il dresse les guillotines et tourne la vis du garrot ; il fait l’éducation du policier, du mouchard, de l’agent des mœurs ; c’est lui qui forme, au nom de la « défense sociale », ce monde hideux de la répression basse, ce qu’il y a de plus repoussant dans la fange et dans l’ordure.

Et de toutes les autres institutions d’État, qu’elles se disent « libérales », « protectrices » ou « tutélaires », n’en est-il pas comme de la magistrature et de l’armée ? Ne sont-elles pas fatalement, de par leur fonctionnement même, autoritaires, abusives, malfaisantes ?

Jusqu’aux savants, qui, oublieux du temps où ils constituaient une république internationale de par le monde, parlent de « science française », de « science allemande », de « science italienne » comme s’il était possible de cantonner entre des frontières, sous l’égide des gendarmes, la connaissance des faits et la propagation des idées : on vante le protectionnisme pour les productions de l’esprit comme pour les navets et les cotonnades.

Il faut être naïf parmi les naïfs pour ignorer que les « catéchismes du citoyen » prêchent l’amour de la patrie pour servir l’ensemble des intérêts et des privilèges de la classe dirigeante, et qu’ils cherchent à maintenir, au profit de cette classe, la haine de frontière à frontière entre les faibles et les déshérités. Sous le mot de patriotisme et les commentaires modernes dont on l’entoure, on déguise les vieilles pratiques d’obéissance servile à la volonté d’un chef, l’abdication complète de l’individu en face des gens qui détiennent le pouvoir et veulent se servir de la nation tout entière comme d’une force aveugle.

Reclus, E. (1902). L’évolution, la révolution et l’idéal anarchiste. chap 4. http://classiques.uqac.ca/classiques/reclus_elisee/evolution_revolution_anarchique/evolution_revolution_anarchie.pdf

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PHILOSOPHER – PARMÉNIDE


« Ne reste plus que le seul exposé de la voie : ce qui « est » existe » .

Parménide. Fragment

Dans cette citation, Parménide expose sa méthode pour élaborer des connaissances : pour parler des choses, il faudrait s’assurer qu’elles existent réellement. Parménide ira même plus loin en déclarant que tout ce qui change n’existerait pas réellement. Cette approche est évidemment abusive, mais Parménide mettait tout de même en avant quelque chose de pertinent : la possibilité et l’importance de connaître réellement le monde. C’était l’un des premiers à faire un pas sincère vers la connaissance. Alors, malgré ses écueils, Parménide a-t-il finalement ouvert la voie de la connaissance ?

Parménide d’Élée est un philosophe grec née à la fin du 6e siècle avant notre ère dans le sud de l’Italie. Il meurt au milieu du −5e siècle. Issu d’une famille riche et puissante, il est possible qu’il ait été législateur dans sa ville natale. Parménide est célèbre pour son traité intitulé De la Nature (« Parménide », 2018). Dans ce traité, qui prend la forme d’un mythe allégorique, Parménide expose la voie qui mène à la déesse de la vérité (Sachot, 2016). Parménide s’est inspiré de la philosophie de la nature développée au sein de l’école de Milet. Selon Théophraste, élève d’Aristote et botaniste, Parménide est le premier à nommer l’« Univers » comme un tout uni. Il est l’un des premiers à affirmer que la Terre est sphérique et située au centre de l’univers. Par ailleurs, il s’est également inspiré des théories arithmétiques de Pythagore. Il a ainsi introduit la logique dans la pensée grecque. Parménide est un des philosophes les plus considérables dans l’histoire de la philosophie. Platon a même consacré une œuvre qui porte son nom (« Parménide », 2018).

Comme nous l’avons dit, Parménide était l’un des premiers à étudier la nature comme un tout unique. Cependant, il ne vérifiait pas empiriquement ses hypothèses. Elles n’étaient donc que des vues de l’esprit, de simples idées qu’il plaquait sur le monde. Sa méthode s’appuyait en effet essentiellement sur la logique. Il considérait que le monde était aussi immuable qu’une vérité logique. L’accent excessif qu’il donnait à la raison peut conduire à une interprétation idéaliste de son œuvre. En effet, son œuvre est très malléable aux interprétations. Ce problème est renforcé par son recours aux divinités grecques conventionnelles pour exposer sa philosophie. Parménide préférait le registre mythique aux exemples sociaux ou politiques comme si une œuvre de raison devait taire ces sujets. Bien qu’il écrivit principalement sur la connaissance, éviter toute considération morale était une erreur. D’autant plus que sa vision fixiste du monde peut aisément soutenir des attitudes politiques conservatrices : si le monde est fixe, nous ne pourrions changer la société. Ce mythe légitime alors un état de fait inégalitaire. Brisons-le.

UNE MÉTAPHYSIQUE IMMOBILE

Au début du 5e siècle avant notre ère, après avoir été occupé par une révolte en Égypte, l’Empire perse a organisé une grande expédition contre la Grèce. Certaines cités se sont soumises, mais d’autres ont formé une alliance sous l’hégémonie de Sparte. Cela a marqué le début des guerres médiques, marqué par la bataille de Marathon et celle des Thermopyles. Les guerres médiques se sont terminées par la défaite de l’Empire perse lors de la bataille navale de Salamine. Athènes a ensuite enrôlé dans la Ligue de Délos toutes les îles grecques précédemment sous domination perse. Ainsi Athènes a établi son hégémonie militaire et commerciale sur la mer Égée. Au milieu du 5e siècle avant notre ère, la ligue de Délos était devenue de fait un empire athénien (« Histoire de la Grèce antique », 2019). Durant cette période, de nombreux philosophes sont apparus progressivement. Certains penseurs comme Parménide, Empédocle ou encore Leucippe, inauguraient de nouvelles manières d’envisager le monde. Comme Parménide, ces philosophes faisaient bien souvent partie de la classe sociale dominante qui reposait de plus en plus sur l’esclavage et le commerce (Charbonnat, 2007 ; « Grèce antique », 2019).

L’interprétation du texte de Parménide n’est pas évidente, elle donne toujours lieu à des divergences inconciliables entre les commentateur·ices (Sachot, 2016). À l’époque, la réflexion philosophique portait avant tout sur la nature. Pourtant, l’interprétation privilégiée de la pensée de Parménide est souvent une interprétation néoplatonicienne qui s’intéresse d’abord à la raison. Le néoplatonisme s’inspire de Platon et met l’accent sur les aspects mystiques et religieux. Ce courant présente Parménide comme le « Père de la métaphysique » – du grec méta-physika : « au-delà-de-la-nature » (Charles, 2001). La métaphysique sera centrale pour la scolastique, un courant philosophique issu des universités du Moyen Âge étudiant les textes sacrés et les philosophes grecs. Aujourd’hui, le domaine de réflexion de la métaphysique est désigné, dans un lexique plus scientifique, d’« ontologique » – de onto-logos : « le-discours-sur-l’être » (« Métaphysique », 2019). Toute l’œuvre de Parménide portait justement sur sa notion d’« être » : « « Est » m’est le point commun d’où je pars » – Parménide. Ce terme désigne tout ce qui existe, le tout. À travers un mythe allégorique, il exposait alors ses conceptions et ses voies d’explication de l’être, de ce qui est. Parménide s’accordait avec Xénophane et sa conception d’un tout divin et matériel. Cela met à mal l’interprétation des néoplatoniciens dans laquelle Parménide ne s’intéresse pas d’abord aux choses de la nature. En effet selon le philosophe Jamblique : « Quand on cite des philosophes de la nature, on nomme en premier lieu Empédocle et Parménide d’Élée. » Quant à Platon, dans son œuvre le Parménide, il opposait à Parménide et son disciple Zénon qu’il ne fallait pas penser uniquement aux choses visibles mais aussi aux choses de la raison, aux formes. Cela tend à montrer que le sens de « choses visibles » a içi le sens de chose matérielle. L’interprétation néoplatonicienne ne semble donc pas être la bonne.

Aborder Parménide à travers ses différences avec Platon permet bien de comprendre sa pensée. Selon Platon, le monde serait une représentation d’une réalité supérieure alors que pour Parménide il serait une réalité qui se suffirait à elle-même (Charles, 2001). Pour Platon, les idées seraient séparées du monde, il était dualiste alors que pour Parménide le monde serait un, son ontologie était moniste, du grec monos « unique ». Le monisme de Parménide évitait ainsi de nombreux écueil tournant autour de l’interaction possible entre deux entités séparé ontologiquement. Parménide tentait par ailleurs d’expliquer les choses, comme la vieillesse par exemple, par des processus naturels : l’âme étant faite de feu, la vieillesse serait une diminution progressive de sa chaleur. Et contre la vieillesse il insistait alors sur l’importance de la nourriture. Il tentait aussi d’expliquer la procréation humaine de manière similaire. Pour Parménide, la génération sexuelle dépendait du père et « Lorsque la semence provient du testicule droit, les fils ressemblent à leur père, et du testicule gauche, à leur mère » (Charles, 2001). Cela est évidemment ridicule et la primauté donné au père dénote d’un biais sexiste. Même si présenter des processus naturels pouvaient être intéressants, sans vérification empirique de ses hypothèses, ces dernières n’étaient au finale que des vues de l’esprit, de simple idée qu’il plaquait sur le monde.

Abordons maintenant une idée centrale pour Parménide : le monde n’aurait pas de dieu créateur et serait éternel. Il affirme que « [L’être est] sans commencement ni fin… » et qu’il serait nécessaire, car il ne pourrait pas ne pas être. Il considérait que tout était lié et que les différents changements ne feraient qu’un : « [L’être] est immobile dans les liens de chaînes puissantes[…] » – Parménide. Pour lui, l’être, le tout, serait immobile, toujours identique à lui-même, et le changement ne serait qu’apparent. Pour illustrer cette idée, son élève Zénon formulait le paradoxe suivant : une flèche en vol semble en mouvement et pourtant, à chaque instant, la flèche se trouve à une position fixe. Parménide soutenait ainsi que le temps serait une succession d’instants immobiles et que le mouvement serait une illusion. Bien que sa conception moniste soit pertinente, sa vision fixiste de la réalité ne correspond pas à la myriade de mouvement que nous donne à voir la matière. Sa conception de la réalité est mutilé et simpliste. Parménide niait le changement parce qu’il n’arrivait pas à penser le mouvement. Comme Zénon il n’avait pas de conception formelle de la vitesse par exemple (Bunge, 2016) et pensait donc le monde de manière fixiste. Il ne voyait que ce qu’il voulait bien voir et pouvait concevoir logiquement. Il imposait arbitrairement son idée de la réalité en niant tout changement et tout mouvement.

Parménide accorde donc une grande importance à la logique. Ainsi, il faudrait comprendre les choses dans leurs totalités, dans leur logique d’ensemble. Par exemple, « Lumière » et « Nuit » ne seraient pas contradictoires, elles seraient une. « Lumière » et « Nuit » seraient des propriétés de l’existant. Cela comme l’amour, la justice, le droit, la nécessité, qui feraient partie de la nature. Ces choses ne seraient pas des divinités individuelles, existant dans un monde a part, même si les métaphores qu’il utilise peuvent le laisser penser. Il s’interrogeait ainsi sur la logique qui présiderait aux transformations constantes du monde. Dans cette logique, il postulait que des « forces » y seraient à l’œuvre. L’Amour serait « le tout premier de tous les dieux ». Il présiderait à la rencontre productrice de deux forces opposées, la « force » mâle et la « force » femelle. Il utilisait d’ailleurs la procréation comme métaphore du processus universel – naître, croître et disparaître – qu’il appliquait à tous les corps, terrestres comme cosmiques (Sachot, 2016).

Malheureusement, les « forces » dont il parlait sont plus de l’ordre du symbolique que de l’explication matérialiste. Mâle et femelle ne sont en réalité pas des « forces » opposées, mais la résultante d’un processus de sexuation complexe impliquant entre autres les gènes, les hormones mais aussi l’environnement (Brandner, 2013). La sexuation est un gradient plutôt que 2 cases, d’ailleurs 1,7 % environ des naissances humaines sont intersexes : c’est-à-dire que ces personnes n’entrent pas dans la classification établie par les normes médicales des corps dits masculins et féminins (« Droits de l’homme et personnes intersexes », 2015). En effet il est très difficile de trouver un caractère physique pertinent pour définir le sexe d’une personne. La morphologie, la forme des organes reproducteur, les gènes XX ou XY ou encore SRY ne se sont pas avérés satisfaisant. Aujourd’hui d’un point de vue biologique les mâles et les femelles sont définis par la production de grosse et de petites gamètes. Chez certaines espèces d’insectes, l’anatomie des organes est même inversée : les producteurs d’ovules ont des pénis et les producteurs de sperme des vagins, ce qui inverse aussi le schéma corporel – mâle sur femelle – dans l’acte copulatoire. Cette catégorisation des individus est d’ailleurs abandonné, à raison, au profit d’une catégorisation des seuls organes pour bon nombre de plante qui ont des organes sexuels mâle et femelle. Sans oublier que la reproduction sexuée ne concerne qu’une faible proportion des êtres vivants (Touraille, 2016). Nous sommes donc bien loin de « force » qui organiserait le monde. Cette métaphore de la « force » peu effectivement avoir pour intérêt de mettre à distance les arguments ayant recourt au divin, mais elle n’est pas suffisante pour cerner les processus matériels à l’œuvre au cours de l’évolution (Barberousse & Samadi, 2011).

UNE LOGIQUE MUTILANTE

Selon Parménide, une chose existe ou bien n’existe pas du tout. Aucune alternative n’est possible, une chose ne peut pas à la fois exister et ne pas exister. « L’être est, et le non-être n’est pas » – Parménide. Utiliser le « non-être », quelque chose qui n’existe pas, pour expliquer « l’être » serait une erreur fondamentale selon Parménide. Un discours explicatif, quel qu’il soit, devrait faire référence a quelque chose d’existant pour expliquer l’être. Ou plutôt, comme nous l’avons déjà dit, l’être devrait s’expliquer par lui-même (Hoffman, 2005). Parménide soulignait également l’importance de ne pas se laisser tromper par les mots. « L’intelligence ne scindera pas l’être de façon qu’il ne s’attache plus à l’être » – Parménide. Il reconnaissait évidemment que les mots étaient nécessaires pour communiquer et comprendre les choses « Sur chacune [des choses] les hommes ont apposé un nom comme signe distinctif. » – Parménide. Cependant, il prônait l’utilisation de mots qui reflétaient la réalité de manière logique. Il faudrait entendre les mots comme un ensemble, comme « logos » – logique. Il considérait les discours multipliant les références aux sens et aux apparences comme des erreurs manquant de logique. Ces discours perdraient de vue l’unité de l’être. Il désignait ces discours doxa, « opinions ». Ainsi, dans sa manière de concevoir la production des connaissances, en plus de la simple observation, Parménide faisait primer la logique. Le critère de la vérité serait qu’un discours soit logique (« Parménide », 2018). Selon lui, vérité et réalité seraient toute deux non-contradictoire. La réalité serait logique et une pensée vraie, non-contradictoire, serait alors réelle (Sachot, 2016). Autrement dit, soit une pensée serait logique et elle référerait à quelque chose qui existerait, ou elle serait illogique et elle ne référerait à rien.

Bien que Parménide ne fonde pas l’idéalisme, sa méthode basée uniquement sur la logique et l’observation tendait effectivement vers une vision idéaliste de la réalité. Dans sa vision, les idées et leur logique peuvent être prisent pour la réalité elle-même. En somme, il tirait des conclusions métaphysiques abusives à partir de la logique et du langage (Russell, 1945). Certes la non-contradiction logique est importante, et Aristote en formulera bien mieux le principe quelques années après. Mais sans expérimentation, sans vérification empirique, ce sont les propres idées de l’observateur qui s’imposent. Comme l’écrivait Claude Bernard, fondateur de la médecine expérimentale : « on peut raisonner logiquement et sans expérimenter, et arriver, de conséquence en conséquence, à construire un système qui est logique, mais qui n’a aucune réalité scientifique » (Sagaut, 2008-2009). Parménide considérait naïvement que la connaissance logique « reflétait » simplement la réalité. L’adjectif « naïf » n’a pas ici un sens péjoratif, cela signifie que Parménide n’était pas critique. Il croyait que les vérités logiques étaient complètes et définitives. Il négligeait les efforts pour corriger et perfectionner les théories (Bunge, 1993 ; Bunge, 1996), et il se dispensait de vérifier la validité de ses idées en ne les confrontant pas méthodiquement au réel. La science s’élabore progressivement, elle change et tend vers la vérité. Une bonne illustration du fonctionnement des sciences nous est donné par Otto Neurath (1882-1945) philosophe, sociologue, économiste autrichien et membre du Cercle de Vienne. Neurath utilisait la métaphore du bateau de Thésée remplaçant continuellement ses planches mais continuant d’avancer (Silberstein, 2013). De même que le monde n’est pas immobile, pas fixe, nos connaissances peuvent progresser.

Depuis le −18e siècle, les savants de Mésopotamie savaient résoudre des équations du second degré, ainsi que certaines équations du troisième et du quatrième degré. Ils connaissaient les solutions de certains problèmes, mais n’avaient pas de méthodes générales. Deux siècles plus tard, les Égyptiens connaissaient une algèbre rudimentaire (Sagaut, 2008-2009). De même en astronomie, de nombreux siècle d’observation avait posé certains fondements. Les prédictions d’éclipses de lune étaient par exemple relativement fiables (Russell, 1945). Plus tard, Pythagore (−580/−495) a fondé l’école pythagoricienne en Grande-Grèce. Cette école constituait une association religieuse, politique et philosophique qui dura neuf ou dix générations, et qui jouit d’une très grande notoriété dans l’antiquité grecque et romaine. Iels nommaient mathématique (du grec « mathemata ») leur domaine d’étude : les nombres, la théorie musicale, la géométrie, la cosmologie. Par analogie avec la longueur de la corde de la lyre et la hauteur de la note émise par elle, Pythagore déclarait que tout était soumis au nombre. Le nombre serait le principe de toute chose et toutes les choses auraient un nombre pour symbole. Il représentait d’ailleurs les nombres sous forme géométrique. Les pythagoricien·e·s formulaient ainsi des lois arithmétiques qui seront au cœur de leurs conceptions. Du vivant de Pythagore, iels ont exercé durant un temps le pouvoir à Crotone, mais leurs concitoyens ont fini par se révolter. Après la mort de Pythagore, l’école est dirigée par son épouse, la mathématicienne Théano (« École pythagoricienne », 2019).

L’influence d’un contexte dans lequel les mathématiques se développe fortement se fait nettement sentir chez Parménide. Comme évoqué précédemment, la symbolique du 1 et de l’unité était très présente chez lui. Elle était même centrale dans sa conception fixiste du monde. Certes les mathématiques sont indispensables. Elles permettent d’affiner les mesures, de décrire certaines choses avec précisions, etc. Mais elles sont un simple instrument logique (Pépin, 2012). Énoncer une loi sous la forme d’une relation mathématique amène à faire abstraction du contenu physique. Il ne faut alors pas oublier que les expériences qui ont permis de formuler la loi lui confèrent un domaine de validité, en dehors duquel d’autres mécanismes physiques peuvent entrer en jeu et conduire à des résultats et des lois très différentes (Sagaut, 2008-2009). C’est le problème du registre symbolique, il faut le prendre avec justesse. Il ne faut pas confondre le monde et nos symboles. Idéaliser ce registre amène à un mysticisme dans lequel les chiffres ont un pouvoir explicatif en eux même.

UNE ESTHÉTIQUE CONVENTIONNELLE

À l’antiquité, la religion grecque était basée sur des croyances et des pratiques plutôt que sur des textes sacrés ou des dogmes. Elle accordait une grande importance aux rites et peu à la dévotion personnelle. Elle est par ailleurs polythéiste : Zeus, dieu de la foudre, règne sur le Ciel, Poséidon, est le dieu des mers, des océans et des séismes et enfin Hadès, est le maître du monde des Enfers. Il existait de nombreuses autres divinités, auxquelles on accordait plus ou moins d’importance selon la situation, l’époque de l’année, le lieu… (« Grèce antique »,2019). Une bonne partie de la recherche grecque pendant l’antiquité s’était posée en récusant les croyances religieuses. C’était une condition première à la recherche. Si des êtres impossibles à connaître, les dieux, intervenaient dans le cours des événements en interrompant le processus normal des causes, aucune recherche rationnelle ne serait possible (Sachot, 2016).

Dans ce contexte culturel, Parménide a repris l’image des divinités et son esthétique mais à ses propres fins. C’est du moins ce que l’on peut comprendre à travers la pointe d’ironie dont fait preuve cette citation : « Avec cela j’interromps mon logos digne de foi […] » – Parménide. L’utilisation de l’esthétique des divinités grecs par Parménide a en effet pu être interprété par certain·e·s comme une utilisation ironique, plutôt qu’une réelle croyance en ces divinités (Sachot, 2016). Il ne critiquait cependant pas ouvertement les croyances concernant les dieux. Il évitait ainsi le conflit et écartait la menace du crime d’« impiété », dont Socrate et d’autres ont été accusés (Correia, 2016). Mais il n’est pas possible de reprendre simplement une esthétique à son compte. Toute esthétique exprime un propos particulier. Les émotions que suscite un arrangement de couleur, un rythme narratif ou tout autre procédé esthétique, correspond à un message particulier. Capter l’attention des autres et rendre certain éléments spéciaux, les mettre en avant par certains procédés esthétiques détermine une part importante du propos (Boyd, 2005). En l’occurrence, en utilisant des représentations conventionnelles de divinités grecs, Parménide renforçait l’esthétique religieuse dominante. Même s’il utilisait des représentations de divinités dans le but de symboliser des forces naturelles, faire référence à ces divinités, mettait difficilement en avant la spécificité de sa conception. De plus, cela rendait sa conception vague. Pire, cette utilisation des divinités créait même des contresens et des erreurs d’interprétations en faveur de conceptions dominantes. Ce choix esthétique était d’ailleurs peut-être révélateur du manque d’ambition subversive de ces conceptions.

Parménide aurait pourtant pu faire mieux en termes d’esthétique. Dans le but d’ouvrir la voie de la connaissance, il aurait pu développer une esthétique spécifique capable de mettre en avant les caractéristiques propres de son discours. Il aurait pu développer un imaginaire mettant en valeur la réalité avec des exemples réels et un registre descriptif. De cette manière, au 19e siècle par exemple, le développement des sciences stimula un autre imaginaire à travers le réalisme littéraire puis le naturalisme littéraire, ce dernier privilégiant pour sa part le registre explicatif. Évoquons un autre exemple plus contemporain concernant plus particulièrement le style d’écriture : aujourd’hui, la communauté scientifique partage un registre d’expression spécifique qui met en avant ses conceptions. Elle s’entend sur certaines qualités qui devraient guider la rédaction des textes scientifique : le souci d’objectivité (Leclerc, 1999), la recherche de précision (Leclerc, 1999 ; Dufau, 2006), de concision et de clarté (Dubois, 2005 ; Dufau, 2006), et ce, « à la fois dans le contenu et dans le style » (Leclerc, 1999). L’organisation et la rigueur de l’argumentation sont également des caractéristiques associées aux textes scientifiques (Bricker & Bell, 2008). Bien qu’il serait idiot de faire à Parménide des reproches trop anachroniques, il aurait tout de même pu développer un autre imaginaire qu’un imaginaire religieux.

UN DÉNIS MORAL

Parménide écrivait avant tout sur la connaissance et son œuvre nous renseigne peu sur ce qu’il est bien ou mal de faire, sur ses positions morales ou éthiques (les deux termes étant synonyme, l’un dérivant d’une racine latine et l’autre d’une racine grec). Qu’il ne fasse aucune référence à la situation sociale n’était cependant pas anodin. Il préférait le registre mythique aux exemples sociaux ou politiques comme si une œuvre de raison devait taire ces sujets. Certes il est important de distinguer une proposition qui porte sur des faits d’une proposition ayant une valeur morale. Le sexe est par exemple une simple stratégie de reproduction. Il est parfaitement fallacieux d’en invoquer la binarité ou toute autre caractéristique pour en déduire que le monde devrait être binaire et de ce fait légitimer la hiérarchie. Mais se croire au-dessus de toutes considérations morales est une erreur. Notre vision du monde a évidemment un impact sur nos comportements et attitudes. Mettre l’accent sur les aspects compétitifs du monde est par exemple caractéristique d’une orientation vers des rapports sociaux hiérarchique (Duckitt & Sibley, 2010). Ainsi, certains justifient moralement le fait de nuire, trouvent des termes pour minimiser leurs actions et leurs conséquences néfastes, déshumanisent et blâment les victimes ou encore déplacent la responsabilité des actions préjudiciables (Bandura, 1986). Aucun discours rationnel ne peut ignorer les considérations morales qu’il implique. Car face la souffrance qu’inflige la hiérarchie, la dénoncer ou à minima ne pas cultiver la complaisance est justement un devoir moral pour celui ou celle qui prend la parole. Épargner l’autorité de toute critique, c’est bien souvent la légitimer, c’est se satisfaire du statu-quo et accepter l’injustice. Taire les souffrances qu’inflige la hiérarchie n’a rien de rationnel.

Ce déni moral de l’activité scientifique que semble adopter Parménide, est, de nos jours, largement partagé. Certain·e·s pensent que la science pourrait s’exonérer de considérations morales et la conçoivent alors comme une quête absurde de connaissances au mépris des dommages collatéraux (De La Grandière, 2020). D’autres affirment que si les scientifiques peuvent et doivent faire des choix éthiques, ils ne doivent pas le faire en tant que scientifiques, mais en tant que membres de la communauté des êtres humains. Et d’autres concèdent que la science pourrait tout juste nous éclairer sur les différents scenarios à notre portée (Carpentier, 2004). Tous et toutes veillent bien à exclure toute considération éthique du registre des sciences. Certes, utiliser fallacieusement des éléments scientifiques pour justifier un positionnement moral est courant et devrait être rejeté. Mais c’est une erreur de conclure que la science est strictement séparée de l’éthique. C’est une conception idéaliste et désincarnée de l’activité scientifique qui résonne tragiquement avec la responsabilité historique qu’ont eu et qu’ont les scientifiques.

La science a de nombreuses conséquences sociales et politiques, pour cela c’est une activité qui a d’autant plus à faire à des considérations éthiques. À fortiori, la science étant une activité sociale (Manner & Bunge, 1996) la question de sa bonne ou mauvaise exécution se pose. Dans cette perspective, nous pouvons concevoir la méthode scientifique comme une éthique de la recherche. La profession médicale par exemple n’a pas seulement la responsabilité de soigner les malades et de prévenir la maladie, elle a aussi la responsabilité du progrès des connaissances dont ces tâches dépendent. Et « cette […] responsabilité ne peut être remplie que par la recherche et l’expérimentation » (Bradford Hill cité dans Fagot-Largeault, 2012). Les scientifiques ont donc une responsabilité morale particulière. Mais plus directement encore, la morale est un objet d’étude scientifique. En étudiant ses origines évolutives ou encore les processus neuronaux qu’elle implique, la science peut nous permettre de formuler une description de la morale (éthique descriptive). La science est également le meilleur moyen de définir quelles actions nous sont bénéfiques ou non (éthique normative). La science est en effet le moyen le plus fiable pour savoir quoi faire. Nous pouvons alors concevoir l’éthique comme une science (Bunge, 1961 ; Menapace, 2019). Comme tout le reste, les problématiques éthiques sont une chose matérielle que nous pouvons étudier par les moyens de la science, même si c’est avec la plus grande prudence tant l’enjeu est important.

Grâce à une conception scientifique de la morale, nous pouvons justifier des choix éthiques égalitariste par des éléments plus fiables que des préférences personnelles. Nous pouvons justifier scientifiquement l’égalitarisme par l’intérêt objectif des personnes, des groupes, de l’espèce, et même des espèces (Kropotkine, 1889). En effet, les personnes qui privilégient des rapports sociaux hiérarchique, privilégient également un rapport anthropocentrique avec leur environnement et font preuve d’un soutien particulièrement faible pour les politiques d’atténuation du changement climatique (Uenal, Sidanius & van der Linden, 2021 ; Sapolsky, 2004 ; Sidanius & Pratto, 1999, « Rapport du GIEC : Réchauffement climatique de 1,5 °C », 2019). Ainsi, parce que la hiérarchie est sévèrement néfaste pour nous et la biosphère, nous devons l’abolir si nous voulons d’un monde vivable.

UNE PHILOSOPHIE CONSERVATRICE

Nous n’avons là encore que peu de sources en ce qui concerne les idées politiques de Parménide. Pourtant les cités grecques ont traversé une profonde crise politique à cette époque. Les milieux ruraux se sont appauvris et certain·e·s de leurs habitants ont même été réduit·e·s en esclavage. Une nouvelle classe marchande aisée aux aspirations égalitaires a réclamée la fin du monopole politique des propriétaires terriens. Au −5e siècle, Athènes a alors amorcé un ensemble de réforme débouchant sur un régime politique démocratique. Dans ce régime basé sur l’esclavage, seulement une minorité d’habitants sont autorisés à participer aux assemblées citoyennes : en étaient exclues les esclaves, les femmes, les métèques (étrangers) et les non-Athéniens (« Démocratie athénienne », 2019).

Dans ce contexte politique, lorsque Parménide critique la doxa, « l’opinion », cela peut être interprété comme l’expression d’un certain mépris pour ses concitoyens. Peut-être même cela exprimait un certain rejet de la démocratie qui à l’époque représentait malgré tout un progrès. De façon cohérente avec sa négligence pour les efforts de correction et de perfectionnement des théories, Parménide opposait radicalement vérité et opinion. Cela peut être interprété comme une manière pour Parménide de se distinguer des masses et de leur ignorance. Mais utiliser la logique pour briller naïvement n’a rien à voir avec la recherche de la vérité. Cela consiste à se prétendre compétent pour jouir d’un certain pouvoir (Harris & Fiske 2006 ; Gwinn, Judd, & Park, 2013). Les opinions ne sont pourtant pas condamnées à être mauvaise. L’éducation comme l’ignorance s’institue. La recherche n’avance pas grâce au génie d’individu unique mais grâce entre autres à une méthode et une communauté (Manner & Bunge, 1996). Une critique plus pertinente de la doxa mettrait alors plutôt à jour l’importance de la méthode scientifique et des conditions sociales et politique dans lesquels la communauté scientifique produit des connaissances. Les chercheurs et chercheuses ne sont pas dans un monde à part. Les scientifiques font partie de la société (Ponce & Arellano Hernández, 2015 ; Bunge, 1993). Bien que, l’importance fondamentale de critères et de pratiques de vérification des connaissances empêche de considérer la science comme un discours équivalent à d’autres, la recherche est dépendante de conditions sociales. Par exemple, la concurrence croissante et la culture « publier ou périr » dans le monde universitaire entre en conflit avec l’objectivité et l’intégrité de la recherche. Les pressions de publication augmentent ainsi les biais scientifiques dans les environnements universitaires plus compétitifs et « productifs » (Fanelli, 2010 ; L’équipe des rédacteurs d’Academia, 2020 ; Université Ouverte, 2020).

La vision fixiste du monde que développait Parménide a évidemment des conséquences politiques. Peut-être n’était-ce pas son intention mais sa philosophie pouvait aisément soutenir des attitudes politiques conservatrices : si le monde est fixe, nous ne pourrions pas changer la société. Ce mythe légitimait alors un état de fait inégalitaire. Pourtant, que le monde soit réellement plus ou moins fixe, plus ou moins changeant ne devrait pas être un argument pour légitimer un ordre social, réel ou en projet. Certes, il est vrai que certaines choses ne changent pas, comme la vitesse de la lumière, mais il serait ridicule d’utiliser ce genre d’exemple pour légitimer de ne pas changer la société. Et à l’inverse, invoquer les changements de la nature qui se déroule sous nos yeux pour légitimer n’importe quel changement n’est pas beaucoup plus pertinent. Ce genre d’analogies ne sont pas des arguments. Parce qu’elles satisfont en partie certains besoins psychologiques, ces analogies sont d’ailleurs adoptées par tout l’éventail politique (Jost & al., 2003). Mais en ce qui nous concerne, nous voulons abolir la hiérarchie parce qu’elle est profondément mauvaise et cause nombre de souffrances systématiques (Sapolsky, 2004 ; Sidanius & Pratto, 1999), pas pour correspondre à une analogie qui nous rassure.

CONCLUSION

L’œuvre de Parménide a exercé une réelle influence, ne serait ce qu’à partir du thème de la « voie » comme métaphore de la recherche (Sachot, 2016). Parmi les philosophes précédant Socrate, c’est l’un de ceux ayant le plus contribué à disqualifier les conceptions mystiques en privilégiant les références à la nature. Il préfigure certains éléments pertinents de méthodologie, comme la non-contradiction logique, mais il donne beaucoup trop de prises à des interprétations idéalistes. Son esthétique très conventionnelle illustre assez bien le peu d’ambition qu’il avait à se distinguer d’autres philosophies malheureuse. Il ne semblait d’ailleurs pas préoccuper par les conditions sociales de ces contemporains. Peut-être était-il même prompt à légitimer ces conditions hiérarchiques. Sans plus d’indications, sa conception fixiste pouvait être utilisée pour soutenir des attitudes politiques conservatrice. En somme, son attrait pour la vérité, qu’il faut saluer, ne suffit pas à palier sa négligence et ses écueils. Soyons d’autant plus farouches face aux conceptions mystiques, car elles entravent le développement des connaissances et légitiment un état de fait inégalitaire.

Beaucoup pensent qu’il suffit de faire à côté, de négocier avec la hiérarchie pour vivre librement. C’est faux. La hiérarchie s’immisce partout. Elle contraint les corps et les raisonnements. Ignorer son emprise est du déni. Sur le chemin de la vérité, la hiérarchie se pose constamment comme obstacle. Comment continuer les recherches quand tout brûle ? Nous ne pouvons pas qu’observer la destruction des écosystèmes (Scholes et. al., 2018). Les caméras de surveillance les plus développées ne sont d’aucun recours dans ce désastre, au contraire. Les conditions de recherche ne sont pas négligeables. Libérons le savoir, sachons être libres. Opposons-nous méthodiquement à toute hiérarchie.

Guillaume Deloison – 2023

RÉFÉRENCES :

Bandura, A. (1986). Social Foundations of Thought and Action. Prentice-Hall.

Barberousse, A. & Samadi, S. (2011). Chapitre 10. Pourquoi et comment formaliser la théorie de l’évolution. Dans : T. Heams, P. Huneman, G. Lecointre & M. Silberstein (Dir), Les mondes darwiniens : L’évolution de l’évolution. Volume 1 (pp. 307-331). Paris : Editions Matériologiques. https://www.cairn.info/les-mondes-darwiniens-volume-1–9782919694396-page-307.htm

Boyd, B. (2005) Literature and Evolution – a Bio-Cultural Approach. Philosophy and Literature. 29. doi : 10.1353/phl.2005.0002 https://www.researchgate.net/publication/236812947_Literature_and_Evolution_A_Bio-Cultural_Approach

Bricker, L. & Bell, P. (2008). Conceptualizations of argumentation from science studies and the learning sciences and their implications for the practices of science education. Science Education. 92. 473 – 498. 10.1002/sce.20278.

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PHILOSOPHER – HÉRACLITE



« Ce qui diverge procède la plus belle harmonie, et la lutte engendre toutes choses. » – Héraclite. Fragment 8.

Héraclite naît à Éphèse dans la seconde moitié du 6e siècle avant notre ère. Il meurt vraisemblablement vers −460 (Mouraviev, 2000). Natif de la région de Ionie, à l’ouest de l’actuelle Turquie, il est issu de famille aristocratique comme beaucoup d’auteur de l’époque (« Héraclite », 2019). Après son échec politique à Éphèse (Mouraviev, 2000), il renonce à ses privilèges et s’isole mais préside cependant les cérémonies de Déméter. Il lutte contre les démocrates de sa ville, et n’est que peu apprécié de ses concitoyens. Héraclite a écrit un seul livre dont il nous reste quelques fragments. Il écrit dans un style poétique jugé obscur. Bien avant Socrate, Héraclite aurait soutenu le proverbe « connais-toi toi-même » (« Héraclite », 2019). Il fait figure de précurseur et a profondément marqué la philosophie. Les stoïciens ont adhéré à sa vision fataliste du monde comme un feu éternel. Par l’intermédiaire de Platon, il a influencé de nombreux philosophes médiévaux. Son influence est également centrale pour des modernes comme Hegel, Nietzsche et Heidegger (« Héraclitéisme », 2019).

La tradition philosophique a surtout retenu d’Héraclite le thème de la dialectique et du mobilisme universel. Beaucoup aiment son éloge du mouvement mais en néglige les aspects profondément guerriers. Il développe une conception conflictuelle du monde comme si tout mouvement était ancré dans une contradiction fondamentale. C’est une erreur. En considérant le monde comme fondamentalement contradictoire, il développe une mystique fataliste. Certain·e·s y voit une prétendue profondeur ou encore des aspects subversifs alors que ce n’est qu’obscurité. Héraclite n’est subversif que pour les déjà convaincu·e·s qui y voient ce qu’iels veulent. Ainsi son esthétique littéraire cultive l’ambiguïté et les métaphores vagues. Par ailleurs, il se pense tellement malin qu’il en déteste et méprise tout le monde. Sa prétention et son obscurité ont tous les aspects de l’autorité. Développons un éloge du mouvement qui ne légitime pas la hiérarchie et sa guerre permanente.

LE MONDE COMME CONFLIT

Au 8e siècle avant notre ère, la Grèce succède à la civilisation mycénienne. Les Grecs modifient l’alphabet phénicien et inaugurent l’alphabet grec. La population augmente fortement et des colonies grecques sont fondées, dans les îles de la mer Égée et en Asie mineure, puis dans d’autres régions méditerranéennes (« Grèce antique », 2019). Les cités grecques sont des monarchies, gouvernées par un monarque, souvent assisté d’un Conseil des Anciens. Les cités abritent quelques centaines ou quelques milliers d’habitants et se composent d’une ville, plus ou moins fortifiée, et de sa campagne environnante (« Histoire de la Grèce antique », 2019). Durant cette période, de nombreux philosophes apparaissent progressivement. Comme Héraclite, ces philosophes font bien souvent partie d’une classe sociale dominante qui s’appuie de plus en plus sur l’esclavage dans le domaine agricole (Charbonnat, 2007). La Grèce antique se caractérise d’ailleurs par une forte prédominance de l’agriculture, d’autant plus importante que les sols grecs sont peu fertiles (« Grèce antique », 2019). Une aristocratie guerrière constituée d’une petite poignée de propriétaires terriens se lance ainsi fréquemment dans des guerres entre cités (« Histoire de la Grèce antique », 2019).

Dans ce contexte, la philosophie d’Héraclite légitime alors le conflit et l’érige en principe fondamentale : le principe même du monde serait le conflit, ou plus métaphoriquement, la contradiction. Héraclite explique ainsi le changement continuel des choses comme une alternance continue des contraires. Le philosophe Anaximandre avait déjà fait intervenir les contraires pour expliquer le devenir naturel des choses, mais pour Héraclite ces contraires n’expliquent pas simplement le passage d’une substance à une autre. L’opposition des contraires serait le fondement même de la stabilité des choses. Le monde serait donc dialectique – un dialogue des contraires (« Héraclite », 2019). À travers le conflit des tendances opposées, s’engendrerait et se maintiendrait l’unité de toute chose. La lutte ferait l’existence, l’opposition ferait l’union, et l’inégalité ferait l’harmonie. Selon Héraclite, ce mouvement fonde l’harmonie secrète du monde (Zeller, 1882). Certes tout change, c’est même l’une des caractéristiques fondamentales de la matière, mais que les « contraires » gouverneraient le monde est abusif. Et sans cet abus, le fait que certains processus soient contradictoires est parfaitement trivial et sans grand intérêt. C’est par ailleurs une affirmation plus vague qu’exacte. Quel est le contraire de la lumière par exemple ? L’obscurité n’est pas le contraire de la lumière, mais son absence. Où est la contradiction dans le système solaire (Bunge, 1981) ? Certains processus évolutifs sont effectivement le fruit d’une opposition, tandis que d’autres sont le fruit de synergies et de coopérations par exemple (Deleporte, 2013). À ce titre, rappelons que l’entraide a été un facteur important de l’évolution (Kropotkine, 1902). Penser le changement du monde peut se faire sans avoir recours à cette métaphore obscure de la contradiction. L’évolution des espèces n’est pas dialectique et elle illustre pourtant de sublimes changements. Certains processus peuvent être contradictoires, mais la nature n’est pas dialectique, tout comme la société ou notre esprit. Arrêtons de ressortir la dialectique pour pallier notre ignorance (Bunge, 1981). Ce n’est qu’une mauvaise métaphore minorant l’importance de la coopération et entretenant une conception obscure et compétitive du monde.

Par ailleurs, comme beaucoup de ses contemporains, Héraclite pense qu’il n’y aurait pas de démiurge, c’est-à-dire de créateur du monde : « Ce monde a toujours été, et il est, et il sera un feu toujours vivant, s’alimentant avec mesure et s’éteignant avec mesure » – F. 30 (Froment-Meurice, 2017). Le feu prend d’ailleurs une place centrale dans sa pensée. Il l’utilise souvent comme métaphore de ce qui mettrait en mouvement le monde ou encore comme représentation de la raison qui nous animerait toutes et tous. Il utilise également d’autres métaphores pour mettre l’accent sur le mouvement perpétuel des choses : « On entre jamais deux fois dans le même fleuve ». Où encore, dans cette conception que l’on peut qualifier de mobiliste, le jour et la nuit seraient une seule et même chose. Rien ne serait plutôt ceci que cela, mais tout serait en devenir. Les choses ne seraient jamais achevées, mais seraient continuellement créées par les forces contraires qui s’écoulent dans les phénomènes : « Harmonie des tensions opposées, comme celle de l’arc et de la lyre » – F. 61. (« Héraclite », 2019). Mais le monde n’est pas harmonieux. Certes sous un regard naïf tout semble se dérouler plutôt harmonieusement mais la biologie par exemple s’oppose à cette fausse évidence (Gouyon, 2001). Nombre de processus biologiques ne sont pas parfaits, nombre de douleurs et de maladies pourraient être évitées. Les catastrophes sont des catastrophes, elles ne contribuent pas à une soi-disant harmonie. La vie a sa part de souffrance, les gens que l’on aime nous quittent. Il ne s’agit pas simplement de l’accepter, certaines victimes sont inacceptables, mais de vivre avec et de se battre quand il le faut.

UNE MYSTIQUE FATALISTE

La tradition grecque donne à une liste d’anciens hommes politiques, législateurs ou penseurs, le titre de Sept sages. La liste des Sept varie, et parmi eux, Anacharsis, loin de faire l’unanimité, affirme que la loi ne ferait qu’accabler les plus faibles, les riches se permettant de ne pas la respecter (Correia, 2016). Cela est assez remarquable et pertinent, voir même visionnaire, pour être noté. Par ailleurs, au 6e siècle avant notre ère est fondée l’École de Milet, elle est représentée principalement par trois philosophes : Thalès (faisant unanimement partie des Sept sages), Anaximandre et Anaximène. Thalès, comme beaucoup d’autre, ont voyagé en Égypte et ont appris beaucoup des sciences égyptienne et mésopotamienne. À l’École de Milet, la philosophie est principalement axée sur la physique. Ils s’interrogent sur ce qui subsiste à travers le changement. Quelle serait la substance des choses, du latin substare « en dessous ». Ils n’utilisaient plus simplement des mythes mais aussi des concepts physiques pour expliquer les phénomènes naturels : les quatre éléments, le sec et l’humide, le chaud et le froid, etc. (« École milésienne », 2019). Héraclite adopte une toute autre perspective. Dans toutes choses il régnerait une mesure, un rythme ou encore un ordre dans lequel les opposés s’équilibreraient. Cette mesure rythmique, cet ordre qui dominerait l’ensemble du devenir serait par ailleurs immanent : c’est-à-dire que cet ordre du monde ne viendrait pas de l’extérieur, mais du monde lui-même. Pour parler de cette mesure Héraclite utilise alors le terme logos – la logique des choses. Et comme nous l’avons déjà vu, la logique du monde serait le conflit, et sa nécessité dominerait tout (Zeller, 1882). « Toutes les lois humaines sont nourries par une seule divine, qui domine autant qu’elle le veut, qui suffit à tout et vient à bout de tout. » – F. 114. Héraclite privilégie donc une logique fatale sur la diversité des processus matériels. Mais les lois de la nature, ou de la matière peuvent être affirmées sans tomber dans le fatalisme. Le déterminisme du monde, n’implique pas que la situation ne pourrait pas être différente. Un jet de dés est objectivement déterminé et pourtant différents résultats sont possibles. Le hasard existe objectivement sans être indétermination. Par exemple les scientifiques considèrent les probabilités comme des propriétés objectives et ne les introduisent que lorsqu’il y a des raisons de croire qu’un processus aléatoire, tel que le brassage aléatoire, est à l’œuvre. Il n’y a pas de probabilité sans hasard objectif et sans possibilité de mesure objective (Bunge 1968 ; Bunge, 1993 ; Henry, 2012 ; Pépin, 2012 ; Gayon, 2005).

Héraclite désigne aussi le logos par d’autres mots comme « sagesse », « raison », « commun », « fatalité ». Chacun de ces termes serait approprié et aucun ne le seraient vraiment selon Héraclite. « L’Un, qui seul est sage, ne veut être appelé et veut le nom de Zeus » – F. 32. Selon Héraclite les mots ne peuvent suffire à désigner le monde clairement. Par exemple, le mot « bios » signifiant « vie », porterait en lui une référence à la mort signifiant également « arc » (Hoffman, 2005). Héraclite joue énormément sur l’ambiguïté des mots pour nous pousser à saisir l’unité du discours. Derrière les mots, il faudrait entendre le langage lui-même, avec ses contradictions (Froment-Meurice, 2017). Cette façon de concevoir le monde par analogie avec le langage est importante pour comprendre par exemple pourquoi Héraclite considère la parole comme la fonction première de l’âme (Hoffman, 2005). Toute cette ambiguïté rend alors ses écrits très obscurs, très mystérieux, même carrément mystiques (Russell, 1945). Lorsqu’il parle de recherche c’est pour exprimer son mépris des masses. Le logos serait incompris de tous. La vérité serait cachée dans le langage et son registre symbolique en permettrait la compréhension. Ainsi, il ne fonde pas ses recherches sur l’observation et encore moins sur l’expérimentation. Une métaphore serait plus profonde que n’importe quelle démonstration. Les mots seraient fondamentalement trompeurs et la sagesse serait alors de ne rien affirmer clairement (Froment-Meurice, 2017). Il nous plonge dans un obscur relativisme ou le savoir est vain. Cet appel à l’ignorance n’a rien de critique. Ses pensées prétentieuses et fallacieuses confondent obscur et profond (Bouveresse, 1999). Il ressemble plus à un illuminé qu’à un chercheur ou un savant. Son fatalisme légitime ainsi la hiérarchie et les douleurs qu’elle inflige. Sa logique est contradictoire, mystique, absurde et sa conception du monde est brutale et il faudrait s’y soumettre ?

UNE ESTHÉTIQUE DE L’IGNORANCE

Son livre nous est parvenu sous forme de fragments qui ne sont pas forcément fidèles aux originaux. Aujourd’hui, son livre est plus proche d’un patchwork de forme et de fond que d’authentiques sources textuels (Garin, 2013). Ainsi nous ne retrouvons aucun fragment parlant de ses conceptions esthétiques, en revanche son style littéraire particulier lui valut un surnom : en raison d’une écriture poétique, de jeu entre le sens littéral et littéraire d’un mot, de l’abondance de formules paradoxales, de l’absence de toute ponctuation ou encore d’un style haché et détaché, ce livre lui valut le surnom d’« Héraclite l’Obscur » (« Héraclite », 2019). Pour beaucoup, les interprétations contradictoires exprimeraient une pensée profonde, mais le qualificatif « obscur » semble effectivement plus juste. Il est important de comprendre que l’ambiguïté de ses formulations est bien intentionnelle (Mouraviev, 2000). Elle est cohérente avec sa philosophie et doit être analysée à ce titre. L’esthétique permet entre autres d’attirer l’attention (Boyd, 2005) et pour cela son style littéraire est efficace. L’ambiguïté de ses formulations valorise son principe de contradiction et le sentiment de mystère. Les personnes qui croient comprendre quelque chose ont alors l’impression d’être spéciales. Et si nous ne sommes pas éblouis par sa poésie, ce serait sûrement parce que nous ne la comprenons pas. Nous ne serions pas assez sages ou pas à la hauteur. Son esthétique persuade et renforce le degré de certitude attribué à son mysticisme. Mais se complaire dans des phrases qui veulent tout et rien dire ce n’est bon que pour flatter les ignorants et les charlatans. Il ne suffit pas d’attirer l’attention, le propos a aussi une importance et manifestement c’est plutôt obscur, même si certains préfèrent parler de mystère, ou de complexité pour avoir l’air plus moderne. De jolies métaphores dans lesquelles chacun·e voit ce qui lui plaît n’explique rien. Ses formulations nous poussent alors à accepter le monde tel qu’il est sans vraiment d’explication. Qui plus est, toute son esthétique magnifie la violence, la guerre et son absurdité : « Les dieux et les hommes honorent ceux qui succombent à la guerre. » F. 24. Ainsi dans l’un des seuls fragments évoquant la beauté, ce concept est même utilisé pour caractériser un rapport de supériorité : « Le plus beau singe est laid en regard du genre humain. » – F. 82.

Il est intéressant de constater que les conceptions philosophiques d’Héraclite sont assez cohérentes avec celle de la tragédie qui se développe dès les débuts du théâtre comme forme d’art spécifique. D’ailleurs, la fonction sociale des représentations théâtrales est importante : elles légitiment la hiérarchie sociale. Les citoyens les plus riches supportent d’ailleurs les frais du spectacle alors que les moins fortunés reçoivent une indemnité pour y assister. La tragédie se caractérise par la confrontation du héros à son destin lors d’une lutte qu’il sait perdue d’avance. Le public est donc touché par la terreur et la pitié (« Tragédie », 2019). La tragédie, tout comme Héraclite, glorifient la lutte comme principe existentiel. Quant à la mise en scène d’évènements prétendument inévitables, elle rappelle le fatalisme d’Héraclite. Ainsi, la tragédie et la poésie d’Héraclite visent toutes deux la même chose : faire accepter la situation telle qu’elle est.

LA DÉTESTATION DE TOUS·TES

Au 6e siècle avant notre ère, plusieurs cités émergentes dominent le monde grec : Athènes, Sparte, Corinthe et Thèbes. Athènes et Corinthe deviennent de grandes puissances marchandes autant que maritimes. Cependant, à partir de −546, les cités grecques d’Ionie passent peu à peu sous la domination de l’Empire perse. Par ailleurs, en −500, la démocratie s’établit à Athènes. Seule une minorité d’habitants participe aux assemblées citoyennes, excluant les esclaves, les femmes, les « métèques » (étrangers) et les non-Athéniens. L’année suivante, avec la cité de Milet, l’Ionie se soulève contre la tutelle perse et demande de l’aide aux cités grecques. Cela débouchera sur les guerres médiques (« Histoire de la Grèce antique », 2019). Dans ce contexte conflictuel Héraclite s’oppose au développement de la démocratie. Il privilégie une certaine conception de la royauté : « La royauté est à un enfant. » F. 52. On peut penser qu’Héraclite fait ici référence à l’enfant pour valoriser une forme de candeur et d’innocence. Cette interprétation est d’autant plus vraisemblable qu’il fait par ailleurs preuve d’hostilité envers l’érudition des savants de son époque. Dans le fragment 40, Héraclite semble critique vis-à-vis de l’autorité intellectuelle de certains auteurs, comme l’historien Hésiode, le philosophe Xénophane ou le mathématicien Pythagore (Froment-Meurice, 2017 ; Babut, 1976). Mais c’est plus une posture anti-intellectualiste qu’une posture anti-autoritaire. Il ne critique pas l’autorité, il les critique pour s’enorgueillir. Il reproche d’ailleurs à Hésiode et Homère de ne pas faire honneur aux dieux (Correia, 2016). Critiquer des individus ce n’est pas critiquer des rapports autoritaires. Si Héraclite n’est l’élève de personne, ce n’est pas qu’il est sage, c’est qu’il est orgueilleux. Il méprisait ses concitoyens. Lorsqu’il se moque de ceux qui prient devant des murs ou des statues comme si ces derniers les écoutaient, ce n’est pas pour critiquer les dieux, au contraire. Il reproche à ces concitoyens de ne pas savoir ce que sont les dieux. C’est un autoritaire misanthrope (Mouraviev, 2000) : « II n’est pas préférable pour les hommes de devenir ce qu’ils veulent. » – F. 110. C’est tellement plus simple de se dire que tout le monde est idiot, mauvais et de se rêver comme un être exceptionnel. Alors même que la loi est pour lui de première importance, quand il lui aurait été demandé d’établir des lois pour ses concitoyens, il aurait vraisemblablement refusé. Selon lui, la cité en avait depuis trop longtemps des mauvaises (Froment-Meurice, 2017).

Peu de fragments nous renseignent sur ses positions morales ou éthiques (synonymes d’origines respectivement latine et grec), sur ce qu’il juge bien ou mal. Peut-être avons-nous perdu ces fragments, mais il semble assez vraisemblable qu’il n’y porte pas grand intérêt. Cela est cohérent avec sa conception compétitive du monde. Les personnes qui pensent le monde comme un environnement compétitif, dans lequel il s’agit avant tout de vaincre et ou tous les coups sont permis, n’accorde que peu d’importance au « bien » et au « mal » (Winter, 1987). Le fragment qui suit, portant sur la justice, pourrait corroborer ce relativisme moral : « Il faut savoir que la guerre est commune, la justice discorde, que tout se fait et se détruit par discorde. » – F. 80. Et que le plus fort gagne croirait-on entendre.

GUERRE ET HIÉRARCHIE

Diogène Laërce est un grand transcripteur des doctrines philosophiques de son époque, et parfois même la seule source que nous ayons sur certains penseurs antiques. Il nous rapporte les sentiments d’Héraclite lorsque Hermodore, son ami et législateur, est banni (Correia, 2016). Héraclite va jusqu’à vouloir la mort des Ephésiens qui disent : « Que parmi nous il n’y en ait pas de meilleur ; s’il y en a un, qu’il aille vivre ailleurs » – F. 121. Le refus de la hiérarchie est pour lui insupportable et il la défend alors avec férocité. Pour lui le monde est fondamentalement hiérarchique comme le montre ces deux fragments : « Le plus beau singe est laid en regard du genre humain. » – F. 82. « L’homme le plus sage parait un singe devant Dieu. » – F. 83. Il faudrait accepter la logique conflictuelle du monde et la hiérarchie qui en découle. La compréhension de ce logos serait au fondement de la cité. Ainsi Héraclite est un fervent partisan de la loi : « Il faut que le peuple combatte pour la loi comme pour ses remparts » – F. 44. Mais évidemment cette conception ne fait que légitimer la hiérarchie sociale et les dispositifs autoritaires de contrôle social qui se développe a l’époque (Sidanius & Pratto, 1999). Anacharsis voyait juste.

Vers −680 la monnaie apparaît (« Histoire de la Grèce antique », 2019). Les agriculteurs grecs sont peu compétitifs face à la concurrence de plus en plus vive des terres fertiles récemment colonisées. De plus en plus de paysans, n’écoulant pas suffisamment leur production, sont condamnés à se vendre comme esclaves pour faire face à leurs dettes (« Démocratie athènienne », 2019). Vers −650 à Sparte, l’aristocratie foncière se renforce par un régime militaire permanent (« Histoire de la Grèce antique », 2019). Partout, l’aristocratie lutte afin de ne pas être renversée par la nouvelle classe marchande (« Grèce antique », 2019). Cette nouvelle classe aisée, faite de commerçants et d’artisans, est alors suffisamment riche pour acheter des équipements d’hoplites : avec ces équipements de soldat, la guerre n’est plus l’apanage de l’aristocratie. Le système aristocratique basé sur la propriété agraire est battu en brèche face aux revendications égalitaires de ces nouveaux citoyens-soldats. La partie politique de son livre s’est largement perdue, mais Héraclite est bien partisan de cette aristocratie (Mouraviev, 2000). Ainsi, les cités se combattent fréquemment entre elles, ce qui nourrit souvent les révoltes, par ailleurs durement réprimées. Mais les guerres sont aussi parfois un facteur de cohésion interne des cités (« Démocratie athènienne », 2019). Les conceptions fondamentalement guerrières d’Héraclite légitiment cet état de fait : « La guerre est mère de toutes choses, reine de toutes choses, et elle fait apparaître les uns comme dieux, les autres comme hommes, et elle fait les uns libres et les autres esclaves » – F. 53. Tout se déroulerait convenablement, et des conflits émergerait l’harmonie : « Ce qui est contraire est utile ; ce qui lutte forme la plus belle harmonie ; tout se fait par discorde. » – F. 8. En plus d’expliquer faussement le monde (Gouyon, 2001), cette conception de l’harmonie motive à se soumettre à la fatalité, à ne pas subvertir la hiérarchie sociale et à accepter le statu-quo. La conception d’Héraclite légitime les conflits alors qu’ils doivent cesser. Cette vision compétitive est caractéristique d’une forte orientation à la dominance sociale. Les personnes fortement orientées vers des rapports sociaux hiérarchique pense que le monde est compétitif et que les plus forts seraient au sommet de la hiérarchie sociale (Duckitt & Sibley, 2010). Mais l’idée selon laquelle les êtres humains sont conflictuels par nature, en plus d’être largement contrefactuelle, est aveugle à la dimension coopérative de l’humanité. Les discours qui mettent en avant notre prétendue nature guerrière ne sont que des mythes. Il semble même que les guerres soit un phénomène relativement récent dans l’histoire de notre espèce. Les plus anciennes traces de guerre seraient vielles de 10 000 ans. Ce n’est donc pas le monde qui est guerrier, ce sont nos sociétés hiérarchiques qui sont conflictuelles. Mais même si nous étions une espèce de nature guerrière, la guerre ne serait pas une fatalité : les conflits dépendent d’identités symboliques, de politiques multi-populationnelles et de structures sociales hiérarchiques. La paix n’est pas simplement l’absence de guerre, elle est le résultat de mécanismes sociaux actifs pour décourager et gérer les conflits ainsi qu’encourager la coopération (Fry, 2013 ; Sidanius & Pratto, 1999). Ainsi, parce que toute société égalitaire et apaisé implique de lutter contre les institutions entretenant et renforçant la hiérarchie, nous devrions entre autre abolir la prison, et ce non pas simplement car ce que l’on fait vivre aux détenu·e·s et leur proche est inhumain. Bien que le système carcéral accable plus particulièrement les pauvres et les personnes racisées, les prisons et plus largement le système pénal a des effets dévastateur pour toute la société (Sidanius & Pratto, 1999 ; Kropotkine, 1901 ; Sapolsky, 2005). Les prisons s’inscrivent dans des dispositifs destinés à discipliner au moins autant celles et ceux qui sont dehors que celles et ceux qui sont dedans. Ainsi, le système pénal et son mode punitif devrait être aboli au profit de mécanismes sociaux conciliatoires (Ricordeau, 2019 ; Slingeneyer, 2005).

CONCLUSION


Beaucoup apprécient son éloge du mouvement, son mobilisme. Mais en plus de nous faire sombrer dans une obscure fatalité, sa vision contradictoire du monde légitime les rapports conflictuels de la hiérarchie. La mystique d’Héraclite flatte les ignorants et son esthétique charme les charlatans. Comme si parce que le monde était en mouvement, cela justifiait l’obscurité de son œuvre. Lucrèce, le poète matérialiste de Rome l’insulte à raison (« De la nature/Livre I. », 2015). La philosophie d’Héraclite légitime de nombreuses pensées autoritaires. Il pense mieux savoir que les autres alors qu’il n’est même pas capable de s’exprimer clairement. Ce qui plaît dans sa pensée, c’est son obscurité et le pouvoir qu’elle donne. Il n’y a pas besoin d’Héraclite pour faire l’éloge du mouvement, au contraire. Son obscurité est incapable de nous ouvrir un horizon émancipateur.


Dans tous les courants politiques certain·e·s idéalisent la lutte. Ce sont des petit·e·s chef·fe·s qui se glorifient. Nous ne luttons pas pour lutter, mais pour mettre fin à la hiérarchie et sa compétition meurtrière. Bien sûr, il est fondamental de reconnaître la conflictualité de la hiérarchie. La naïveté ou le déni n’est pas préférable. Se défendre face à la hiérarchie requiert effectivement de la force. Un monde sans hiérarchie ne sera pas parfait ni sans problème, mais glorifier la lutte comme principe fondamental ne peut nous mener que dans une impasse. Aux rapports conflictuels de la hiérarchie, opposons la solidarité et l’entraide. La guerre sociale n’en finit pas, comme notre défaite. Humaines et non-humaines, les victimes s’entassent dans les charniers de l’Histoire (Scholes et. al., 2018 ; Kelman, 2005). Les dominants nous font la guerre et les vaincre est une condition nécessaire pour un monde vivable.

Guillaume Deloison – 2023


RÉFÉRENCES :

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Ricordeau, G. (2019). Pas de mouvement abolitionniste sans nous !. Criminocorpus. Attica ! Attica ?. Dynamiques des révoltes dans les prisons (XXe-XIXe siècles, Amérique du Nord, Europe). Révolte, débats et stratégies. http://journals.openedition.org/criminocorpus/6866

Russell, B. (1945). Histoire de la philosophie occidentale. https://lapasserelle.com/histoire_philosophie_occidentale/

Sapolsky, R. M. (2005). The influence of social hierarchy on primate health. Science. 308. https://pdfs.semanticscholar.org/7536/e80f645c536ba6445be569ecec8b8e68dcad.pdf

Scholes, R. J., Montanarella, L., Brainich, E., Brainich, E., Barger, N., ten Brink, B., … Willemen, L. (Eds.) (2018). IPBES (2018): Summary for policymakers of the assessment report on land degradation and restoration of the Intergovernmental Science – Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services. Bonn, Germany : Intergovernmental Science-Policy Platform on Biodiversity and Ecosystem Services. https://research.utwente.nl/en/publications/ipbes-2018-summary-for-policymakers-of-the-assessment-report-on-l

Sidanius, J., & Pratto, F. (1999). Social Dominance : An Intergroup Theory of Social Hierarchy and Oppression. Cambridge : Cambridge University Press. doi : 10.1017/CBO9781139175043

Slingeneyer, T. (2005). La pensée abolitionniste hulsmanienne. Archives de politique criminelle, 27(1), 5-36. https://www.cairn.info/resume.php?ID_ARTICLE=APC_027_0005#

Tragédie. (2019, 22 novembre). Wikipédia, l’encyclopédie libre. À partir de https://fr.wikipedia.org/w/index.php?title=Trag%C3%A9die&oldid=164753355.

Zeller, E. (1882). La philosophie des Grecs considérée dans son développement historique. À partir de https://philoctetes.free.fr/Zellerheraclite.htm

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Tu voudrais connaître la date de ta mort ?


C’est la question que m’a posé une amie. Sa question m’a un peu surpris puis amusé. Est-ce que je voudrais connaître la date de ma mort ?

En ce qui me concerne, je crois que si c’était une information disponible, j’aimerais la connaître. Mais je ferais pas d’effort pour la découvrir si cette information n’était pas disponible. Je crois pas que ce soit une information que je veuille, mais si elle peut être connue, je préfère la connaître.

C’est-à-dire que je préfère le savoir à l’ignorance ? Mon amie m’a fait remarquer que cette question ne portait pas vraiment sur des connaissances, du savoir, sur des explications ou des faits. Ce n’est que la date de notre mort. À moins qu’on puisse connaître également les causes de notre mort.

Mais si tu connais la date de ta mort et les causes, alors tu peux la changer. On pourrait alors tous vivre avec une montre qui nous donne la date de notre mort évoluant en direct selon les actions que l’on effectue.

« Oh ba non… ba non on va pas faire ça les gens, ça réduit l’espérance de vie de Camille… hooo. C’est pas cool… »

Je lui ai alors demandé ce qu’elle, elle en pensait. Elle, préférerait ne pas savoir. Elle pensait même que si c’était une information disponible et que tout le monde connaissait la date de sa mort, ça structurerait nos rapports sociaux, toute la hiérarchie sociale. Ce serait affreux que la date de notre mort deviennent la proie de processus de domination. Des groupes sociaux se divisant sur le critère de la date de mort, ceux qui mourront bientôt contre ceux qui ne mourront pas de si tôt.

J’ai alors répondu que le problème, ce n’était pas la date, c’était la hiérarchie. On peut même imaginer un monde sans hiérarchie ou au contraire, cette information nous aide à vivre mieux. On pourrait collectivement privilégier les politiques qui nous garantissent des vies plus longues. On verrait d’ailleurs que c’est justement une société égalitaire et écologique qui nous permet cela.

Et je me suis dit finalement que c’était un peu ce que fait le GIEC et ce que nous permettent déjà les sciences en général. Si seulement on accordait réellement un peu plus d’intérêts aux sciences et si on savait affirmer un peu plus fort que ces pourritures de dominant·e·s on tord… et mêler le geste à la parole.

Guillaume Deloison

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POURQUOI PROUVER QUE DIEU N’EXISTE PAS ?


Il y a quelque temps, KaleidosPop a parlé d’athéisme militant et je voulais vous partager ma réponse.

Il reproche à certain·e·s militant·e·s athée de s’acharner à prouver que Dieu n’existe pas. Il leur est alors opposé que l’on ne peut pas prouver que quelque chose n’existe pas et que la religion serait, avant tout, un rapport intime et personnel de l’ordre du spirituel et de l’immatériel.

KaleidosPop est athée mais à vrai dire, je trouve cette position plus proche de l’agnosticisme. J’aimerais proposer un autre argumentaire, radicalement athée mais qui ne sombre pas dans les dérives d’un certain athéisme militant qui est dénoncé ici à raison.

POURQUOI PROUVER QUE DIEU N’EXISTE PAS ?

En effet, on ne peut pas prouver que quelque chose n’existe pas. Mais cela ne doit pas être un appel a l’ignorance, car le revers de ce principe est que l’on peut et doit prouver que ce dont on parle existe. C’est le principe de la charge de la preuve : la charge de la preuve revient à celui qui affirme.

En l’absence de preuve fiable et solide, il est donc plus raisonnable de présumer que Dieu n’existe pas (Mahner, 2013). Ce n’est pas à nous athée de prouver que dieu n’existe pas, mais aux religieux d’être convaincant•es, ce qu’iels ne sont pas.

Après j’ai beau considérer que les religions ont tort, je suis lucide sur le fait que ce qui se joue ici ne sont pas des considérations ontologiques, il ne s’agit pas d’avoir raison. La religion en tant que phénomène social, et donc pleinement matériel, a d’autres raisons.

Au-delà du fait que comprendre les origines de la religion chez Homo sapiens est passionnant, son existence est à comprendre au présent. La religion fournie des références culturelles commune, légitime des rapports sociaux, réponds à des besoins psychologique et bien d’autres… (Bourrat, 2011)

Afin de réduire l’influence de la religion, il me semble alors plus efficace de partager librement les connaissances et d’œuvrer à un monde égalitaire, qui ne mobilisera pas des prétendus forces supérieures pour légitimer une quelconque hiérarchie sociale.

Il me semble même que vu l’état actuel du monde, et la place que prend la religion dans les problématiques de racisme et de géopolitique, il est, au mieux, on ne peut plus niais d’argumenter contre les religions sur un registre ontologique.

Il s’agit de comprendre réellement les enjeux que recouvre la confessionnalisation des problématiques politiques sans jamais, évidemment, confondre la lutte contre les religions, et la lutte contre les religieu•ses. Et être vigilant à ne pas donner de la voix à nos ennemies.

(« Mais pourquoi le « bouc émissaire » est-il devenu « musulman » et n’est pas resté « arabe », « travailleur immigré » ou « immigré » tout court ? »
Extrait de :
Classe / Race – faux dilemme, vrais problèmes.
https://m.youtube.com/watch?v=JnfvOy6bw9g )

RÉFÉRENCES :

Bourrat, P. (2011). Chapitre 37. L’évolution de la religion d’un point de vue darwinien : synthèse des différentes théories. Dans : éd., Les mondes darwiniens (pp. 1091-1121). Paris: Éditions Matériologiques. https://doi.org/10.3917/edmat.heams.2011.02.1091 » https://www.cairn-sciences.info/les-mondes-darwiniens-volume-2–9782919694402-page-1091.htm

Mahner, M. (2013). Chapitre 1. Le rôle du naturalisme métaphysique en science. Dans : Marc Silberstein éd., Matériaux philosophiques et scientifiques pour un matérialisme contemporain. Volume 1 : Sciences, ontologie, épistémologie (pp. 29-70). Paris : Editions Matériologiques. doi : 10.3917/edmat.silber.2013.01.0029. https://www.cairn.info/materiaux-philosophiques-et-scientifiques-vol-1–9782919694518-page-29.htm

Le thread de KaleidosPop :

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PHILOSOPHER – COMTE


« Il est temps aujourd’hui de prendre une marche plus raisonnable, de n’admirer, de n’estimer, de ne payer que ce qui est utile, que ce qui peut contribuer au bien-être de l’individu et de l’espèce […], que la faculté d’abstraire ne soit employée que pour faciliter la combinaison des idées concrètes ; en un mot, que ce ne soit plus l’abstrait qui domine, mais le positif. » – Comte, A. (1817). Programme d’un travail sur les rapports des sciences théoriques avec les sciences d’application.

Auguste Comte naît le 19 janvier 1798 à Montpellier. Il meurt le 5 septembre 1857 à Paris. Issu d’une famille catholique et monarchiste, Comte est professeur particulier de mathématiques, répétiteur et examinateur à l’École Polytechnique ainsi que précepteur dans un établissement préparatoire aux concours scientifiques. Pendant plus de vingt-cinq ans, il donne aux ouvriers plusieurs cours publics d’astronomie, puis d’histoire. Il développe durant toute sa vie une philosophie scientifique : le positivisme. Cette philosophie s’étendra à la politique et à la morale. Par la suite, elle prend un tournant avec la Religion de l’Humanité (« Auguste Comte », 2019). Sa pensée marquera profondément la philosophie. Les continuateurs et détracteurs sont nombreux.

Comte et son positivisme a inspiré de nombreux auteur·ice·s, certain·e·s le portant, d’autres le rejetant. Il en a d’ailleurs tellement été dit que la place de Comte parmi celleux se réclamant du positivisme n’est même plus centrale. Nous ne pouvons cependant pas critiquer Comte sans toucher au positivisme. Beaucoup rejettent trop facilement ce courant et son créateur alors qu’ils ont largement contribué au développement de la méthode scientifique. Pour les critiquer il faut le faire pour les bonnes raisons : Comte est intéressant, mais il est détestable. Comme nous le verrons, il rejette vigoureusement tout questionnement métaphysique et notamment le matérialisme parce qu’il serait anarchique : sans loi, la matière ne pourrait pas s’organiser. Plutôt que d’expliquer les choses par des processus matériels, il formule alors des lois à partir de la régularité des phénomènes observés. Par ailleurs, soucieux d’unifier les sciences, il met l’accent sur l’aspect utile des sciences pour l’Humanité. Cette perspective utilitariste est également centrale dans ses conceptions esthétiques et morales. Ainsi, il légitime qu’une classe de philosophe et d’industrielle gouverne la société pour son bien. Au nom de l’utilité, les scientifiques feraient l’autorité. Il développe ainsi une conception autoritaire et conservatrice de la science. Certain·e·s en profitent pour caricaturer et rejeter la science. Iels rejettent Comte et son positivisme au profit de la religion, alors qu’il répudiait pourtant le matérialisme et fonda même une religion. Portons une philosophie scientifique qui brise toute pensée autoritaire : celles prétendant se réclamer de la science pour contraindre, comme, au contraire, celles prétendant se libérer de toute contrainte en rejetant la science.

LE POSITIVISME EST UN IDÉALISME

Au 19e siècle, l’empire colonial français s’étend sur tous les continents du monde (« France au XIXe siècle », 2019). Dans ce contexte, même si Comte s’oppose à la colonisation, notamment en Algérie, ses plans de développement du positivisme à l’échelle mondiale trouvent malgré tout un écho dans les arguments coloniaux de la France du Second Empire (« Auguste Comte », 2019). Il inspire aussi la devise du brésil « Ordre et progrès » (Arbousse-Bastide, 1979). Par ailleurs, l’Église perd progressivement de son influence avec la laïcisation de l’État et l’influence culturelle des sciences. En effet, durant les 2 derniers siècles, les sciences ont énormément avancé et cela dans une autonomie grandissante. En 1847 par exemple, Hermann von Helmholtz publie la première loi de la thermodynamique : la conservation de l’énergie (« Chronologie de la thermodynamique et de la physique statistique », 2019). Les sciences s’étaient ainsi constituées en un domaine à part en dehors de la philosophie. Elles laissaient celle-ci à ses spéculations et à ses disputes. La science était forte de la puissance de ses conquêtes, de la sûreté de ses méthodes et de l’infaillibilité de ses résultats. Pour Comte, la science était justement une philosophie en soi. Il entreprend donc de formuler un discours philosophique propre aux sciences : la philosophie positive. Cette dernière devrait alors coordonner les principes de toutes les sciences. Elle devrait en établir la hiérarchie, les liaisons et l’unité (Janet, 1887).

Le mot « positivisme » dérive du participe passé du latin ponere : positus, « posé ». Au 13e siècle, « positif » signifie ce qui est « établi », généralement par institution divine ou humaine. Au 16e siècle, le terme en vient à désigner une connaissance fondée sur des faits, une connaissance certaine (Pickering, 2011). Ainsi, en qualifiant sa philosophie de « positiviste », Comte exprime sa volonté de combattre la pensée vague et les croyances incohérentes de la « métaphysique », qui a ici une connotation négative. Le terme « métaphysique » désigne un domaine de réflexion s’intéressant aux choses ordonnant le monde, par exemple Dieu, les idées, la matière, etc. Dans les débats scientifiques actuels, le terme privilégié est plutôt ontologie, terme issu du grec ancien ontos « être » et logos « discours ». Le terme métaphysique peut toutefois être également employé, avec ou sans connotation négative. La remarque du logicien et philosophe naturaliste Willard Van Orman Quine est intéressant pour saisir l’enjeu de ses considérations : « Ce qu’il y a de curieux avec le problème ontologique, c’est sa simplicité. On peut l’énoncer en trois mots : « Qu’y a-t-il ? » Et l’on peut, qui plus est, lui apporter une réponse en un mot : « Tout » – et chacun acceptera cette réponse comme vraie. Cependant, cela revient à dire simplement qu’il y a ce qu’il y a. Cela laisse la possibilité de désaccords au cas par cas ; et ainsi la question continue de se poser depuis des siècles. » – Quine, W.V.O. (1953). Du point de vue logique. Neuf essais logico-philosophiques. Métaphysique ou ontologique, le positivisme rejette donc toutes considérations de cet ordre. Ainsi, en rejetant tout questionnement sur ce qu’est le monde, toute ontologie, Comte rejette le matérialisme. « Le positivisme écarte irrévocablement à la fois, [le matérialisme] comme anarchique, [le spiritualisme] comme rétrograde » Comte, A. (1848). Discours sur l’ensemble du positivisme. Il s’intéresse seulement aux moyens que nous avons pour connaître le monde, à l’épistémologie, terme issu du grec ancien epistémê « connaissance » et logos « discours » (Premat, 2008). Comme Hume, Kant et d’autres, il n’appréhende que des phénomènes : « Nous ne saurons jamais de quoi sont faites les étoiles. » – Comte, A. (1850). Ainsi, face aux premières théories de l’atome, des positivistes rejetaient l’idée que les atomes existaient réellement. Accepter cette existence serait trop s’avancer : les phénomènes se présentent comme si les atomes existaient, mais cela ne nous permettrait pas de nous prononcer sur ce qu’est réellement le monde (Juignet, 2015). Cette conception tend ainsi vers un certain idéalisme : les idées ou en l’occurrence les modèles théoriques et les lois scientifiques sont privilégiées sur la réalité matérielle. Ce seraient ces idées qui détermineraient le monde et non la matière. Le monde serait loi, et s’expliquerait par elles. Mais cette formalisation n’explique rien. Constater que chauffer l’eau la fait bouillir n’explique rien. Et ce n’est pas cette loi qui fait augmenter le mouvement des molécules d’eau quand elle boue. C’est même le contraire (Drapeau Vieira Contim et Ludwig, 2013). C’est la matière qui fait les lois (Kistler, 2013 ; Sagaut, 2008-2009).

UNE ÉPISTÉMOLOGIE UTILITARISTE

Comte s’inspire de Bacon, Descartes, Kant, Hume et Hegel et tente de faire la synthèse de ces auteurs. Le positivisme ne serait pas un pur rationalisme ou, au contraire, un empirisme absolu (Pickering, 2011). Fonder nos connaissances sur la seule raison, sans expérience concrète, serait inefficace, et à l’inverse, un empirisme absolu, qui ne fonderait nos connaissances que sur notre expérience serait stérile : accumuler des faits ne permet de tirer aucune conclusion. La raison devrait donc organiser rationnellement les données de l’expérience. Par ailleurs, en rejetant tout questionnement sur ce qu’est le monde, Comte rejette la notion même de causalité. Il la juge métaphysique et préfère une conception du monde régi par des lois (Juignet, 2015). L’expérimentation devrait ainsi permettre de formuler des lois sur le fonctionnement des phénomènes. D’une certaine façon, Comte rejette le réalisme : certes la réalité existerait indépendamment de nos perceptions, mais elle ne serait connaissable qu’à travers nos perceptions (Bunge, 1993). En refusant de se référer directement à la réalité, Comte et les positivistes ne peuvent pas concevoir la vérité comme correspondance avec la réalité. Ce qui fonde leur notion de vérité est alors la cohérence logique. Ainsi, lorsque Comte se prononce contre l’existence d’un Dieu, ce n’est pas parce qu’elle serait contraire au fait. Comme de nombreux positivistes, ce qu’il réfute à propos de « Dieu », c’est seulement sa cohérence logique. Il n’existerait pas tel qu’on le décrit car son énoncé est incohérent (Silberstein, 2013). Comte conçoit ainsi l’expérimentation comme une source de données à ordonner logiquement, de façon cohérente, alors que c’est un moyen parmi d’autres de vérifier si les hypothèses correspondent à la réalité (Bunge, 1993 ; Bunge, 2012).

La loi des 3 états illustre assez bien cet accent que Comte met sur la cohérence logique. Selon cette loi, 3 modes de pensée se suivraient nécessairement dans l’histoire : théologique, métaphysique puis positif. Dans l’état théologique, les personnes expliqueraient le monde par des forces et des êtres surnaturels : objets mystiques, dieux multiples puis Dieu unique. Dans l’état métaphysique de l’Histoire, les personnes chercheraient ensuite les causes premières et les causes finales. Ils et elles expliqueraient le monde par des essences personnifiées ou des abstractions : la Nature, la Raison, etc. Ces abstractions ne seraient ni surnaturelles ni positives. Dans l’état positif, les personnes expliqueraient enfin le monde par des lois scientifiques. Elles formaliseraient les « relations constantes de similitude et de succession que les faits ont entre eux » – Comte, A. (1851-1854). « Considérations philosophiques sur les sciences ». Ainsi, dans sa pensée, les idées déterminent le monde. La pensée théologique déterminerait l’histoire médiévale, la pensée métaphysique déterminerait l’histoire d’une période plus récente et ainsi de suite (Muglioni, 2013). Chaque science et chaque société devraient ainsi passer par ces 3 états. Cela définirait leur développement (Kremer-Marietti, 2006). De plus, parce que Comte rejette l’introspection et la psychologie, il applique aussi sa loi des 3 états aux personnes : comprendre l’esprit humain passerait par son étude historique (Clauzade, 2003). Dans cette perspective, la biologie devrait donc certes étudier les relations entre la pensée et le fonctionnement cérébral, mais cela sans faire du cerveau la cause de la pensée. Ce serait rétrograder dans la métaphysique : ce serait oublier le vrai sens de la distinction entre cause et loi faite par le positivisme (Muglioni, 2013). Les conceptions de Comte ne nous permettent pas de comprendre les processus réels, cérébraux comme historiques (Bunge, 1981), ce sont de simples récits dont la seule qualité est d’être logique.

Puisque l’astronomie, la physique, la chimie et la biologie étaient devenues des sciences positives, selon Comte la méthode positive devrait également s’étendre aux phénomènes les plus complexes : la société. Ce serait un domaine où règne encore la pensée théologique et métaphysique. Cette science de la société serait la « sociologie », un terme qu’il contribue à populariser. Dans sa hiérarchie des sciences, la sociologie devrait d’ailleurs couronner toutes les autres sciences (Pickering, 2011). Elle permettrait de comprendre les sciences elle-même. Ainsi, Comte relativisera progressivement la méthode scientifique du philosophe anglais Francis Bacon (observer, conjecturer, vérifier) jusqu’à formuler la sienne : la synthèse subjective. Selon Comte, les connaissances auraient plus à voir avec ceux qui la produisent qu’avec la réalité. Il faudrait donc rapporter chaque science à l’Humanité et à son histoire pour en comprendre le sens (Muglioni, 2013). L’une des raisons pour laquelle Comte privilégie la sociologie sur les autres sciences est par exemple que toute observation présuppose certaine théorie et même un certain nombre d’instruments (Sagaut, 2008-2009). Certes, cela est vrai, mais ce n’est pas parce que l’observation peut être biaisée ou que les faits peuvent être sélectionnés que ces derniers sont subjectifs. Cela nous pousse plutôt à redoubler d’effort pour tendre vers l’objectivité (Bunge, 1993).

Ainsi, Comte conçoit la recherche scientifique avant tout comme un moyen de répondre aux besoins de l’Humanité. Pour cela, il s’oppose aux recherches « oiseuses ou vicieuses », qui n’aurait pas de rapport avec le bien de l’Humanité. Ainsi Comte s’oppose à la spécialisation dispersive des sciences, au « développement anarchique de la recherche scientifique » qui oublierait la philosophie et l’esprit d’unité des sciences (Muglioni, 2013). Nous pouvons effectivement déplorer le désengagement philosophique de certain·e·s scientifiques qui ouvrent la porte aux pseudo-sciences. Même en tant que scientifique, recycler des conceptions idéalistes comme peut justement le faire Comte, c’est entraver la recherche de processus matériels. Par ailleurs, avec sa notion d’unité Comte délégitime un certain nombre de recherches qu’il juge inutile. Si l’utilité des sciences a une telle importance selon Comte, c’est parce que selon lui les sciences seraient d’un grand secours pour résoudre un certain nombre de problèmes de l’époque, notamment d’un point de vue technique. Durant le 19e siècle, la France est bouleversée par une progressive industrialisation et des tensions sociales grandissantes (« Révolution industrielle », 2019). À cette époque la production n’est principalement plus agraire, même si celle-ci a progressé depuis le siècle précédent : 0,4 à 0,5 % par an, donc au moins 40 % sur le siècle (Bernier, n. d.). De nombreuses personnes sont privées de terre et sont contraintes d’aller vers les villes pour travailler dans les industries (« France au XIXe siécle », 2019). En province, une crise de subsistance provoque des troubles. Elle suit deux mauvaises récoltes de céréales (1845 et 1846) et une maladie de la pomme de terre. En 1847, à Buzangçais, les tisserands, ouvriers et journaliers réunis dans les faubourgs s’opposent alors fortement à un transport de grains. Une émeute éclate. Les inégalités se creusent entre les couches populaires qui s’appauvrissent et les notables qui s’enrichissent (« Révolution française de 1848 », 2019). Dans ce contexte, les problèmes sociaux ne peuvent clairement pas se résumer à des problèmes techniques, mais nous verrons par la suite comment l’utilitarisme épistémologique de Comte est en lien avec sa pensée politique. Avant cela, voyons comment de nos jours certains théoriciens et théoriciennes s’inspirent de son utilitarisme épistémologique et ce que nous pouvons y opposer. Ils et elles conçoivent les théories scientifiques comme des conventions et des fictions plus ou moins utile et affirment que ce qui ferait la vérité d’une idée, au-delà de sa cohérence logique, serait justement son utilité. Mais d’une part, beaucoup de connaissances inutiles sont néanmoins vraies et d’autre part, des croyances fausses peuvent être très utiles. Les entreprises partagent énormément ce type de croyances effectivement très utile à leurs fonctionnements, comme le lien entre le mérite et la réussite par exemple. Lorsqu’une connaissance est vraie, elle peut être utile, mais ce n’est pas parce qu’elle est utile qu’elle est vraie (Bunge, 1993).

UNE ÉSTHÉTIQUE DE LA LÉGITIMATION

Bien que les questionnements sur l’art ne soient pas centraux dans la pensée de Comte, il y consacre entre autres la 5e partie de son Discours sur l’ensemble du positivisme. L’approche positiviste de l’esthétique consiste à formaliser les régularités de notre appréciation esthétique. Même si Comte parle de processus physiologique, émotionnel et cérébral, il s’agit encore une fois de formuler des lois. En rejetant tout questionnement ontologique, Comte conçoit donc l’esthétique comme un ensemble de lois déterminantes pour notre appréciation de l’art. Ainsi, si l’on observe un goût partagé pour la symétrie par exemple, peu importe que la cause soit physiologique, culturelle ou autre (Lahbib, 2009). Cela a pour conséquences de définir l’esthétique comme un ensemble de lois idéelles. Nous retrouvons ici son idéalisme qui se désintéresse des processus matériels au profit de lois qui sont alors inexplicables. Nous gagnerions pourtant en compréhension à définir l’art comme une activité pratiquée par différentes espèces (Dissanayake, 2009) et faisant intervenir des propriétés matérielles, des qualités techniques, des effets physiologiques comme l’activation du système de la récompense par exemple (Skov & Nadal, 2017). Cela nous permettrait également de mieux en comprendre les causes culturelles, sociales, économiques, politiques et même écologiques, comme la congruence avec d’autres représentations préexistantes, la présence d’institutions pouvant faciliter la diffusion d’une œuvre, la présence d’un système de mémoire externe tel l’écrit, etc. (Boyd & Richerson, 1985 ; Boyd, 2005 ; Sperber, 1996 ; Sidanius & Pratto, 1999 ; Lorenz, 2021).

La conception esthétique de Comte s’ancre ainsi dans un débat plus large sur la place de l’esprit dans lequel la perspective positiviste se refuse à toute référence aux déterminations matérielles. Elle se contente de formalisation logique plutôt que de rechercher pourquoi certaines déterminations physiologiques, par exemple, détermine certaine expérience mentale (Kistler, 2013) ou certaines appréciations esthétiques pour ce qui nous intéresse ici. Par ailleurs, il est intéressant de voir que vers 1850 se développe un mouvement artistique et littéraire : le Réalisme. Ce courant qui s’oppose au Romantisme est caractérisé par une attitude de l’artiste face au réel, qui vise à représenter le plus fidèlement possible la réalité, avec des sujets et des personnages choisis dans les classes moyennes ou populaires plutôt que nobles ou bourgeoises. Le roman entre alors dans l’âge moderne et aborde des thèmes comme le travail salarié, les relations conjugales ou les affrontements sociaux (« Réalisme (littérature) », 2020). Au-delà de l’intérêt pour les classes populaires que Comte partage notamment en donnant ses cours publics, pour le réalisme littéraire comme pour le positivisme, il s’agit avant tout de montrer plus que d’expliquer.

Tout comme il effectue une classification logique des sciences, des industries ou même des espèces, Comte classifie les arts. Le premier des arts est la poésie, vient ensuite la musique puis la peinture, la sculpture et enfin l’architecture. (Premat, 2008). Ces classifications dont les seules qualités sont d’être logiques laissent dubitatif, mais elles expriment chez Comte ce souci d’unité philosophique. Cette unité permettrait de mettre fin à une sorte d’éclatement qui fait par exemple qu’en tant que mathématicien·ne, une personne n’a pas les mêmes pensées qu’en tant que parent ou admirateur·ices d’œuvres d’art (Muglioni, 2013). Comte s’oppose ainsi à la spécialisation esthétique. Dans l’avenir, il n’y aurait « plus de classes esthétiques proprement dites […] mais une éducation générale disposant à goûter profondément tous les modes d’idéalisation » (McWilliam et. al., 2004). L’unité philosophique du positivisme permettrait également à l’art de trouver son utilité pour la société. L’esthétique serait un moyen utile pour les personnes et la société de se réguler, notamment d’un point de vue moral ou émotionnel. Parce que l’art permettrait de communiquer, il impliquerait un rapport d’altérité à travers lequel les personnes pourraient réguler leurs comportements. L’esthétique ne serait pas un simple embellissement de l’extérieur, elle exprimerait également certaines normes et valeurs. Ainsi nous pourrions même voir les différentes phases sociales de l’Humanité, et à laquelle elle se trouve, à travers l’architecture des bâtiments publique (Premat, 2008). L’artiste devrait ainsi cultiver les « sentiments bienveillants », célébrer « les grandes époques et les grands hommes » et élaborer des fêtes consacrées aux cultes de la Femme et de l’Humanité (McWilliam et. al., 2004).

Comte a raison de déplorer que les connaissances artistiques ne soient pas plus partagées. Mais plus que la spécialisation, c’est la professionnalisation et la confiscation de l’art qui pose problème. La spécialisation n’est pas en soi un problème, le monde est plein de spécificité à exprimer. En revanche, la professionnalisation pousse les artistes à penser comme des entrepreneurs. Startuper ou entrepreneurs sociaux, iels pensent avant tout à plaire et vendre, que ce soit à un maximum de monde, à une niche ou à une élite. L’art ne devrait pas avoir à se plier à des impératifs économiques ou hiérarchique, même informelle. Par ailleurs, il a raison de mettre l’accent sur les normes et valeurs que véhicule l’art, mais son utilitarisme esthétique empêche de penser l’art autrement que comme l’expression d’un intérêt personnel ou collectif. Pourtant, nombre d’œuvres gratuites, d’attentions empathiques existe : des dessins d’enfants aux expressions d’affections soigneusement élaborées que l’on fait à celleux que l’on aime, juste pour qu’iel le sache. Selon Comte, l’art devrait donc célébrer l’humanité, mais il semble qu’il s’agisse plutôt de la complaire en légitimant le statu quo dont nous percevons d’ailleurs bien le sexisme bienveillant (Glick & Fiske, 1996) avec son culte de « la » Femme.

UNE EXPLOITATION ALTRUISTE

Vers la fin du premier volume du Système de politique positive, dans la section qui pose les fondements biologiques de son système social, Comte introduit un terme important de sa pensée : l’altruisme. C’est donc initialement dans un cadre biologique que Comte conçoit ce terme. Il entendait améliorer la description de la nature humaine proposée par saint Paul et par le christianisme. Ainsi la lutte fictive entre la nature et la grâce serait remplacée par l’opposition entre les instincts égoïstes et leurs contraires qu’il faudrait renforcer : les instincts altruistes. En effet, Comte pense qu’utiliser ou ne pas utiliser un organe particulier pouvait conduire à son développement ou à son atrophie. Ainsi les organes cérébraux associés aux fonctions affectives et altruistes pourraient, comme d’autre organe, être renforcés par un exercice régulier. Et cet « exercice » pourrait être transmis aux descendants. Comte est donc partisan de l’hérédité des caractères acquis et saluait à ce titre les travaux biologiques de Jean-Baptiste Lamarck. Pourtant, à la différence de ce dernier, Comte pensait que les espèces n’étaient pas susceptibles de varier indéfiniment. Les organismes pourraient seulement évoluer à l’intérieur des limites fixées par le type spécifique auquel ils appartiennent. Pour cela, des partisans anglais de Comte se sont montrés hostiles à la théorie darwinienne de l’évolution (Dixon, 2012). Certes, un certain nombre d’études montre en effet que des exercices respiratoires particuliers augmentent les performances à des tâches cognitives, diminue la vulnérabilité au stress et favorise la prosocialité, c’est-à-dire des comportements qui vise notamment à aider, soutenir et réconforter autrui (Bornemann et al., 2016 ; Gevirtz, 2013 ; Hallman, Olsson, von Schéele, Melin, & Lyskov, 2011 ; Lehrer et al., 2004 ; Wheat & Larkin, 2010). Mais l’accent excessif qu’il met sur les caractères acquis n’est que la reformulation de la morale chrétienne qui conçoit la morale comme un vernis fragile et récent qui nous distingue des animaux. Définis avant tout comme malveillants et égoïstes, les personnes devraient alors se voir imposer par le haut et par la force un cadre moral contraignant. Ce mythe légitimant un contrôle social autoritaire et punitif (Sidanius & Pratto, 1999) est contraire au fait. Comme l’ont montré de nombreux travaux, la morale est un trait évolutif partagé par les primates et d’autres animaux sociaux (De Waal, 2003 ; Kropotkine, 1906). Nous n’avons pas besoin d’autorité pour être moraux.

Dans la perspective de Comte, les relations sociales devraient être structurées par la production. Cette conception productiviste est d’ailleurs un des fondements des premiers socialismes. Ainsi Comte la partage avec Henri de Saint-Simon (1760-1825) : philosophe de l’industrialisme, économiste et militaire français. Il est aussi fondateur du saint-simonisme et l’un des premiers socialistes avec Fourier. Comte en fut justement le secrétaire. Selon Saint-Simon, le gouvernement doit être contrôlé par des savants, des artistes, des artisans et des chefs d’entreprises. Planifier le secteur agraire créerait ainsi des richesses et améliorerait le niveau de vie de la classe ouvrière (« Claude-Henri de Rouvroy de Saint-Simon », 2019). Par ailleurs, Saint-Simon exhorte les savants à créer une synthèse positive. Selon lui, une nouvelle synthèse de la connaissance scientifique doit remplacer l’Encyclopédie du 18e siècle. Celle-ci serait trop révolutionnaire et destructrice (Pickering, 2011). C’est exactement dans ce projet que s’inscrit Comte. La sociologie devrait donc guider les philosophes positivistes vers l’établissement du « plus grand bonheur possible » – Comte, A. (1817-1824) L’industrie. Dans l’état positif, les positivistes et les industriels gouverneraient alors avec intelligence et altruisme (Pickering, 2011). Ainsi les positivistes devraient formuler les lois de la nature et aussi les lois de la société. Ils devraient alors établir les lois de la production, mais sans s’attaquer à la hiérarchie sociale. Par cette sorte d’analogie entre lois scientifique et lois juridiques (Monvoisin, 2007), son positivisme légitime la hiérarchie sociale comme un état de fait indépassable. La hiérarchie ne serait ni bonne ni mauvaise. Elle ne devrait surtout pas être troublée pour produire. « L’antagonisme matériel se développera de manière à faire bientôt sentir des deux parts le besoin d’un régulateur spirituel » – Comte, A. (1998) Discours sur l’ensemble du positivisme. Éditions GF, Paris, p. 190. Les philosophes positivistes rappellent d’ailleurs les philosophes-rois de Platon, qui n’étaient pas associés aux industriels, mais à des figures de pouvoir caractéristiques d’une autre époque : les gardiens de la cité. Ainsi, l’utopie de Comte ne conduit qu’à un cauchemar hiérarchique et déshumanisant. Prétendre que la hiérarchie serait nécessaire pour résoudre la misère est une erreur. La hiérarchie est précisément ce qui produit la misère et les humiliations qui l’accompagne. En effet, le pouvoir affecte notre perception des autres : quand il ou elle domine, Homo-sapiens déshumanise l’autre. Cela consiste à agir envers les autres et à les percevoir comme s’ils et elles n’étaient pas humain·e·s, en particulier comme s’ils et elles étaient des « animaux » ou des « automates ». La déshumanisation semble empêcher l’identification et l’empathie avec une cible, et facilite l’agression (Gwinn, Judd, & Park, 2013). Par exemple, lorsqu’une personne cherche à maximiser son profit durant l’évaluation d’autrui, comme lors d’un recrutement, l’activité des régions cérébrale de la cognition sociale est réduite (Harris, Capestany, Cohen et Cornell, 2014). L’altruisme au sein d’une hiérarchie n’est donc bien souvent qu’un mythe quand elle ne sert pas à faire taire les conflits et à invisibiliser les inégalités.

Comte développe non seulement une nouvelle conception de l’humain, mais aussi une nouvelle religion : la religion de l’Humanité. Sous son influence, la société serait dominée par la volonté de servir l’humanité. Les prolétaires comme les capitalistes devraient avoir pour but d’être utile au bien du « Grand-Être », c’est-à-dire de « l’Humanité » (Dixon, 2012). Dans cette perspective, la place des femmes est édifiante. Les femmes resteraient au foyer et réguleraient les affections des hommes, pendant que ceux-ci assureraient l’unité active du foyer, en allant au travail. Il cite notamment les écrits de Clotilde de Vaux à laquelle il voue d’ailleurs une dévotion spirituelle et romantique intense : « Le véritable rôle de la femme n’est-il pas de donner à l’homme les soins et les douceurs du foyer domestique, et de recevoir de lui, en échange, tous les moyens d’existence que procure le travail » (Premat, 2008). En cela, la conception utilitariste de Comte est en désaccord avec d’autres utilitaristes plus individualistes. Ainsi, John Stuart Mill s’est plaint de la politique antilibérale de Comte à la fois dans On liberty (1859) et dans Utilitarianism (1863) (Dixon, 2012). Nous voyons donc bien ici que son utilitarisme qu’il voudrait altruiste, est une légitimation de la hiérarchie sociale sur un registre bienveillant et paternaliste. Sa notion d’unité ou d’altruisme légitime avant tout le fait de se soumettre à l’organisation sexiste, aux contraintes et aux rythmes de la production.

LE POSITIVISME EST UN CONSERVATISME

Les prises de positions politiques de Comte lors de différents évènements sont très significatives, notamment contre le club La Voix des femmes qui en 1848 agit pour l’égalité entre hommes et femmes (« Droite de vote des femmes » 2019). Avant même le premier groupe suffragiste en France, fondé en 1876 par Hubertine Auclert, ce groupe est un lieu de débat provoquant de virulentes réactions : la parole libérée des femmes menacerait le modèle de la famille. Sa présidente – Eugénie Niboyet – est caricaturée dans la presse et certaines de ses séances tournent à l’émeute (« Place des femmes en politique en France ». 2019). Comte qualifie ces aspirations féministes naissantes de « vaine égalité ». Elles risqueraient de « plonger la société dans […] l’anarchie ». Le sexisme de la hiérarchie serait une « heureuse subordination spontanée » – Comte, A. (1839-1842). Physique sociale. Cours de philosophie positive. Leçons 46 à 60. Cette subordination serait même nécessaire à l’organisation sociale. Comte se complaît donc dans un déni béat pour légitimer la hiérarchie sociale et sa brutalité. Ainsi, lorsqu’arrive, après la Révolution française de 1789 et celle de 1830, la révolution de 1848, Comte adopte une attitude similaire. Sous l’impulsion des libéraux et des républicains, une partie du peuple de Paris se soulève et la Deuxième République est alors proclamée. Mais en juin 1848, la révolution est réprimée dans le sang : 5 700 morts (« Révolution française de 1848 », 2019). Après cette Révolution, Comte insiste sur le besoin pressant d’une reconstruction politique et sociale pour assurer le bien-être commun (Pickering, 2011). En 1851 il accueille ainsi favorablement le coup d’État de Louis-Napoléon Bonaparte (Dixon, 2012). Son attitude politique est donc des plus conservatrices. Dans cette perspective, Comte développe une notion de progrès (Pickering, 2011) qui minore les multiples conflits sociaux. Dans la logique de sa loi des 3 états, les évènements historiques seraient dominés par une logique prétendument progressiste. Le progrès serait donc inéluctable. Sa conception du progrès étouffe ainsi sous un prétendu sens de l’histoire les cris des victimes du patriarcat et de la hiérarchie sociale en général. C’est une injonction au silence. Pourtant, le progrès n’est pas constant, immuable, fatal. Il peut s’arrêter et la situation peut évidemment même se dégrader. Le progrès se fait, il se prend contre toute hiérarchie.

La place que Comte donne à la science et aux scientifiques dans la société est également caractéristiques de son orientation politique. Selon Comte, lorsque la sociologie aura le même niveau de certitude que les sciences de la nature, la connaissance humaine sera unifiée. La science ne serait ainsi plus cette recherche foisonnante, mais une autorité incontestable. Les savants devraient ainsi devenir les « prêtres » d’un nouveau « Culte de l’Humanité ». Ils devraient assurer « Ordre et Progrès » à la société. Ainsi, Comte n’accumule pas des connaissances dans le but de se livrer au doute et au scepticisme. Il pense même que la critique serait préjudiciable à l’unité des sciences. Sa philosophie devrait plutôt constituer une autorité morale unifiant l’humanité (Pickering, 2011). Mais la science n’est pas une autorité. Le registre de la contrainte et de la soumission aux sciences, n’a de sens que dans une conception irréductiblement mystique ou idéaliste. Les scientifiques ne s’accordent pas arbitrairement. Ils et elles s’accordent selon la pertinence de leurs arguments et la force de leurs preuves. Une science incapable de convaincre n’en est pas une. Accepter des lois sans les comprendre n’a rien de scientifique, et lorsque nous partageons la même compréhension des choses l’autorité n’a aucune utilité (Bakounine, 1882). La hiérarchie sociale est d’ailleurs néfaste pour la recherche elle-même comme le montre l’exemple suivant : le nombre d’articles publiés est devenu la base de sélection pour les postes universitaires, pour la titularisation et les promotions. C’est également devenu le critère pour l’attribution des subventions, et cela pose problèmes (Rajasekaran, 2012). La concurrence croissante et cette culture du « publier ou périr » dans le monde universitaire entre en conflit avec l’objectivité et l’intégrité de la recherche. Il s’avère que les pressions de publication augmentent les biais scientifiques dans les environnements universitaires plus compétitifs et « productifs » (Fanelli, 2010).

Le problème politique des conceptions de Comte n’est pas son adhésion aux sciences. Un monde de mystère ne sera pas plus libre. Réhabiliter le mystère ou le subjectivisme au nom de la liberté, c’est promouvoir de nouveaux asservissements. Le problème c’est de limiter arbitrairement le questionnement scientifique. C’est d’imposer un monde de lois inexplicable ou encore, de limiter la science à une simple classification logique pour légitimer une hiérarchie sociale déshumanisante. Le problème c’est d’être conservateur et pour cela d’être un scientifique médiocre. C’est accepter la hiérarchie alors qu’elle s’oppose à la qualité des recherches. C’est faire de la science comme du maintien de l’ordre, en classifiant sans se poser plus de question : c’est faire de la pseudo-science qui n’a que la qualité d’être logique. Ce qui est assez ironique étant donné l’histoire du terme « pseudo-science » issu justement de ce positivisme prompt à tracer des frontières arbitraires.

CONCLUSION

Comte s’oppose au matérialisme et développe une conception des sciences unies par leur utilité sociale. En définitive, il met la science au service de la hiérarchie. De même pour sa conception de l’esthétique qui est des plus complaisantes. Il oppose aux affres de l’autorité un simple altruisme qui n’est qu’une reformulation de la morale paternaliste du christianisme. Le positivisme affirme, à raison, le bien-fondé de la science et de son potentiel égalitaire et progressiste. Mais la philosophie de Comte est autoritaire. Ses philosophes dispenseraient les bonnes paroles à un peuple serviable, servile. Il veut la science sans la lutte contre l’autorité qui l’anime. Sa stratégie politique atteint pour finir des sommets détestables : Comte concevant les idées et la science comme « le » moteur du changement historique (Pickering, 2011), il espérait concilier droite et gauche politique autour du positivisme et opéra alors un tournant conservateur (« Auguste Comte », 2019). Tout cela n’est qu’inconséquence.

Dans tous les courants politiques, certain·e·s se réclament de la science. C’est bien souvent pour éblouir et user d’autorité. Ce sont des charlatans. Mais d’autres rejettent la science car elle serait responsable de nombres d’horreurs. Celleux-là se gardent bien de dénoncer toute autorité. Et si jamais iels le font, c’est pour la remplacer bien sûr. La hiérarchie est la cause de nombre de nos malheurs. Pour y mettre fin, abolissons-la. Une science qui tolère les tourments infligés par la hiérarchie sociale est une science inconséquente. Une science matérialiste est anarchiste, oui ! Les faits sont clairs et explicites. La hiérarchie est un désastre (Sidanius & Pratto, 1999 ; Sapolsky, 2004 ; Sapolsky, 2005 ; Scholes et. al., 2018). Nous en crevons tous, humain, non humain, comme écosystème (« Rapport du GIEC : Réchauffement climatique de 1,5 °C », 2019). La révolution n’est pas inéluctable, elle est à faire : le seul avenir vivable pour l’humanité est l’abolition de tout ce qui nous hiérarchise. Une société égalitaire, anarchiste et écologique, est possible en défaisant tout ce qui nous détruit. Répéter simplement les conclusions des rapports scientifiques est inconséquent, suicidaire. L’Anarchie ou rien.

Guillaume Deloison – 2022

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PHILOSOPHER – HUME


« Tout raisonnement probable n’est rien d’autre qu’une espèce de sensation. Ce n’est pas seulement en poésie et en musique que nous devons suivre notre goût et notre sentiment, c’est également en philosophie. Lorsque je suis convaincu d’un principe, ce n’est qu’une idée qui me frappe plus fortement » – Hume, D. (1739-1740). Traité sur la nature humaine. 1. 3. 8.

David Hume naît le 7 mai 1711 et meurt le 25 août 1776. Il est issu d’une famille de la petite noblesse de la région des Borders en Écosse. Philosophe, économiste et historien, il est considéré comme un des penseurs les plus importants des Lumières écossaises (avec Adam Smith et Thomas Reid). Il est également considéré comme un des plus grands parmi les philosophes et écrivain·e·s de langue anglaise. Il fonde l’empirisme moderne (avec Locke et Berkeley). De par son scepticisme, c’est un des plus radicaux. Il s’oppose tout particulièrement à Descartes et aux philosophies considérant l’esprit humain d’un point de vue théologique ou métaphysique. Il ouvre ainsi la voie à l’application de la méthode expérimentale pour comprendre les phénomènes mentaux. Hume a une influence profonde sur Kant, sur la philosophie analytique du début du 20e siècle et sur la phénoménologie. Longtemps, il n’a cependant été retenu de sa pensée qu’un simple scepticisme destructeur (« David Hume », 2019).

Comme nous le verrons, Hume a contribué à l’essor de nouvelles connaissances ainsi qu’au développement de la méthode scientifique. Mais il est loin d’être exempt de critique. Sa philosophie n’est que peu subversive et ses failles servent les dominants. Critiquer Hume c’est s’attaquer à un courant de pensée très fécond : l’empirisme. En séparant perception et réalité, l’empirisme tend vers un certain dualisme ainsi qu’un idéalisme lorsque les perceptions et les idées qui en découle sont privilégiées sur la réalité. Ces conceptions en accord avec la culture religieuse de l’époque rejettent en effet la notion de nature ou de réalité pour se limiter à ce qu’on en perçoit, ce qui a de lourdes conséquences sur sa philosophie. Hume se contente de formaliser les régularités des phénomènes sans jamais pouvoir en expliquer les causes réelles. Ses conceptions conservatrices de l’esthétique en sont un bon exemple. Elles ne font que légitimer les normes de son époque sans réellement expliquer ce qui fait le beau. De même, son utilitarisme moral légitime avant tout le développement de l’économie en se désintéressant de la réalité douloureuse et inégalitaire. Hume légitime par exemple la colonisation de l’Écosse. Pour civiliser les Écossai·se·s en évitant le chaos social d’un conflit ouvert, il propose aux autorités britanniques de pousser les chef·fe·s de clans à privilégier les rapports économiques sur les rapports de clan. Il légitime l’État, la propriété et le système judiciaire parce que ce sont des choses très utiles pour les dominant·e·s alors que nous ferions mieux de nous en passer. Critiquons radicalement Hume et son empirisme. Contre toute vision dominatrice et mutilante, affirmons ce qu’est réellement le monde.

L’EMPIRISME CONTRE LA MATIÈRE

Au 18e siècle, un ensemble d’intellectuel·le·s que l’on appelle les Lumières veulent promouvoir les connaissances pour dépasser l’obscurantisme des institutions religieuses. Parmi les Lumières, les Écossai·se·s comme Hume sont en nombre. Iels influencent des auteur·ice·s dans toute l’Europe notamment via une série de clubs qui se développent en Écosse. Le premier apparaît à Édimbourg vers 1710. De nombreux sujets y sont discutés : politique, science, philosophie. Ces clubs contribuent ainsi fortement à la vie intellectuelle du pays (« Lumières écossaises », 2019). Newton y a une forte influence. En 1687, il décrit, après une série d’expérience, la loi universelle de la gravitation et pose ainsi les bases de la mécanique classique : les mêmes lois naturelles gouvernent le mouvement des objets terrestres et célestes. En concurrence avec les avancées de Leibniz, il crée le calcul infinitésimal. De plus, il développe en optique une théorie de la couleur basée sur l’observation d’un prisme décomposant la lumière blanche en un spectre visible. Ainsi, il convainc par le moyen d’expérience et fait la promotion de la méthode expérimentale (« Isaac Newton », 2019). Hume s’inspire grandement des travaux de Newton pour développer des sciences humaines qui, selon lui, devrait primer sur les sciences naturelles. Dans cette perspective, il veut repenser le traité de Newton sur la nature, toute en rejetant la notion même de nature (Schliesser & Demeter, 2020). Hume essaie ainsi d’introduire la méthode expérimentale dans la philosophie morale sans faire référence à une nature humaine (« David Hume », 2019).

Hume est empiriste. L’empirisme est un terme issu du latin « empiricus » : « expérience ». Il désigne une démarche qui s’intéresse à l’expérience avant tout à travers notre propre instrument de connaissance : l’esprit. Ainsi, un des concepts primordiaux de Hume est celui de perception. Hume définit deux sortes de perceptions : les impressions et les idées. Les impressions comporteraient « nos sensations, passions et émotions, telles qu’elles font leur première apparition dans l’âme ». Les idées, elles, seraient « les images affaiblies des impressions dans la pensée et le raisonnement ». Impressions et idées seraient ainsi les seules sources de nos connaissances. Leurs « associations » constitueraient l’intégralité de nos connaissances du monde empirique, moral et intellectuel. Hume renforce ainsi les thèses du philosophe anglais John Locke (1632-1704), qui réfute le concept « d’idées innées » de Descartes et affirme que toute connaissance est acquise par l’expérience. Locke compare la conscience à une table rase (« Tabula rasa »), c’est-à-dire à une page blanche sur laquelle viendrait s’imprimer les expériences (« David Hume », 2019). Un bon exemple de l’empirisme de Hume est son scepticisme religieux. Pour lui, l’origine de la religion serait à chercher dans l’Histoire et dans nos sensations. Nous représenter les anges « purement élevés » ne serait ainsi qu’une inversion de notre expérience de l’attraction terrestre (Menneteau, 2009). Un autre exemple de son scepticisme est son rejet de l’idée du « moi » en tant qu’âme ou substance. Il considère plutôt que l’identité personnelle se constitue à travers le vécu des individus. Dans cette conception où le monde est d’abord perçu à travers l’esprit, toute philosophie se rapporte donc à une Philosophie de l’Esprit (« David Hume », 2019).

Hume ne cherche pas à connaître la substance du monde. Il n’accorde que peu d’intérêt à l’ontologie, terme issu du grec ancien ontos « être » et logos « discours », qui désigne l’étude de ce qu’est le monde. Selon lui, le monde pourrait aussi bien être déterminé par des idées que par la matière. « Le début du mouvement dans la matière elle-même est a priori aussi concevable que sa communication par l’esprit et l’intelligence. » – Hume, D. (1779). Dialogues sur la religion naturelle. Hume s’intéresse seulement à la méthode d’élaboration des connaissances, c’est-à-dire à l’épistémologie, terme issu du grec ancien epistémê « connaissance » et logos « discours ». Mais si l’étude méthodique des phénomènes est fondamentale, parce qu’elle se limite à la perception, elle ne nous apprendrait rien sur le monde en soi. Hume décrit alors les choses par ce qu’il en perçoit : leurs changements. Les choses se comprendraient par ce qu’elles font, non par ce qu’elles sont. Dans cette conception, tout pourrait bien être fait de fromage (comme le dit Putnam cité par Kistler, 2013), cela n’aurait pas d’importance, car l’attention ne devrait se porter que sur les changements. Aujourd’hui, une partie des scientifiques qui étudie la cognition s’inspire de cette perspective. Ces derniers dissocient d’une part les processus physiologiques s’activant à la vision d’une couleur et d’autre part « l’effet que ça fait » de voir une couleur. Cet « effet » est séparé du corps qui le produit, et il est considéré comme profondément subjectif. Cette expérience subjective est nommée « qualia ». En adoptant cette conception de l’esprit, ces scientifiques se désintéressent des processus cérébraux ou les minorent. Cependant « l’effet que ça fait » ne peut être compris séparément des processus matériels. Le cerveau ne « produit » pas la pensée, il pense. Faire l’impasse sur les questions ontologiques conduit à considérer la perception comme quelque chose de distinct et de surajouté à la matière. Ce serait une sorte de dualisme qui obscurcit le raisonnement en produisant de nouveaux mystères comme celui de la connexion entre le corps et l’esprit (Drapeau Vieira Contim et Ludwig, 2013 ; Mahner, 2013). Nos sensations ne sont pas celles d’un esprit immatériel mais celles de nos corps bien réels. Pour cela nous pouvons connaître leurs mécanismes et ainsi nous comprendre nous-même et le monde qui nous entoure d’autant mieux.

En plaçant l’esprit au centre, la réflexion de Hume tend vers un certain idéalisme : les perceptions et donc les « idées » structureraient la réalité. C’est notamment la conception de son contemporain George Berkeley (1685 – 1753), philosophe et évêque anglican irlandais. Ce dernier est souvent classé dans les empiristes entre John Locke et David Hume. Il défend l’immatérialisme qui se résume par la formule « être, c’est être perçu ou percevoir ». Selon Berkeley, les individu·e·s ne connaîtraient que des sensations et les idées qui en dérivent. Les entités générales tel « la matière » ne serait qu’une abstraction. À la différence de Hume qui se désintéresse des questions ontologiques et n’affirme donc rien avec certitude à ce sujet, Berkeley affirme que le monde objectif n’existe pas (« George Berkeley », 2019). De ce point de vue, la réalité ne serait que le rêve de Dieu. De nos jours, cette conception est reprise dans un style plus contemporain : la réalité ne serait que le rêve de la machine au sein duquel nous vivons une existence virtuelle (Chazal, 2013). Curieusement, celleux qui adoptent cette conception ne se demande pas où se trouve le serveur informatique qui fait fonctionner cette réalité virtuelle… Nous pouvons aussi comparer l’empirisme de Berkeley à la philosophie solipsiste dans laquelle la réalité ne serait qu’une illusion de votre seul esprit. Là encore, parce que cette philosophie à une dimension ontologique, elle se distingue de celle de Hume. En revanche, elle a une certaine cohérence avec la philosophie de ce dernier à un niveau épistémologique : toute connaissance serait avant tout relative au sujet connaissant. Un certain relativisme a donc marqué la postérité de Hume. Dans sa philosophie, l’existence de la réalité est toujours incertaine et précaire.

L’EMPIRISME CONTRE LA RÉALITÉ

Son refus des questions ontologiques a de lourdes implications épistémologiques. La philosophie de Hume s’oppose à la conception réaliste selon laquelle la réalité existe indépendamment de ce que nous en percevons. Ainsi, Hume développe un certain anti-réalisme : nous pourrions comprendre le monde sans comprendre ce qu’il est réellement. Dans cette conception, Hume affirme que la causalité n’existerait pas réellement. Elle existerait seulement dans notre esprit. Elle ne serait qu’une croyance fondée sur l’habitude. Prenons l’exemple d’un corps en mouvement qui en percute un autre. Le premier ne causerait pas le mouvement du second : ce ne serait qu’une suite d’évènements ordonnés dans le temps. Ce ne serait qu’une simple corrélation à laquelle nous serions habitué·e·s (Sagaut, 2008-2009). Hume nous met ainsi en garde contre les généralisations abusives, comme le serait justement la notion de cause et de réalité selon lui. C’est d’ailleurs pour s’opposer à cette idée que Kant a réalisé son œuvre. Selon ce dernier, la causalité, et un certain nombre d’autres catégories, ne serait pas de simples idées subjectives mais plutôt des idées transcendantales, c’est-à-dire des idées au fondement de tout entendement. Plus récemment de nombreux auteurs et autrices se sont inspiré·e·s de Hume, notamment au sein du Cercle de Vienne (1929-1936), un groupement de savants et de philosophes qui visait à développer une conception scientifique du monde, et parmi elleux plus particulièrement Ernst Mach. Selon lui, la science organiserait rationnellement les relations entre nos sensations et le concept de réalité objective ne serait pas utile en science. Dans son ouvrage La mécanique (1871) il ajoute : « Il n’y a aucune cause ni aucun effet dans la nature […]. [Elles] n’existent que dans l’abstraction que nous effectuons afin de reproduire mentalement les faits » (« Empirisme logique », 2019).

Hume a raison de mettre en garde contre les généralisations abusives : aucune accumulation d’expérience ne suffit seul à produire de nouvelles connaissances. Et en effet, les scientifiques ne font pas qu’ordonner nos perceptions pour produire des connaissances : en plus de formuler des hypothèses et de vérifier leur correspondance avec la réalité, ils et elles utilisent des opérations logiques et des outils mathématiques qui ne sont pas à strictement parler de l’ordre de l’empirique. La racine carrée de 2 par exemple, ou d’autres concepts mathématiques encore plus abstrait comme les nombres imaginaires ne correspondent à aucune perception bien qu’ils soient utiles. Les empiristes minorent l’importance des raisonnements logiques dont sont capables nos cerveaux. D’ailleurs cette mise en garde contre les généralisations abusives peut aussi se retourner contre l’empirisme : si l’expérience ne peut produire seul des connaissances, alors aucun empiriste ne devrait se permettre de formuler de grand principe comme iels le font (Bunge 2008). Dans la même perspective, Hume nous met en garde quant à la possibilité de faire des prédictions à partir d’expérience passé : un ensemble d’expérience passé ne suffirait pas à justifier une prédiction. Cela ne ferait effectivement que projeter notre habitude passée sur le futur alors que quelque chose de nouveau pourrait advenir. Ainsi, même si nous n’avons observé que des cygnes blancs, peut être que le prochain sera noir. Hume a cependant tort d’abandonner toute tentative de justification. Si nous pouvons prédire que le Soleil se lèvera demain par exemple, ce n’est pas simplement car il l’a toujours fait précédemment. Nous pouvons le prédire car nous pouvons l’expliquer : une prédiction se justifie par une explication. Or, il se trouve qu’une explication entend décrire réellement le monde. Elle est plus ou moins vraie selon si elle correspond plus ou moins effectivement au processus réel (Bunge, 2012). Ainsi, le Soleil se lève parce que la rotation de la Terre détermine réellement ce cycle-là, jour après jour. Et il se lèvera demain que nous le percevions ou non. Tout comme la lune existe même si personne ne la regarde, comme le disait Einstein. La science, grâce à sa méthode, nous permet de penser les choses telles qu’elles sont réellement, même si ce n’est qu’imparfaitement et partiellement (Bunge, 2008).

Cette importance de la réalité dans l’élaboration de nos connaissances a notamment été explicitement défendue par Galilée. Son réalisme scientifique a été au centre de son tristement célèbre procès (1616). À la suite d’observation à la lunette astronomique, convaincue que le soleil était au centre de l’univers, il a développé un modèle mathématique bien meilleur que les autres pour décrire le mouvement des planètes. En réaction, l’inquisiteur de Galilée, le cardinal Bellarmin, a adopté le point de vue suivant : la tâche de l’astronome serait de rendre compte des apparences et non de découvrir comment les choses sont réellement. Afin que la nouvelle astronomie ne réfute pas les Écritures, l’Inquisition réclamait de Galilée qu’il déclare équivalentes les deux conceptions rivales au prétexte qu’elles étaient toutes deux compatibles avec les données. L’Église a mis fin à la controverse théologique, mais le réalisme scientifique a été justifié des années plus tard. La mécanique céleste newtonienne a justifié l’hypothèse héliocentrique : les planètes tournent réellement autour du Soleil car il est au moins mille fois plus massif (Bunge, 1993). Nos connaissances peuvent progresser et ne sont pas de simples généralisations, l’expression d’habitudes ou encore des vues de l’esprit si nous vérifions méthodiquement leurs correspondances avec la réalité. Il est alors intéressant de voir que la conception de Hume vient soutenir la conception religieuse du cardinal Bellarmin rejetant la notion de réalité. Même si pour l’époque le scepticisme de Hume à propos de la religion est progressiste, son anti-réalisme et son rejet du newtonisme sont réactionnaires (Bunge, 2016).

UN CLASSICISME EMPIRISTE

Une bonne illustration de l’épistémologie empiriste de Hume est sa conception esthétique. Il affirme que la beauté n’est pas dans les choses, mais dans les yeux des spectateur·ice·s. Il ne serait pas question de beauté en soi ou réelle : « Le plaisir et la douleur ne sont pas seulement les compagnons nécessaires de la beauté et de la laideur, ils en constituent l’essence même » – Hume, D. (1731). Traité de la nature humaine. II. Le beau serait une question de plaisir et de sensibilité de l’esprit humain. Néanmoins, l’art n’en resterait pas moins lié à des règles. Ces règles ne seraient pas issues d’une raison précédant toute expérience, au contraire elles seraient comprises par la répétition et le « raffinement des sens ». Le développement du goût serait une question d’éducation et de pratique répétée de l’art. Ainsi, le critique d’art devrait en formuler les règles, analyser les expériences pour y découvrir des régularités et rectifier ses propres règles pour tenir compte de tout ce qui plaît. Le bon goût esthétique consisterait donc en ce qui plaît dans tous les temps et dans tous les pays. Dans la perspective de Hume il est alors impossible de penser l’évolution des normes esthétiques sans référence à un bon goût abstrait et prétendument universelle. De manière cohérente avec sa conception de l’esthétique, Hume apprécie Virgile, Racine, Corneille, des auteurs du classicisme (Ruby, 2011). Les passions des héros et héroïnes de ce mouvement artistique sont souvent violentes et l’écriture des auteur·ice·s consiste à les rendre intelligibles. Le classicisme est caractérisé par des principes assez contraignants comme la règle des 3 unités au théâtre : unité de temps, de lieu et d’action. Ces règles doivent permettre la production d’œuvres de goût inspirées des modèles de l’art antique marqué par l’équilibre, la mesure et la vraisemblance (« Classicisme », 2020). Ainsi en érigeant le classicisme au rang de bon goût prétendument universel sa conception de l’esthétique apparaît avant tout comme un moyen de légitimer les normes artistiques des dominant·e·s.

Pour mettre l’accent sur l’expérience du beau à travers nos sens, notre plaisir et notre douleur, Hume rejette la notion de réalité et d’objectivité esthétique. Ce rejet est cohérent avec son empirisme mais c’est une erreur. Hume a raison de rejeter une conception absolue de la beauté existant indépendamment du spectateur et de la spectatrice, mais cela n’implique pas de rejeter la notion de réalité et d’objectivité (Boyd, 2005). Bien qu’une œuvre ne soit ni belle ni laide s’il n’existe personne pour en profiter, le spectacle est aussi réel que les spectateur·rice·s. Le beau existe réellement comme un rapport matériel impliquant différents objets et individu·e·s (Dutton, 2014). Nous pouvons ainsi analyser une œuvre non pas seulement à travers notre goût personnel, ou même collectif, mais aussi comme un objet avec des propriétés matérielles déterminantes, des qualités techniques, des effets physiologiques (Skov & Nadal, 2017) et des conséquences culturelles, économiques, sociales, politiques et même écologiques (Boyd, 2005 ; Sidanius & Pratto, 1999 ; Lorenz, 2021). L’art est une activité parmi d’autres qui ne se résume pas à quelques conventions de goût. Si l’effort esthétique consistait simplement à plaire à tout le monde, ou à quelques critiques hauts placé·e·s, les révoltes ne pourraient pas être belles. Et à l’inverse comment un éloge du fascisme pourrait-il être beau ? Même si cet éloge avait des qualités techniques et en l’occurrence littéraire, il n’y a rien de beau à légitimer la hiérarchie.

Dans une conception similaire à celle de Hume, certain·e·s auteur·ice·s contemporain analysent la culture en mettant l’accent sur la réception de certaines œuvres d’art et sur les interprétations qu’en font les spectateur·ice·s (Glevarec, Macé, & Maigret, 2011). Là encore une conception subjectiviste mène à se désintéresser des caractéristiques réelles des œuvres étudiées. Il ne s’agirait pas d’expliquer l’art mais de renseigner sur les interprétations que suscite l’œuvre. Dans cette conception, les méthodes des sciences naturelles ne pourraient d’ailleurs pas expliquer l’esthétique, car cette dernière serait au-delà de notre nature. Cela confine à une perspective dualiste dans laquelle les sciences sociales, comme celle étudiant l’art par exemple, sont séparées des sciences naturelles. Pourquoi Homo sapiens fait de l’art et certaine œuvre d’art en particulier reste alors un mystère. De même pour ce qui motive les personnes à rendre certains aspects du monde « spéciaux ». Si nous voulons réellement comprendre l’art, nous ferions pourtant mieux de l’analyser en tant qu’activité sociale parmi d’autres (Dissanayake, 2009).

UNE CHARITÉ INCONSÉQUENTE

Selon Hume, la source de la morale serait les passions. Si nous n’éprouvions pas du désir ou de l’aversion, nous n’agirions pas. Dans cette logique, la raison serait une passion moins turbulente, plus englobante, tempérée : « La moralité est donc plus proprement sentie que jugée. » – Hume, D. (1739-1740). Traité de la nature humaine. 3. 1. 2. La conception de la morale de Hume ne se base pas sur des règles préétablies, c’est une morale conséquentialiste : une action est morale quand ses conséquences sont bonnes. La notion d’utilité est alors fondamentale dans sa morale ainsi que dans son esthétique d’ailleurs (Brunet, 1965 ; « David Hume », 2019). Ce qui serait moral serait ce qui est utile à l’individu·e et à la société. Mais contrairement à d’autres utilitaristes comme Hobbes, il parle d’utilité sociale. Il insiste sur la « sympathie » et l’intérêt qu’on porte aux autres car aucune action humaine ne serait parfaitement isolée, elles entretiendraient toutes un rapport mutuel. Avec ces considérations, les utilitaristes devraient élargir leurs conceptions selon Hume. L’intérêt personnel serait pour lui un principe social. La situation donne d’ailleurs du crédit aux thèses de Hume. À l’époque le commerce anglais s’étend, non seulement en Europe, mais aussi dans le « Nouveau Monde ». Les comptoirs anglais se multiplient. À la fin du 16e siècle, la flotte anglaise comptait à peine 50 000 tonneaux. Elle en compte plus de 300 000 au milieu du 18e siècle, soit 6 fois plus. À noter que la production des matières premières et leurs débouchés sont assurés par l’accroissement rapide de l’Empire colonial. Par ailleurs, l’agriculture se développe, les procédés de cultures se perfectionnent, les activités marchandes se multiplient. Leurs impacts sociaux sont déterminants. Se développe alors un domaine d’étude indépendant : l’économie politique. En 1776, Adam Smith publie Richesse des nations, œuvre classique du genre. Nous pouvons justement y retrouver de nombreuses notes de Hume, son proche ami (Schatz, 1902).

Hume a raison de mettre l’accent sur l’importance des émotions dans notre morale. Elle est bien trop souvent conçue comme quelque chose d’avant tout rationnelle. Mais comme nous allons le voir, là encore il a tort de rejeter toute référence à la réalité : en effet selon Hume, les économistes et les politicien·ne·s n’auraient pas à se préoccuper du monde réel et du fondement des institutions, cela serait inconnaissable. S’iels ne s’occupaient que de ce qui est utile, leur tâche serait remplie (Schatz, 1902). Dans cette conception, l’économie apparaît comme un phénomène suffisant pour percevoir et comprendre le fonctionnement de la société. L’important, ce serait que ça tourne ! Pour les dualistes, les données économiques seraient suffisantes pour gouverner la société. Dans une sorte d’idéalisme, elle serait même plus que ça : tous ce qui ne serait pas pris en compte par l’économie n’existerait pas ou serait d’importance mineure. La réalité de tout travail, sa violence et son autorité seraient négligeables. D’ailleurs, placé·e·s dans une situation de dilemme moral, les individu·e·s adhérant à une morale utilitariste se distingue par une moindre aversion pour l’atteinte à autrui. C’est-à-dire que si tuer une personne pouvait en sauver d’autres plus estimé·e·s, alors ils et elles le feront plus facilement (Bandura, 1999). Nous pouvons aisément imaginer qu’exploiter les autres est un mal négligeable pour les utilitaristes. Hume légitime donc avant tout le développement de l’économie, et son insistance sur la sympathie ne change pas grand-chose.

Les rapports de productions sont douloureux et hiérarchiques, et l’économie est surtout un moyen de hiérarchisation sociale. C’est parce que tous ces chiffres dans les comptes en banques sont utilisés pour nous hiérarchiser qu’ils sont utiles pour les dominant·e·s. La monnaie et le mythe de sa valeur est surtout utile pour légitimer la hiérarchisation que l’économie institue. Cette réalité est négligée par les économistes. De même lorsque Hume parle de charité comme d’un devoir moral pour les plus riches, c’est avant tout à des fins de pacification sociale. Il adopte une posture faussement sympathique qui permet de ne pas s’interroger sur les causes de la guerre sociale et des inégalités : la hiérarchie. Quand la charité complaît les dominant·e·s dans leur rôle, elle n’a plus rien de moral. Au contraire, parce que la hiérarchie peut avoir une incidence considérable sur la santé des personnes, notamment en ce qui concerne les maladies liées au stress (Sapolsky, 2004), un acte réellement moral est égalitariste.

UN CONSERVATISME SYMPATHIQUE

Après la Bataille de Culloden (1746), bataille décisive dans la colonisation de l’Écosse, les autorités britanniques veulent supprimer la culture écossaise traditionnelle. Le port du tartan ou jouer de la cornemuse est interdit. Les chef·fe·s de clan sont poussé·e·s à se considérer propriétaires des terres qu’iels contrôlent. Ces terres étaient pourtant des biens communs. Iels transforment alors les terres en pâtures à moutons, plus rentables. Les habitant·e·s dépossédé·e·s sont ainsi forcé·e·s à l’exil. Certain·e·s habitant·e·s sont recrutés pour servir dans l’Empire britannique, d’autres émigrent au nord de l’Amérique et d’autres encore sont embauché·e·s dans les premières usines. C’est le début de la révolution industrielle écossaise (« Histoire de l’Écosse », 2019). Pour Hume, l’esprit de clan porte tous les signes d’une étape antérieure de la société qui agirait comme l’ennemi d’une grande société commerciale. Plutôt qu’une transformation ouvertement conflictuelle, Hume suggère alors une transformation économique. Là encore, un parallèle avec Newton est présent : comme la force gravitationnelle pour les planètes Hume conçoit l’argent comme une force active pour changer les sociétés. Son raisonnement est le suivant : parce que le sentiment familial ne serait pas inné et qu’il n’existerait qu’en raison de nos interactions répétées, si l’objet auquel nous sommes lié·e·s changeait, alors notre sentiment d’amour changerait aussi. Il faudrait alors selon Hume prévoir une stratégie économique qui lierait les futures augmentations de la productivité agricole des clans écossais à une politique qui fournirait, au-delà de la subsistance, des produits de base lucratifs. Il faudrait les faire adhérer et aimer cette grande société commerciale dont Hume soutient le développement. Son attitude vis-à-vis de l’Annexing Act (un ensemble de mesure concernant l’annexion de l’Écosse) au-delà du clivage monarchique contre républicain de l’époque, vise donc avant tout à limiter les guerres civiles et révolutions (Caffentzis, 2005). Il ne fait ainsi que légitimer la domination des autorités britanniques en pensant faire pour le mieux.

Pour Hume, l’État est un mal nécessaire. Il serait utile dans l’histoire de la société. Ce recours à la notion d’Histoire lui permet de justifier l’existence de l’État, sans se référer à des notions qu’il rejette comme la nature. Il en critique d’ailleurs l’usage par d’autres économistes, les physiocrates. Ainsi, la liberté humaine ne serait pas un principe de droit naturel. Ce ne serait pas un principe intangible et sacré. L’État garantirait simplement la bonne conciliation de la liberté avec l’utilité sociale, cela non par promesse ni par contrat, mais par convention (Schatz, 1902). Lorsque Hume légitime l’État comme garant historique du fonctionnement de la société, il légitime en réalité le développement des États-nations dans la violence et la contrainte (Kropotkine, 1906 ; Sidanius & Pratto, 1999). Hume adopte également un raisonnement similaire en ce qui concerne la propriété. Elle ne serait pas naturelle mais serait simplement utile pour stabiliser les relations humaines. Elle permettrait aux êtres humains de s’assurer de leurs biens. La division du travail étant alors possible, plus de biens, et de meilleure qualité, seraient produits. La population prospérant, l’État prospérerait aussi. Cette prospérité rendrait alors meilleurs les êtres humains, elle affinerait leur morale (Schatz, 1902). Mais la propriété est surtout utile pour instituer la hiérarchie, pour favoriser l’accès des dominant·e·s aux ressources et restreindre celui des dominé·e·s.

Hume s’oppose en revanche à l’esclavage : la liberté serait la source de la prospérité. Vivre au milieu « de la flatterie, de la soumission, [et] de l’avilissement », serait avilissant pour soi-même. Les rapports de maître·sse à esclave devraient donc être libres. Il faudrait servir librement. Il affirme d’ailleurs la fécondité de l’activité libre et des mécanismes sociaux harmonieux (Schatz, 1902). L’utilité sociale consisterait donc au concours libre de chacun·e dans un monde hiérarchique. Mais que signifie « agir librement » lorsqu’on ne l’est pas ? « Servir librement un·e maître·sse » n’est qu’une affirmation autoritaire fournissant une illusion de liberté rassurante. Il est souvent plus efficace de pousser les gens à se soumettre de leur propre volonté car les pratiques ouvertement autoritaires sont source de tensions, voire de conflits, et conduisent souvent à des surenchères (Joule & Beauvois, 2010). Cependant, une soumission librement consentie n’en est pas moins une soumission avec son cortège d’horreur. Le salariat n’est pas la liberté.

Par ailleurs, Hume affirme que la justice n’aurait aucune utilité dans une société d’abondance. La justice ne serait pas un instinct de l’être humain : ce ne serait qu’une production artificielle, culturelle. La justice ne servirait qu’à maintenir un certain statu-quo (Schatz, 1902). Cependant de nombreuses espèces non humaines très coopératives, semblent guidées par un ensemble d’attentes concernant le résultat de la coopération et la répartition des ressources. Le singe capucin brun (Cebus apella) par exemple, réagit négativement à la distribution inégale des récompenses dans les échanges avec un expérimentateur humain. Les singes refusaient de participer aux exercices s’ils voyaient un congénère obtenir une récompense plus attrayante pour un effort égal, et ce d’autant plus si le partenaire recevait une telle récompense sans aucun effort. Cela soutien la thèse d’une origine évolutive précoce et partagée de l’aversion pour l’iniquité (Brosnan & De Waal, 2003). La justice n’est donc pas une pure construction artificielle. En revanche il est vrai que comme l’État et la propriété, le système judiciaire sert avant tout à maintenir le statu-quo, c’est-à-dire à maintenir la hiérarchie sociale et à punir les pauvres (Sidanius & Pratto, 1999). Toutes ces choses sont très utiles pour les dominant·e·s, mais nous ferions mieux de nous en passer.

Il est impossible de porter une critique radicale en adoptant la perspective économique de Hume. Ce n’est pas simplement qu’il privilégie une approche quantitative insuffisante pour comprendre le monde ; d’autres économistes se croyant plus critique ont aussi pour objet d’étude les désirs et privilégient une approche qualitative (Cléro, 2002). Le problème n’est pas de privilégier les aspects quantitatifs ou qualitatifs de nos activités. Le problème c’est que les économistes se contentent de formaliser leur perception du monde, cela quand iels ne sombrent pas dans le dualisme ou même l’idéalisme (Marx, & Engels, 1846). Le problème c’est de ne pas réellement éclairer les processus douloureux qui maintiennent la hiérarchie et ainsi de ne pas briser les mythes qui la légitime.

CONCLUSION

Hume a marqué la philosophie. Il a contribué à l’essor des sciences. Mais Il a aussi actualisé des conceptions religieuses pouvant s’accorder avec les jeunes conceptions scientifiques de l’époque. Parce qu’il minore ou rejette la notion de réel, son empirisme se confine à des perspectives dualistes et idéalistes qui n’explique pas vraiment les choses. Ainsi il réduit l’art à ce qui plaît à tout le monde ou à quelques critiques hauts placés connaissant les conventions de goût mais sans réellement expliquer ce qui fait le beau. Ses préférences pour le classicisme expriment ainsi des conceptions esthétiques légitimant le bon goût de l’époque et son statu quo. D’autres part, sa notion de charité légitime la hiérarchie qui reste pour lui un mal nécessaire. Hume prône volontiers la liberté, mais en défendant entre autres la propriété, il affirme une conception autoritaire et conservatrice (Schatz, 1902).

Aujourd’hui encore, les libéraux pensent que le travail est une liberté. Celleux qui acceptent cela ne sont que des autoritaires qui s’ignorent. Parler de liberté ou d’égalité sans critiquer la hiérarchie, est une bouffonnerie. Penser que toute activité s’évalue en termes économiques n’est qu’un des mythes qui légitiment le statu quo. Les dominé·e·s peuvent bien faire les efforts qu’iels veulent, leur temps et leur vie sont négligés. Les dominant·e·s négligent tout ce qui les entoure. Alors, afin d’avoir une appréhension réaliste du monde, l’écologie doit faire la critique de l’économie. Et nous devons en prendre acte. L’important c’est que ça ne tourne plus ! La dégradation due aux activités humaines a un impact négatif sur le bien-être d’au moins 3,2 milliards de personnes et a poussé la planète dans une sixième extinction de masse des espèces. Environ 41 % des amphibiens et plus d’un quart des mammifères sont menacés d’extinction à court-terme. Les populations de poissons, oiseaux, mammifères, amphibiens et reptiles ont diminué de 60 % depuis 1970. 90 % des grands mammifères marins ont déjà disparu. Sans parler des insectes ou encore des plantes… Le capitalisme extermine 26 000 espèces par an (Campagne, 2017 ; CDP Report, 2017 ; Scholes et. al., 2018). Ces espèces ne reviendront pas. Notre écosystème n’est pas remplaçable. Il n’est pas à notre disposition. Ce n’est pas une simple ressource. Nous pouvons et nous devons stopper ce massacre. Abolissons la hiérarchie.

Guillaume Deloison – 2021

RÉFÉRENCES :

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Sapolsky, R.(2004). Social Status and Health in Humans and Other Animals. Annu. Rev. Anthropol. 33. 393-418. 10.1146/annurev.anthro.33.070203.144000. https://www.researchgate.net/publication/228982398_Social_Status_and_Health_in_Humans_and_Other_Animals

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Sidanius, J., & Pratto, F. (1999). Social Dominance : An Intergroup Theory of Social Hierarchy and Oppression. Cambridge : Cambridge University Press. doi : 10.1017/CBO9781139175043

Skov, M. & Nadal, M. (2017). Art is not special: An assault on the last lines of defense against the naturalization of the human mind. Reviews in the neurosciences. 29. 10.1515/revneuro-2017-0085. https://www.researchgate.net/publication/320730539_Art_is_not_special_An_assault_on_the_last_lines_of_defense_against_the_naturalization_of_the_human_mind

+Plus :

Ferrand, J. (2011, 1 mai) La généalogie de l’utilitarisme européen. Revue d’études benthamiennes. consulté le 04 août 2019. https://journals.openedition.org/etudes-benthamiennes/292 ; doi : 10.4000/etudes-benthamiennes.292

Blitman, D. (2010) Chomsky et l’empirisme : de la critique de l’empirisme au sens de l’innéisme et du rationalisme chomskyens. Histoire Épistémologie Langage. p. 139-167 : https://www.persee.fr/doc/hel_0750-8069_2010_num_32_1_3295

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La Théorie de la Dominance Sociale et la Dynamique des Relations Intergroupes : Bilan et perspectives


Avec cette lecture du texte de Pratto, Sidanius et Levin (2006), je vous propose de découvrir un ensemble de recherche très important en psychologie sociale. Héritage des recherches commencées dans la première moitié du 20ᵉ siècle, la Théorie de la Dominance Sociale est aujourd’hui incontournable.

« Ce chapitre passe en revue les 15 dernières années de recherche inspirée par la théorie de la dominance sociale, une théorie générale de l’inégalité sociale basée sur les groupes. Ce faisant, nous esquissons les grandes lignes de la théorie et discutons de certaines des controverses qui l’entourent, telles que l’« hypothèse d’invariance » concernant les différences de genre dans l’orientation à la dominance sociale (ODS) et l’effet du contexte social sur l’expression de l’ODS. Nous discutons également du rôle central du genre dans la construction et le maintien de l’inégalité des groupes sociaux et passons en revue certaines des nouvelles recherches inspirées par la perspective de la théorie de la dominance sociale. Enfin, nous identifions et discutons certaines des questions théoriques les plus importantes posées par la théorie de la dominance sociale qui n’ont pas encore fait l’objet de recherches. »

Télécharger l’article :

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RICORDEAU – POUR ELLES TOUTES


Lecture de l’avant-propos du livre POUR ELLES TOUTES, de Gwenola Ricordeau, professeur de criminologie.

« Mon cœur les comprend elles toutes. Celles qui ne croient plus en la justice de leur pays, celles qui n’iront jamais voir la police parce que le Vél d’Hiv, celles qui voudraient seulement que ça n’arrive pas à d’autres, celles qui préfèrent oublier, celles que la justice a laissées déçues, brisées, en colère ou malheu-reuses, celles qui ont pardonné, celles qui ont préféré écrire un livre, celles qui voudraient juste comprendre, celles qui diront toujours « la prison pour personne ». Mon cœur les comprend elles toutes »

Le twitter de Gwenola Ricrodeau :
https://twitter.com/G_Ricordeau

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KROPOTKINE – LA MORALE ANARCHISTE


Le mensonge, la brutalité et ainsi de suite, avons-nous dit, sont répugnants, non parce qu’ils sont désapprouvés par les codes de moralité — nous ignorons ces codes — ils sont répugnants parce que le mensonge, la brutalité, etc., révoltent les sentiments d’égalité de celui pour lequel l’égalité n’est pas un vain mot ; ils révoltent surtout celui qui est réellement anarchiste dans sa façon de penser et d’agir.

Le principe égalitaire résume les enseignements des moralistes. Mais il contient aussi quelque chose de plus. Et ce quelque chose est le respect de l’individu. En proclamant notre morale égalitaire et anarchiste, nous refusons de nous arroger le droit que les moralistes ont toujours prétendu exercer — celui de mutiler l’individu au nom d’un certain idéal qu’ils croyaient bon. Nous ne reconnaissons ce droit à personne ; nous n’en voulons pas pour nous.

Nous reconnaissons la liberté pleine et entière de l’individu ; nous voulons la plénitude de son existence, le développement libre de toutes les facultés. Nous ne voulons rien lui imposer et nous retournons ainsi au principe que Fourier opposait à la morale des religions, lorsqu’il disait : Laissez les hommes absolument libres ; ne les mutilez pas — les religions l’ont assez fait. Ne craignez même pas leurs passions : dans une société libre, elles n’offriront aucun danger.

Nous renonçons à mutiler l’individu au nom de n’importe quel idéal : tout ce que nous nous réservons, c’est de franchement exprimer nos sympathies et nos antipathies pour ce que nous trouvons bon ou mauvais. Untel trompe-t-il ses amis ? C’est sa volonté, son caractère ? ? soit ! Eh bien, c’est notre caractère, c’est notre volonté de mépriser le menteur ! Et une fois que tel est notre caractère, soyons francs. Ne nous précipitons pas vers lui pour le serrer sur notre gilet et lui prendre affectueusement la main, comme cela se fait aujourd’hui ! À sa passion active, opposons la nôtre, tout aussi active et vigoureuse.

Si chacun, se tenant à un principe d’équité marchande, se gardait à chaque instant de donner aux autres quelque chose en plus de ce qu’il reçoit d’eux — ce serait la mort de la société. Le principe même d’égalité disparaîtrait de nos relations, car pour le maintenir, il faut qu’une chose plus grande, plus belle, plus vigoureuse que la simple équité se produise sans cesse dans la vie.

Et cette chose se produit.

Cette fécondité de l’esprit, de la sensibilité ou de la volonté prend toutes les formes possibles. C’est le gamin de Paris, qui mieux inspiré et doué d’une intelligence plus féconde, choisissant mieux ses aversions et ses sympathies, courait aux remparts avec son petit frère cadet, restait sous la pluie des obus et mourait en murmurant : « Vive la Commune ! » C’est l’homme qui se révolte à la vue d’une iniquité, sans se demander ce qui en résultera et, alors que tous plient l’échine, démasque l’iniquité, frappe l’exploiteur, le petit tyran de l’usine, ou le grand tyran d’un empire. C’est enfin tous ces dévouements sans nombre, moins éclatants et pour cela inconnus, méconnus presque toujours, que l’on peut observer sans cesse, surtout chez les femmes, pourvu que l’on veuille se donner la peine d’ouvrir les yeux et de remarquer ce qui fait le bond de l’humanité, ce qui lui permet encore de se débrouiller tant bien que mal, malgré l’exploitation et l’oppression qu’elle subit.

Kropotkine, P. (1889). La morale anarchiste

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LOUISE MICHEL – MÉMOIRES


Au fond de ma révolte contre les forts, je trouve du plus loin qu’il me souvienne l’horreur des tortures infligées aux bêtes.

J’aurais voulu que l’animal se vengeât, que le chien mordît celui qui l’assommait de coups, que le cheval saignant sous le fouet renversât son bourreau ; mais toujours la bête muette subit son sort avec la résignation des races domptées. — Quelle pitié que la bête !

Depuis la grenouille que les paysans coupent en deux, laissant se traîner au soleil la moitié supérieure, les yeux horriblement sortis, les bras tremblants, cherchant à s’enfouir sous la terre, jusqu’à l’oie dont on cloue les pattes, jusqu’au cheval qu’on fait épuiser par les sangsues ou fouiller par les cornes des taureaux, la bête subit, lamentable, le supplice infligé par l’homme.

Et plus l’homme est féroce envers la bête, plus il est rampant devant les hommes qui le dominent.

Des cruautés que l’on voit dans les campagnes commettre sur les animaux, de l’aspect horrible de leur condition, date avec ma pitié pour eux la compréhension des crimes de la force.

C’est ainsi que ceux qui tiennent les peuples agissent envers eux ! Cette réflexion ne pouvait manquer de me venir. Pardonnez-moi, mes chers amis des provinces, si je m’appesantis sur les souffrances endurées chez vous par les animaux.

Dans le rude labeur qui vous courbe sur la terre marâtre, vous souffrez tant vous-mêmes que le dédain arrive pour toutes les souffrances.

Cela finira-t-il jamais ?

Les paysans ont la triste coutume de donner de petits animaux pour jouets à leurs enfants. On voit sur le seuil des portes, au printemps, au milieu des foins ou des blés coupés en été, de pauvres petits oiseaux ouvrant le bec à des mioches de deux ou trois ans qui y fourrent innocemment de la terre ; ils suspendent l’oiselet par une patte pour le faire voler, regardent s’agiter ses petites ailes sans plumes.

D’autres fois ce sont de jeunes chiens, de jeunes chats que l’enfant traîne comme des voitures, sur les cailloux ou dans les ruisseaux. Quand la bête mord le père l’écrase sous son sabot.

Tout cela se fait sans y songer ; le labeur écrase les parents, le sort les tient comme l’enfant tient la bête. Les êtres, d’un bout à l’autre du globe (des globes peut-être !), gémissent dans l’engrenage : partout le fort étrangle le faible. Étant enfant, je fis bien des sauvetages d’animaux ; ils étaient nombreux à la maison, peu importait d’ajouter à la ménagerie. Les nids d’alouette ou de linotte me vinrent d’abord par échanges, puis les enfants comprirent que j’élevais ces petites bêtes ; cela les amusa eux-mêmes, et on me les donnait de bonne volonté. Les enfants sont bien moins cruels qu’on ne pense ; on ne se donne pas la peine de leur faire comprendre, voilà tout.

Michel, L. (1886). Mémoires

Vous pouvez télécharger les mémoires Louise Michel sur le lien ci-dessous :

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Live 05/10


Un live pour faire le point, la pause que je vais prendre, les projets qui sont quand même en cours, les projets sur lesquelles je me concentre, surement des trucs que je lis puis un peu de tout 😉

Des sources :

THREAD : POURQUOI LA DIALECTIQUE C’EST DE LA MERDE ? : https://twitter.com/GDeloison91/status/1281886776899129345
Charbonnat, P. (2007). Histoire des philosophies matérialistes.
Bunge, M. (1981). Le matérialisme scientifique. Syllepse
Sidanius, J., & Pratto, F. (1999). Social Dominance: An Intergroup Theory of Social Hierarchy and Oppression. Cambridge: Cambridge University Press. doi:10.1017/CBO9781139175043 :
https://www.cambridge.org/core/books/social-dominance/ADA29C256881001463D6E2777404DB95
Pratto, Felicia & Sidanius, Jim & Levin, Shana. (2006). Social Dominance Theory and the Dynamics of Intergroup Relations: Taking Stock and Looking Forward. European Review of Social Psychology – EUR REV SOC PSYCHOL. 17. 271-320. 10.1080/10463280601055772. :
https://www.researchgate.net/publication/253326431_Social_Dominance_Theory_and_the_Dynamics_of_Intergroup_Relations_Taking_Stock_and_Looking_Forward
The alt-right PlayBook :
https://www.youtube.com/watch?v=4xGawJIseNY&list=PLJA_jUddXvY7v0VkYRbANnTnzkA_HMFtQ
Des dangers de la naïveté politique et sociale :
http://zet-ethique.fr/2020/09/30/des-dangers-de-la-naivete-politique-et-sociale/
L’anneau de contraception :
https://www.thoreme.com/

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IL Y A AUSSI DE BONS FLICS ? #NotAllCops


Aux États unis, certain·e·s flics ont posé un genou à terre en hommage à George Floyd. En France, on a vu des flics distribuer des bonbons dans la rue. Cela voudrait-il dire qu’il y a aussi des bons flics ?

IL Y A AUSSI DE BONS FLICS ? #NotAllCops

Alors pourquoi iels donnent des bonbons avec leurs uniformes ? Parce que ce sont de gentilles personnes ? Iels pourraient donner des bonbons sans uniforme, mais dans le contexte des violences policières actuelles, ce n’est pas anodin. C’est une stratégie bel et bien politique.

Se contenter de faire passer le message « on est pas tous méchant regarder moi je suis gentil·le » en distribuant des bonbons dans un contexte de violences policières quotidienne, d’affaire de meurtre commis par la police quasiment toutes les semaines ou au moins tous les mois (sans parler de George Floyd et le combat d’Assa Traoré pour son frère Adama, les images qui viennent de sortir sur Cedric Chouviat, les 1 ans de la mort de Steve Maia Caniço, la manif la semaine dernière pour Lamine Dieng… et je parle que d’événements de cette semaine et la liste est tellement longue… c’est abominable et je suis sur de pas être exhaustif (Bastamag, 2018). Bref, c’est vraiment répugnant et ça montre a quel point iels en ont rien à foutre des comportements problématiques de leurs collègues : ce qui importe c’est leur ego, leur propre image (Ce qui est un manque sidérant d’empathie pour les familles des victimes de meurtre policier). Iels privilégient la com’ plutôt que de régler le problème. Iels préfèrent renforcer la croyance selon laquelle la police est là pour protéger les gens. On a tous lu ça dans les livres pour enfant mais c’est évidemment faux. La police n’a pas été créée pour ça et n’a jamais eu cette fonction, ce n’est qu’un mythe. Sa fonction est de maintenir le statu quo. D’ailleurs c’est pareil pour la prison et le système pénale en général (Sidanius et Pratto, 1999). Après que les policier·es soit gentil ou non a coté n’a aucune importance, iels font leur travail, iels terrorisent les individus en bas de la hiérarchie sociale. Malheureusement cela laisse des marques et les policier·es endossent majoritairement des croyances légitimant la hiérarchie, iels ont des supers hauts scores d’autoritarisme de droite (Altemyer, 1981 ; Body Gendrot & Whitol de Wenden, 2003), votent à plus de 50 % pour le FN et quasiment tous pour un parti d’extrême droite (Leboucq, 2020). Et je passe sur leurs collaborations répétées avec des groupuscules d’extrême droite comme génération identitaire ou autre qu’iels protègent pendant les manifs (La horde, 2020).

Alors y a-t-il de bons flics ? La question n’est pas pertinente. Il n’y a pas de bonne police et toute perspective égalitaire passe par son abolition.

Guillaume Deloison

RÉFÈRENCES :

Bastamag (2018). Base de données. https://bastamag.net/webdocs/police/

Body Gendrot, S., Whitol de Wenden, C. (2003). Police et discriminations raciales : Le tabou français.

La horde (2020). Manif contre les violences policières à Paris : la provoc’ des identitaires tourne court. https://lahorde.samizdat.net/2020/06/14/manif-contre-les-violences-policieres-a-paris-la-provoc-des-identitaires-tourne-court/

Leboucq, F. (2020). Est-il vrai que les policiers et gendarmes votent à 75 % pour l’extrême droite, comme le dit Mélenchon ?. https://www.liberation.fr/checknews/2020/06/10/est-il-vrai-que-les-policiers-et-gendarmes-votent-a-75-pour-l-extreme-droite-comme-le-dit-melenchon_1790710

Sidanius, J., & Pratto, F. (1999). Social Dominance: An Intergroup Theory of Social Hierarchy and Oppression. Cambridge: Cambridge University Press. doi:10.1017/CBO9781139175043. https://www.cambridge.org/core/books/social-dominance/ADA29C256881001463D6E2777404DB95

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RÉALITÉ


RÉALITÉ est une lecture du texte de Mario Bunge (1993) Réalisme et Anti-Réalisme dans les Sciences Sociales. Cette lecture est entrecoupée d’une conversation avec mon amie Aurèle Decht sur la place du réalisme dans la lutte contre toute hiérarchie. La lecture donne des éléments de réflexion et la discussion illustre un vrai cheminement soulevant différentes thématiques. S’ouvre alors une réflexion mêlant philosophie, science, morale et politique.

Après les abominations du 20e siècle, et l’extermination de la moitié des espèces sur terre durant les dernières décennies, certain se donne des aires rebelles à critiquer la science et à la caricaturer comme la nouvelle religion. Des concepts comme l’objectivité, la vérité ou encore la réalité serait ringard et le summum de la modernité serait d’être ouvert à la spiritualité pour ne pas dire au mysticisme. Ainsi depuis les années 60 certains sociologues dans l’air du temps recycle certaines épistémologies hostiles aux sciences : le subjectivisme, le conventionnalisme, le fictionnisme, le constructivisme social, le relativisme et l’herméneutique. Bunge critique ces approches et explique que toute activité scientifique adopte une épistémologie réaliste, même tacitement. En parallèle nous développons au cours de notre discussion avec Aurèle Decht, pourquoi toute perspective égalitariste et anarchiste devrait endosser un réalisme scientifique.

Il ne s’agit évidemment pas de promouvoir une perspective autoritaire et élitiste des sciences comme tour d’ivoire délivrant ses connaissances à la plèbe. La science avance avec la critique. C’est d’ailleurs bien triste de devoir le rappeler car il est vrai que la critique n’est plus immédiatement associé à la science. Et même si ce n’est pas le sujet de la vidéo, il faudrait effectivement développer sur cet état de fait qui n’est pas dépourvue de sens à une époque ou la majeure partie des scientifiques a abandonné le registre de l’insubordination.

Mario Augusto Bunge, (1919-2020) est un physicien et philosophe argentin. Son œuvre philosophique s’inscrit dans la pensée matérialiste, et plus précisément dans le courant évolutionniste du matérialisme scientifique. Il s’opposait au régime militaire du Groupe d’officiers unis, et considérait que « la guerre contre le fascisme impliquait le combat philosophique contre l’irrationalisme. »

Si vous préférez vous pouvez directement lire le PDF du texte de Mario Bunge :
Bunge, M. (1993). Réalisme et Anti-réalisme dans les Sciences Sociales. Theory and decision

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A CERCLÉ 05/20


Troisième numéro de ce cercle de discussion avec Alexandre, anarchiste qui vient de lancer sa chaine Rationaliste Matérialiste, Cécile et Gaspard, communistes libertaires. On y parle de femme anarchiste, de science, d’éducation et de plein d’autre trucs

La chaine Rationaliste Matérialiste :
https://www.youtube.com/channel/UCIKREu4XyoPTLPJWDRXs98g

Duckitt, John & Sibley, Chris. (2010). Personality, Ideology, Prejudice, and Politics: A Dual-Process Motivational Model. Journal of personality. 78.
https://www.researchgate.net/publication/47642855_Personality_Ideology_Prejudice_and_Politics_A_Dual-Process_Motivational_Model

Les enfants, victimes invisibles du confinement :
https://www.facebook.com/UnionCommunisteLibertaire/posts/3814503175289693

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CONTRE LES PSEUDO-ECOLOGIES D’EXTRÊME DROITE


 

L’extrême droite se définit comme un ensemble de courants politiques œuvrant à accentuer la hiérarchie sociale. Iels s’accordent sur une vision du monde autoritaire mais la place de la nature dans leur discours change selon les situations politiques. Aujourd’hui, quelle place prend la nature dans leurs discours pseudo-écologistes ? Quel horizon écologique leur opposer ? Lire la suite

A CERCLÉ 04/20


Second numero de ce cercle de discussion avec Nada qui vient de sortir son album et Rim Mava militant·e anarchocommuniste.

Nada : https://nadamusic.bandcamp.com/

RÉFÉRENCES (dans l’ordre chronologique énnoncé):
Générateur de nom de parti politique :
https://atelier.leparisien.fr/widgets/pages/generateur/partispolitiques.html
Viciss Hackso (2017). [F1] Espèce de facho ! Études sur la personnalité autoritaire
https://www.hacking-social.com/2017/01/16/f1-espece-de-facho-etudes-sur-la-personnalite-autoritaire/
Viciss Hackso (2019). [MQC] Le potentiel fasciste, l’autoritaire et le dominateur.
https://www.hacking-social.com/2019/09/02/mcq-le-potentiel-fasciste-lautoritaire-et-le-dominateur/
Sortir du capitalisme (2020). Validisme et darwinisme social à l’ère du coronavirus
http://sortirducapitalisme.fr/emissions/310-validisme-et-darwinisme-social-a-l-ere-du-coronavirus
Brigades de Solidarité Populaire :
https://www.facebook.com/BrigadesSolidaritePopulaire/
Covid Entraide :
https://covid-entraide.fr/
Greve des Loyers:
https://grevedesloyers.info/
Appel à la solidarité pour aider les TDS les plus précariséEs par le Virus Covid-19.
https://www.leetchi.com/c/aider-les-tds-face-au-covid19
fond d’action sociale trans :
https://www.helloasso.com/associations/acceptess-t/formulaires/2/
Faire un don à 2MSG MIGRATIONS, MINORITÉS SEXUELLES ET DE GENRE :
https://www.helloasso.com/associations/2msg-migrations-minorites-sexuelles-et-de-genre/formulaires/1
Prisonniers: les grands oubliés du confinement – Interview avec Guillaume Deloison
https://blogs.mediapart.fr/desobeissance-ecolo-paris/blog/290320/prisonniers-les-grands-oublies-du-confinement-interview-avec-guillaume-deloison
Étude sur le confinement:
https://ecostudies.frama.site/
Générateur de texte appelo :
http://iqvator.atwebpages.com/
Lundi Matin et son virus bourgeois :
https://blogs.mediapart.fr/merome-jardin/blog/220320/lundi-matin-et-son-virus-bourgeois

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A CERCLÉ 03/20


1er live de ce nouveau format. Cercle de discussion avec Rémi qui s’occupe d’un groupe Facebook « Écoute anarchiste » et Gamel de la page M.A.A. On imagine des parties aux noms foireux, on partage nos dernières lectures puis on parle de la place de Facebook et des outils numérique dans la lutte

L’instance Peertube ou vous pouvez retrouver mes vidéos: https://www.yiny.org/video-channels/g…
Social Cultures among Nonhuman Primates : https://www.researchgate.net/publicat… Face à facebook : https://infokiosques.net/lire.php?id_…
Kropotkine – La morale anarchiste :
https://fr.wikisource.org/wiki/La_Mor…
Nada :
https://nadamusic.bandcamp.com/

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PSYCHANALYSE / SCIENCE & ANARCHISME


Avec Armaruak et Reflexion Faite on parle de psychanalyse. Après avoir critiqué le bien-fondé scientifique de ce courant, nous élargirons la réflexion sur la place que prend la psychanalyse à gauche de l’échiquier politique et notamment avec les théories marxistes. Il sera aussi par la suite question de notre rapport à la science en tant qu’anarchiste.

Armaruak : https://twitter.com/armaruak
Reflexion Faite : https://www.youtube.com/channel/UCb4GwqOR5bIUHpvDS_UOC1A

RÉFÉRENCES :
Arte. (2018). Propaganda, la fabrique du consentement.
Bakounine, M. (1882). Dieu et l’état. https://www.youtube.com/watch?v=Jc4IWUfua9g
Bakshi, R., Czarnecki, D., Shaikh, Z. A., Priore, R. L., Janardhan, V., Kaliszky, Z., Kinkel, P. R.(2000). Brain MRI lesions and atrophy are related to depression in multiple sclerosis. NeuroReport. 11. 6. p 1153-1158 https://journals.lww.com/neuroreport/Abstract/2000/04270/Brain_MRI_lesions_and_atrophy_are_related_to.3.aspx
Bunge, M. (1981). Le matérialisme Scientifique. Syllepse.
Bouveresse, J. (1999). Prodiges et vertiges de l’analogie. éd. Raisons d’agir.
Catherine Meyer – Le livre noir de la psychanalyse
Depardon, R. (2017).12 jours.
Kling, A. S., Metter, E. J., Riege, W. H., & Kuhl, D. E. (1986). Comparison of PET measurement of local brain glucose metabolism and CAT measurement of brain atrophy in chronic schizophrenia and depression. The American Journal of Psychiatry, 143(2), 175–180. https://psycnet.apa.org/record/1986-17378-001
Le phallus et le néant. https://lephallusetleneant.com/
Pálsson, S., Aevarsson, Ó, & Skoog, I. (1999). Depression, cerebral atrophy, cognitive performance and incidence of dementia: Population study of 85-year-olds. British Journal of Psychiatry, 174(3), 249-253. doi:10.1192/bjp.174.3.249 https://www.cambridge.org/core/journals/the-british-journal-of-psychiatry/article/depression-cerebral-atrophy-cognitive-performance-and-incidence-of-dementia/C6F4A5A049AB93C3393ACC2F107A6D3C
Ponce, C. & Arellano Hernández, A. (2015). Articulation science et société : un guide méthodologique pour les étues sociales des sciences et technologies: À propos de Dominique VINCK (2015). Ciencias y sociedad. Sociología del trabajo científico. Barcelona, Gedisa. Revue d’anthropologie des connaissances, vol. 9, 4(4), 503-511. doi:10.3917/rac.029.0503. https://www.cairn.info/revue-anthropologie-des-connaissances-2015-4-page-503.htm
Robert, S. (2014). Les déconvertis de la psychanalyse. Dragonbleu TV. https://www.youtube.com/watch?v=LgD9I31JD30
Robert, S. (2019). Hold up sur la psychologie. https://www.youtube.com/watch?v=uHKxxjB3kps
Robert, S. (2019). Le mur : l’autisme à l’épreuve de la psychanalyse. Dragon Bleu TV. https://www.youtube.com/watch?v=PS2dlJh5U60
Sapolsky, R. M. (2005). The influence of social hierarchy on primate health. Science. 308. https://pdfs.semanticscholar.org/7536/e80f645c536ba6445be569ecec8b8e68dcad.pdf
Sapolsky, R. B. (2004). Social Status and Health in Humans and Other Animals. https://www.researchgate.net/publication/228982398_Social_Status_and_Health_in_Humans_and_Other_Animals
Sidanius, J., & Pratto, F. (1999). Social Dominance: An Intergroup Theory of Social Hierarchy and Oppression. Cambridge: Cambridge University Press. doi:10.1017/CBO9781139175043
Zététique :
Hygiéne Mentale https://www.youtube.com/user/fauxsceptique
Esprit critique https://www.youtube.com/channel/UC0yPCUmdMZIGtnxSnx5_ifA
Le CorteX https://cortecs.org/

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PHILOSOPHER – VOLTAIRE


« L’esprit d’une nation réside toujours dans le petit nombre, qui fait travailler le grand, est nourri par lui, et le gouverne. Certainement cet esprit de la nation chinoise est le plus ancien monument de la raison qui soit sur la terre » – Voltaire. (1756). Essai sur les mœurs et l’esprit des nations

François-Marie Arouet, dit Voltaire, naît le 21 novembre 1694 à Paris. Il meurt dans la même ville le 30 mai 1778 à 83 ans. C’est un écrivain et philosophe français. Représentant le plus connu de la philosophie des Lumières, anglomane, Voltaire est féru d’arts et de sciences. Il est en faveur d’une monarchie libérale, éclairée par les philosophes. Son œuvre littéraire est riche et variée. Par sa production théâtrale importante, ses longs poèmes épiques, telle La Henriade, et ses œuvres historiques, il est l’un des écrivains français les plus célèbres du 18e siècle (« Voltaire », 2019).

Voltaire n’est qu’une sale merde. C’est facile de jouer les rebelles quand on n’est qu’un bouffon de grande renommée. Je le hais car il fait de la liberté et de la raison des inepties mutilantes. Attaquons radicalement ses conceptions d’une rageante actualité. C’est l’autorité sous un masque hypocrite. Lire la suite

PHILOSOPHER – DIDEROT


« À qui, barbares, ferez-vous croire qu’un homme peut être la propriété des souverains ; un fils, la propriété d’un père ; une femme, la propriété d’un mari ; un domestique, la propriété d’un maître ; un nègre, la propriété d’un colon ? » – Diderot. (1770). L’histoire des Deux Indes

Denis Diderot, naît le 5 octobre 1713 à Langres et meurt le 31 juillet 1784 à Paris. C’est un écrivain, philosophe et encyclopédiste français des Lumières. Il est romancier, dramaturge, conteur, essayiste, dialoguiste, critique d’art, critique littéraire et traducteur. Il pose les bases du drame bourgeois au théâtre, révolutionne le roman avec Jacques le fataliste et participe au développement de la critique dans ses Salons. De plus, il supervise la rédaction d’un des ouvrages les plus marquants de son siècle : la célèbre Encyclopédie. Il vit sous la menace de la répression. En 1749, Il fit 3 mois de prison au château de Vincennes. Diderot préfère alors fonder ses espoirs dans la publication posthume de certains de ses textes. Ce n’est qu’à la fin du 19e siècle que son travail accède effectivement à la postérité. (« Denis Diderot », 2019).

J’ai beaucoup de tendresse pour Diderot. Il démontre une force et une détermination sublime. Face à son œuvre, je me sens son ami. Je partage ses douleurs ; celles qu’impliquent la lutte pour la liberté. J’écris ces lignes en son honneur. Étudions la fécondité de sa philosophie sans l’idéaliser. Cela lui aurait plu. Lire la suite

Révolutions, contre-révolutions et guerres de l’Algérie à l’Iran et de Syrie au Yémen (2011-2019)


Une discussion de Guillaume Deloison et d’Armand Paris de Sortir du capitalisme autour des révolutions, des contre-révolutions et des guerres de l’Algérie à l’Iran et de Syrie au Yémen des premiers « Printemps arabes » à nos jours.

L’émission comporte :

Une définition des caractéristiques communes de l’espace allant de l’Algérie à l’Iran et de la Syrie au Yémen, aux racines des soulèvements de cette région : héritage colonial ou semi-colonial, sous-industrialisation, prédominance du capitalisme d’Etat et rentier (hydrocarbures, construction, tourisme), dépendance aux importations, à l’envoi d’argent des diasporas et aux institutions internationales (FMI), chômage et travail informel massifs, fortes inégalités ;

Une description du cycle révolutionnaire et contre-révolutionnaire en Egypte (2011-2013) et de ses composantes : prolétariat urbain, prolétariat industriel, classes moyennes, commandement militaire, président et ses proches, classe politique, capitalistes de connivence, capitalistes indépendants ;

Une analyse du rôle contre-révolutionnaire des impérialismes régionaux et internationaux depuis 2011 ;

Une critique du conspirationnisme d’Etat et de gauche « anti-impérialiste » et des lectures orientalistes des soulèvements et des conflits, vus sous un prisme confessionnaliste, ethniciste, romantique révolutionnaire, sécuritaire ou encore islamophobes ;

Une analyse des positions de l’extrême-droite soralienne et des rouges-bruns vis-à-vis des soulèvements ;

Une évaluation critique des réalisations du PYD au Rojava ;

Une discussion des luttes et des problèmes écologiques (correctif à ce sujet), des gauches et des perspectives politiques dans cette région du monde ;

Une analyse des causes de l’échec des modernisations de rattrapage « socialistes » des années 1960-1970 en Égypte, en Syrie, en Irak et en Algérie ;

Une description des modalités d’intégration au capitalisme mondial des pays de cette région du monde ;

Une analyse de Daech comme un État de milices rebelles islamistes armées plutôt que comme fasciste, et de l’islamisme comme mouvement d’opposition néo-conservateur, interclassiste, hégémonique face à un nationalisme arabe en crise de légitimité, et promoteur d’un dépassement illusoire des difficultés socio-économiques au travers d’un capitalisme pieux, donc « vertueux », « moral » et charitable ;

Une conclusion sous forme d’un bilan des révolutions et des contre-révolutions, avec des perspectives au sujet de l’évolution politique future de cette région.

Émission sur le site Sortir du capitalisme avec ses sources :
http://sortirducapitalisme.fr/emissions/304-revolutions-contre-revolutions-et-guerres-de-l-algerie-a-l-iran-et-de-syrie-au-yemen-2011-2019

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Réponse à Monsieur Phi : Le Vrai Problème Avec Aristote


Une petite vidéo rapide pour répondre à Monsieur Phi et sa vidéo « Le pire scientifique de l’histoire ? Ft. DirtyBiology ». Il répond à Bruce de la chaine E-penser qui se moque d’Aristote. Monsieur Phi réhabilite donc le prestige d’Aristote en tant que scientifique. Je fais cette vidéo pour exposer le vrai problème avec Aristote.

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GUILLEMET N°3


Cette fois on s’intéresse à:
Cultural studies, Anthologie – Hervé Glevarec & al.
Pour une technologie libératrice – Murray Bookchin
Morality and social instinct, continuity with the other primates – F. de Waal

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GUILLEMET N°2


Cette fois on s’intéresse à:
Bolo’ Bolo’ – P.M.
La brochure de the anarchist library – La société contre l’État de Pierre Clastres
Liberté et déterminisme : un point de vue neurobiologique est il possible ? – Delphine Blitman

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FRAGMENTS ANARCHISTES


6 Fragments classiques de l’anarchie pour saisir le potentiel théorique de ce mouvement qui fait de la lutte contre toute coercition, contre toute autorité son fondement. J’ai réalisé cette vidéo dans le but de mettre au centre des réflexions la catégorie de l’autorité qui n’est à mon sens pas assez thématisée. C’est une invitation a continuer cette approche théorique et découvrir ses spécificités et sa force.

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PHILOSOPHER – FOUCAULT


« Je ne peux m’empêcher de penser à une critique qui ne chercherait pas à juger, mais à faire exister une œuvre, un livre, une phrase, une idée ; elle allumerait des feux, regarderait l’herbe pousser, écouterait le vent et saisirait l’écume au vol pour l’éparpiller. Elle multiplierait non les jugements, mais les signes d’existence ; elle les appellerait, les tirerait de leur sommeil. Elle les inventerait parfois ? Tant mieux, tant mieux. La critique par sentence m’endort ; j’aimerais une critique par scintillements imaginatifs. Elle ne serait pas souveraine ni vêtue de rouge. Elle porterait l’éclair des orages possibles. » – Michel Foucault

Paul-Michel (dit Michel) Foucault est un philosophe français né le 15 octobre 1926 à Poitiers et mort le 25 juin 1984 à Paris. Il est généralement connu pour ses critiques des institutions sociales, principalement celles de la psychiatrie, de la médecine et du système carcéral. Mais aussi pour ses développements sur l’histoire de la sexualité, et ses théories concernant le pouvoir et les relations complexes entre pouvoir et connaissance. Associé aux débuts du Centre universitaire expérimental de Vincennes, il est ensuite, de 1970 à 1984, titulaire d’une chaire au Collège de France qu’il intitule « Histoire des systèmes de pensée ». Militant politique dans les années 1970, il participe aux premiers mouvements de soutien aux travailleurs immigrés et fonde le Groupe d’information sur les prisons pour donner la parole aux prisonniers sur leurs conditions de vie. D’abord associé au structuralisme, Foucault est aujourd’hui rattachée au post-structuralisme et à la philosophie postmoderne. Figure phare de la French theory, son travail reste relativement fécond dans le monde académique notamment anglo-saxon, par-delà les spécialisations disciplinaires. The Times Higher Education Guide le décrit en 2009 comme l’auteur en sciences humaines le plus cité au monde.

Ses développements théoriques m’ont souvent laissé de marbre. Mais certains éléments factuels, et certain thèmes ont retenu mon attention. Ils ont nourri ma réflexion comme ils ont nourri de nombreux mouvements de lutte. Mais ces conceptions ne me suffisent pas, sa critique du pouvoir n’en a que la posture. Elle peut nous plonger dans un marasme autoritaire dont il serait impossible de sortir. Aiguisons notre regard dans ce brouillard. Lire la suite

PHILOSOPHER – MARX


« Pour nous, le communisme n’est pas un état de choses qu’il convient d’établir, un idéal auquel la réalité devra se conformer. Nous appelons communisme le mouvement réel qui abolit l’état actuel des choses. » Karl Marx.

Karl Marx, naît le 5 mai 1818 à Trêves en Rhénanie et meurt le 14 mars 1883 à Londres. Il est historien, journaliste, philosophe, sociologue, économiste, essayiste, théoricien de la révolution, socialiste et communiste. Connu pour sa conception matérialiste de l’histoire, sa description des rouages du capitalisme, et pour son activité révolutionnaire au sein du mouvement ouvrier, il a notamment participé à l’Association internationale des travailleurs. Marx a eu une grande influence sur le développement ultérieur des sciences humaines et sociales. Ses travaux ont influencé de façon considérable le XXe siècle, au cours duquel de nombreux mouvements révolutionnaires se sont réclamés de sa pensée.

Marx a été déterminant dans l’évolution de ma pensée. Ces réflexions critiques hantent nombre de mes écrits. Mais la plupart des Marxistes m’agacent. J’ai sûrement plus lu de commentaires de ces textes que sa propre prose. Ses édifices théoriques sont bien souvent tenus plus par son nom que par les faits. Marx répugnerait le marxisme, c’est certain. Il faut le critiquer, il faut le dépasser et faire de son matérialisme, plus qu’une posture. Vivifions sa pensée.

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GUILLEMET N°1


Nouveau format assez simple. Je vous partage mes lectures du moment :
Mona Chollet – Sorcières
Noam Chomsky – Raison et liberté
Guide du jardinage biologique
Marc Silberstein – Matériaux philosophique et scientifique pour un matérialisme contemporain

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FORME ET GRIBOUILLI


N’ayant aucunes compétences en dessin, tout au plus quelques notions qui me viennent de différentes expériences au long de ma vie, et vivant à une époque ou des artistes ne voulant rien dire sont tout a fait reconnu comme de grands peintres abstrait, je me suis lancé dans l’expérience esthétique.

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LIVE SUR LE NEW AGE


Live avec Jessy sur le thème du new age et ses rapports avec la politique. On aborde les traces de cette idéologie dans différents courants politiques de l’extrême gauche à l’extrême droite en passant par la gauche et la droite. Pseudo-science, développement personnel, pratique sectaire, on aborde ici quelque éléments pour une critique radicale.

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ANTIFASCISTE – Révolutionnaire ou rien


ANTIFASCISTE

– RÉVOLUTIONNAIRE OU RIEN –

« Cinq juin 2013, le jeune syndicaliste antifasciste Clément Méric meurt sous les coups d’Esteban Morillo, sympathisant de Troisième voie. Tout au long du procès aux assises, début septembre 2018, le Comité pour Clément organise de nombreux événements dont un meeting, le 8, à la Bourse du travail de Paris. Les rangs étaient clairsemés, à l’heure où les gouvernements d’Europe ouvrent leur portes à l’extrême droite en tolérant génération identitaire dans les alpes, à l’heure où des occupations d’universités (Montpellier, Lille, Strasbourg, Angers, Tolbiac…) sont évacuées par des groupuscules fascistes, où le lycée autogéré de Paris est attaqué, où le groupuscule Action des forces opérationnelles prévoit des attentats, où des êtres humains sont chassés par des néonazis à Chemnitz, et sans parler de la confusion et du nationalisme des gilets jaunes.. Les thèmes de l’extrême droite structurent tout le débat public. Les groupes antifascistes peinent à mobiliser. Le combat antifasciste est relégué alors qu’il a toutes les raisons d’être central. »

Fascisme : Restructuration autoritaire d’un capitalisme en crise. Cette définition nous est offerte par le triptyque brossé par Emilio Gentile dans Qu’est-ce que le fascisme ? Histoire et interprétation : « l’essence totalitaire du fascisme » est articulée autour de ses trois dimensions constitutives : l’organisation (mouvement de masse où prévalent des jeunes organisés en parti milice et fondant son identité sur le sens de la camaraderie et une volonté de destruction de la démocratie parlementaire), la culture (mythique, identitaire et excluante, anti-égalitaire et hierarchique) et les institutions (appareil policier, parti unique, symbiose entre le parti et l’État, corporatisme économique, esprit impérialiste) ». C’est une base solide pour expliciter le combat antifasciste.

J’ai découvert l’antifascisme et sa force théorique à nuit debout. Cette lutte m’a sorti d’un marasme subjectiviste et m’a appris ce que signifie politiquement la solidarité. l’antifascisme m’a appris à discerner les monstres qui se cache dans le clair/obscur des illusions, des espoirs déchues et de la colère. J’ai appris à regarder de face l’horreur de ce monde et sa banalité, la souffrance et la douleur qu’il a produit et tend à produire encore, et ce que le combattre implique, dans sa chair, dans son cœur, dans ses relations. Il y a bien pire que la violence, son injustice continue. Dans la situation actuel d’effondrement la lutte antifasciste est criante d’actualité et aucune révolution ne saurait se passer de son expérience. Parce que lutter contre toute obéissance, contre toute autorité et ses ravages est une nécessité : Je suis antifasciste. Ne pas l’être c’est fermé les yeux sur la trajectoire abominable du capitalisme, c’est laisser crever les autres dans le confort de l’apathie.

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LIVE 16/02/19 Projet, Anti-autoritaire, Psychologie et dominance sociale


Salut, je sais plus à combien de live je suis mais bref ici je parle de mes futurs projets, notamment des causeries, des formes de live collectif qui pourront voir le jour quand j’aurais changé d’ordinateur (surement avant l’été, j’espère), la réduction de nombre de vidéo plus formel comme à mon habitudes pour des raisons d’autres projet perso et de découverte théorique qui me prennent du temps, et aussi par envie de beaucoup plus travailler mes vidéos à l’avenir. Découverte théorique dont je vous partage quelques lignes pendant la suite du live notamment en abordant les recherches en psychologie sociales de Sherif et sa théorie du conflit réaliste, Tajfel et turner et la théorie de l’identifié sociale que l’on retrouve dans la théorie de la dominance sociales de Sidanius et pratto

Source:
Manifeste des chômeurs heureux:
https://inventin.lautre.net/livres/Le-manifeste-des-chomeurs-heureux.pdf
https://agitationautonome.com
http://sortirducapitalisme.fr/
Théorie de la dominance sociale:
http://www.prejuges-stereotypes.net/espaceDocumentaire/dambrunTDS.pdf
+Cadeau:
https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01769505/document

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CLASSE – GENRE : PLUS QU’UNE INTERSECTION


Au cours de leur vie, une femme sur sept (14,5 %) et un homme sur vingt-cinq (3,9 %) déclarent avoir vécu au moins une forme d’agression sexuelle (hors harcèlement et exhibitionnisme). Les femmes sont 6 fois plus souvent victimes de viol ou de tentative de viol que les hommes. Les violences sexuelles que subissent les femmes sont non seulement beaucoup plus fréquentes, mais elles se produisent dans tous les espaces de vie et tout au long de la vie. Pour quasiment toutes les violences sexuelles subies par les femmes, les auteurs sont des hommes (entre 94 et 98 % des cas). Dans 90% des cas, les victimes connaissent leur agresseur. Dans 37% des cas l’auteur est le conjoint, dans 17% des cas c’est quelqu’un d’autre qui vit à la maison. Dans 36% des cas c’est une personne connue de la victime, mais qui n’habite pas avec elle.

Andrea Dworkin écrivait en 1983 : « Nous utilisons les statistiques non pour essayer de quantifier les blessures, mais pour simplement convaincre le monde qu’elles existent bel et bien. Ces statistiques ne sont pas des abstractions. » Les choses ne changent pas et, en 2018, nous passons encore un temps infini, à tenter de convaincre que les violences sexuelles existent. Les statistiques ne suffisent pas, les témoignages ne suffisent pas, les analyses ne suffisent pas ; j’en viens à penser que seule la parole des violeurs pourrait convaincre que nous ne mentons pas, nous n’exagérons pas, nous n’en rajoutons pas. Je cherche encore, au vu de ce qui attend les femmes qui parlent des violences de genre qu’elles peuvent subir, quel intérêt elle aurais à le faire.

Malgré qu’on ai fait de moi un homme, qu’on m’ai appris à m’affirmer, à couper la parole, qu’on m’emploie plus volontiers, que je peux me déplacer dans la rue sans avoir peur et bien d’autres choses encore, malgré que je profite de ce statut, j’en veux la fin, je veux que cela cesse. Ce statut n’est que le reflet d’une hiérarchie sociale effroyable. Dans cette société, chaque plaisir a le goût du sang et l’amertume de la douleur. Je veux la fin de toute hiérarchie car toute cette souffrance est insoutenable, injuste et cruelle, je pleure de voir mes amies, ceux que j’aime, ou simplement des innocentes souffrir de cette hiérarchie sociale mutilante et meurtrière. Je suis anarchiste et je ne serais libre que lorsque toutes et tous nous le serons. Lire la suite

PHILOSOPHER – FREUD


Vous savez…« L’homme énergique et qui réussit, c’est celui qui parvient à transformer en réalités les fantaisies du désir. »Freud.

Sigmund Freud est né le 6 mai 1856 à Freiberg (Autriche) et meurt le 23 septembre 1939 à Londres. Il est le fondateur de la psychanalyse.

La psychanalyse — dont l’idée a évolué depuis ses débuts, en 1896, aux derniers exposés de la plume de Freud, et ses continuateurs —est une conception globale de la psyché touchant à la vision même de l’humain. Son œuvre eu une très large influence jusqu’à nos jours.

J’ai toujours apprécié la psychologie, comprendre la psyché est un projet passionnant. Mais la psychanalyse m’a toujours laissé insatisfait. Et je sais maintenant pourquoi. Ses interprétations interchangeable, son individualisme méthodologique, et l’absence de référence aux processus concret que la psychanalyse n’entend cerner qu’avec des symboles, c’est cela qui ne m’a jamais satisfait et que je veux dépasser.

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PHILOSOPHER – NIETZSCHE


« Cette vie, telle que tu la vis actuellement, telle que tu l’as vécue, il faudra que tu la revives encore une fois, et une quantité innombrable de fois ; et il n’y aura en elle rien de nouveau, au contraire ! il faut que chaque douleur et chaque joie, chaque pensée et chaque soupir, tout l’infiniment grand et l’infiniment petit de ta vie reviennent pour toi, poussière des poussières ! il te faudrait aimer la vie, pour ne plus désirer autre chose que cette suprême et éternelle confirmation ! » Nietzsche

Friedrich Wilhelm Nietzsche est un philologue, philosophe, poète, pianiste et compositeur allemand. Il naît le 15 octobre 1844 à Röcken, en Prusse, et meurt le 25 août 1900 à Weimar, en Allemagne. L’œuvre de Nietzsche est essentiellement une généalogie de la culture occidentale moderne et de l’ensemble de ses valeurs morales, politiques, philosophiques et religieuses. Peu reconnu de son vivant, son influence a été et demeure importante au-delà même de la philosophie contemporaine.

Me confronter a sa pensée m’a beaucoup apporté. Je l’ai longtemps aimé et sa poésie se retrouve dans ce que j’écris, quand je parle de danse, quand je parle de chaos, de combat. J’ai appris des citations par cœur. Mais aujourd’hui, il a pour moi l’odeur du souffre. Ses formulations me suivent et j’en vois maintenant les pires aspects. Je traque les mots qui s’y réfèrent dans mes lignes car je veux écrire la beauté du monde et de la vie, la douleur et la rage en dehors de ses mots. Nous ne parlons pas de la même chose, sa liberté n’est pas la mienne.

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Live 27/11 Confusion et Révolution


Ce soir on parle gilet jaune, confusionnisme et et révolution entendu comme abolition de toute hiérarchie et du travail

Dans la premiére demi heure je donne des élèments d’analyse des gilets jaunes pour ensuite analyser une vidéo « confusioniste » et la critiquer point par point en contraste avec une critique radical du travail et des hiérarchies

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CRITIQUE-CEPTION


CRITIQUE-CEPTION

critique de la critique de la critique

Le texte qui va servir de point de départ à notre réflexion sur les déterminations sociales de la critique est de Elsa Rambaud, « La petite critique, la grande et la révolution ». Pour une acception non normative de la critique», issu de la Revue française de science politique publié en 2017. Dans ce texte, Rambaud remet en question la définition de la critique en analysant le bien fondé de ses critères d’acception. Après avoir relativisé les critères d’émancipation et de révolution lié à la critique, l’auteure nous invite à pratiquer une étude non-normative de la critique

Nous allons, dans un premier temps, reconstitué l’argumentation de l’auteure, avant d’ouvrir à une réflexion critique sur sa posture théorique.

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DAWLA – Crise capitaliste au moyen orient


D A W L A

C R I S E   C A P I T A L I S T E   A U   M O Y E N   O R I E N T

Au Nord, un premier front, la région Kurde, les forces du PYD/YPG se sont saisies de l’opportunité historique d’obtenir une région indépendante. Un deuxième front est celui de la vaste zone allant de la Syrie à l’Irak, tenu par l’État Islamique (EI), qui aujourd’hui semble nettement s’essouffler sous les coups de la coalition internationale. De ces deux fronts, le régime  syrien s’est rapidement retiré, se concentrant sur la Syrie « utile », celle des grandes villes et des ports, où est située l’essentiel de l’activité économique du pays. Si on considère l’ensemble du tableau, on est face à ce qui se présente empiriquement comme un éclatement généralisé, une situation purement anomique. Dès lors le bombardement d’Alep et les tirs de roquettes des rebelles sur les zones tenues par le régime, revêtent la même nature « barbare » que les exactions de l’EI, avec l’idée que c’est bien toujours ce qui se passe dans ces pays-là.

Analyser les événements au moyen orient avec des éléments d’ordre macro-économique et géopolitique n’est pas suffisant: la question du « croissant chiite », celle des hydrocarbures transitant par la Syrie, les bases militaires russes et les diverses rivalités internationales jouent alors le rôle de deus ex machina du ce drame. Qu’en 2011, des milliers de personnes soient descendues dans les rues chaque vendredi pour manifester sous les balles du régime, et qu’en Palestine ou se batte avec des pierres ne s’explique plus dès lors que par le fanatisme des manifestants, guidé par l’action d’ organisations secrètes: tout le reste n’est plus qu’économie, diplomatie, rapports commerciaux entre États. Quand on n’a pas affaire carrément à une rhétorique complotiste on a bien souvent affaire à une analyse de type marxiste vulgaire, qui revient à dévoiler une série de déterminations qui prennent leur source dans ce qu’il est convenu d’appeler « l’économie ». Ce n’est pas un hasard si toutes ces analyses reviennent le plus souvent à soutenir le régime el-Assad, c’est-à-dire le statu quo : « l’économie » est une pensée de l’ordre. 

Ce qu’il nous faut tenter de saisir, c’est en quoi les conflits aux moyen orient s’inscrivent dans le moment présent de la crise mondiale du capital, comprise non seulement comme crise économique mais aussi comme crise sociale, dans les conditions particulières de ces société. Il nous faudra saisir les déterminations de cette crise, sans ramener à un seul facteur – que ce soit la religion ou le pétrole – l’explosion sociale généralisée qu’est toute guerre civile. Tentons de saisir en quoi ce moment est aussi le nôtre.

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CHRONIQUES DES MONDES PROBABLES


CHRONIQUES DES MONDES PROBABLES

 

Cette œuvre littéraire se présente comme un voyage interplanétaires, à la rencontre de formes de vie que l’imaginaire déploie sur les reliefs.
Plusieurs passages des fiches Wikipédia sur les planètes du système solaire sont directement insérés dans le récit. Ces informations servent de base et de contraintes créatrices pour imaginer des plantes, des insectes et des animaux uniques.

Télécharger le PDF (gratuit):
CHRONIQUES DES MONDES PROBABLES

Vous pouvez aussi vous procurer le livre papier au prix coutant:
https://www.blurb.fr/b/9532021-chroniques-des-mondes-probables

 

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CONTRE LA GAUCHE DU CAPITAL


CONTRE LA GAUCHE DU CAPITAL

L’idée de révolution semble s’être dissoute en l’air, de même que toute critique radicale du capitalisme. Bien sûr, on admet généralement qu’il y aurait de nombreux détails à changer dans l’ordre du monde. Mais sortir du capitalisme tout court ? Et pour le remplacer par quoi ? Qui pose cette question risque de passer soit pour un nostalgique des totalitarismes du passé, soit pour un rêveur naïf. Mais au regard de notre situation écologique et sociale il est bien nécessaire de porter une critique radicale du capitalisme, de mettre à nu son caractère destructeur, et en même temps historiquement limité.

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CLASSE / RACE : FAUX DILEMME, VRAI PROBLÈME


CLASSE / RACE : FAUX DILEMME, VRAI PROBLÈME

Pour certain le racisme n’a jamais ségrégué les personnes en « communautés distinctes », il faut « l’action d’individus » plus ou moins malintentionnés vis-à-vis de la lutte de classe, de la classe ouvrière et ses institutions pour que tels malheurs arrivent, pour que la lutte des classes soit effacé par la lutte des races.

Comme s’il n’y avait pas eu d’ « affaires du foulard », de déclarations gouvernementales lors des grèves de l’automobile au début des années 1980, de débats sur la construction de mosquées et des menus de substitution dans les cantines scolaires, de tapages médiatiques autour des perquisitions administratives et des assignations à résidence, comme si la « double peine » et l’inflation du soupçon administratif à chaque étape de la vie quotidienne n’existé pas, comme si personne n’aurait entendu parler de l’effondrement des « Twin Towers » sans les xénophobes et les xénophiles, sans qui également le massacre du Bataclan serait sans doute resté « confidentiel ».

Mais pourquoi le « bouc émissaire » est-il devenu « musulman » et n’est pas resté « arabe », « travailleur immigré » ou « immigré » tout court ? La « décomposition du mouvement ouvrier » est un facteur objectif bien général et bien antérieur à la fabrication du musulman comme marqueur racial. Les causes de la « culturalisation » de l’immigré et de sa descendance puis la confessionnalisation de cette « culturalisation » sont des processus réels de la crise et de la restructuration des années 1970 aux années 1980, le regroupement familial, les « deuxième et troisième générations » pour exemple… étudions ces processus. Lire la suite

CRITIQUE DE LA DEMOCRATIE


CRITIQUE DE LA DEMOCRATIE

Depuis une trentaine d’années en France, toute la conflictualité sociale paraît devoir s’exprimer à travers les luttes de la fonction publique, par le biais de grandes grèves orchestrées par les syndicats, dans ce qu’on appelle des mouvements sociaux. La plupart de ces mouvements ont eu pour enjeu de s’opposer à une réforme touchant le service public, ou la gestion par l’Etat de différents éléments ayant trait à la reproduction globale de la force de travail (assurance chômage, sécurité sociale, retraites, etc.) Dans ces luttes c’est affirmé un citoyenisme qui entend faire de la democratie, le moyen indépassable du changement social.

La « démocratie représentative », c’est-à-dire l’État capitaliste parlementaire, n’a plus de légitimité chez une part grandissante des gens, d’où un engouement toujours plus fort des déçu-e-s pour un mot d’ordre, celui de « démocratie directe ». Le mot d’ordre de « démocratie directe » peut être effectivement une étape vers une critique émancipatrice des hiérarchies et de l’État, et témoigne assez souvent d’une authentique volonté d’égalité réelle ( quoi que pas toujours, l’extrême-droite s’en servant de plus en plus comme cheval de Troie de diffusion de ses idées). Les « assemblées générales » (AG), sont souvent nécessaires dans une lutte, mais leurs répétition et leur mystification comme incarnation de la democratie est elle un moyen de lutte émancipateur, cette forme de democratie est elle même un horizon souhaitable ? Lire la suite

A BAS LES RESTAURANTS


 
« Y’en a marre ! Ce sera le dernier client chiant. Le dernier connard de gérant. La dernière engueulade avec un collègue. Le dernier plat puant de moules. La dernière fois que tu te brûles ou te coupes parce que tu es dans le speed. La dernière fois que tu te promets que tu donnes ta démission demain et que tu te retrouves à promettre la même chose, deux semaines plus tard. Un restaurant est un endroit misérable. »
 
« Notre lutte n’est pas contre le geste de couper des légumes, de laver la vaisselle, de verser de la bière ni même de servir de la nourriture à d’autres personnes. Elle est contre la façon dont tous ces actes se rassemblent dans un restaurant, séparés d’autres actes, pour faire partie de l’économie et faire croître le capital. Le point de départ et de fin de ce processus est une société de capitalistes et de personnes obligées de travailler pour eux. Nous voulons une fin à cela. Les luttes des travailleurs de restaurant visent ultimement à créer un monde sans restaurants et sans travailleurs. »
 

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COMBAT AVEC BOURDIEU, CA TOURNE MAL!! [CRITIQUE DE LA SOCIOLOGIE]


Pierre Bourdieu, dans l’œuvre « Questions de sociologie » s’intéresse aux processus même des sciences. Selon l’auteur ce qui circule entre les chercheurs et les non-spécialistes, ou même entre une science et les spécialistes des autres sciences, ce sont, au mieux, les résultats, mais jamais les opérations. On n’entre jamais dans les cuisines de la science. Ce sont donc ces secrets de métier, ces recettes de fabrication, ces tours de main, que Pierre Bourdieu tente de livrer dans cette œuvre. Il y développe particulièrement tout un passage sur la place de la sociologie dans la société. C’est cette extrait qui va nous intéresser. Bourdieu aborde plusieurs notion et opère des distinctions précises lui permettant d’ancrer sa position dans un débat que l’on peut qualifier d’historique : La place de la science, du savoir, dans la société. A partir de cette extrait nous ferons la critique de la sociologie avec des auteurs comme Weber, Lukacs et Marx.

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CRITIQUE DE LA LIBERTÉ D’EXPRESSION


CRITIQUE DE LA LIBERTÉ D’EXPRESSION

On entend beaucoup parler de liberté d’expression ces derniers temps. Que ce soit avec le massacre de Charlie Hebdo ou quand votre oncle raciste se plaint « qu’on peut plus rien dire de toute façon ! ». La liberté d’expression semble attaquée de toute part et à travers elle c’est notre « démocratie » capitaliste en elle-même qui semble en danger. Revenons donc sur ce concept.

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