MATIÈRE


MATIÈRE est un assemblage de textes de Bunge (1981) et Lepage (2017 ; 2019). Le texte de Bunge défend une philosophie matérialiste dans différents domaines. Il néglige cependant les domaines moraux et politique. Les extraits de Lepage comblent ces lacunes.

MATIÈRE présente ainsi une philosophie
matérialiste et anarchiste.

La plupart des philosophes, depuis Platon, ont dédaigneusement rejeté le matérialisme. Il serait prétendument stupide et incapable de rendre compte de la vie, de l’esprit et de ses créations. [La philosophie matérialiste explique le monde par sa matière et récuse tout argument d’autorité. Elle s’oppose aux visions magiques et religieuses du monde.] Le premier matérialisme grec et indien centrait sa réflexion sur l’atome, un grain de matière. Démocrite, Épicure et Lucrèce sont de grands noms de ce matérialisme ancien. Au 18ᵉ siècle, Helvetius, d’Holbach et Diderot, La Mettrie et Cabanis présentèrent une grande variété de matérialisme. Tandis que La Mettrie voyait les organismes comme des machines, Diderot, soutenait que les organismes possédaient des propriétés émergentes, pour expliquer les phénomènes les plus complexes, comme l’esprit. [Au 19ᵉ siècle, ce sont Marx et Engels qui incarnent les grands noms du matérialisme. Ils déclaraient qu’ils étaient scientifiques, pourtant, ils reprenaient un grand principe idéaliste qui n’est qu’une métaphore obscure : la dialectique, thèse – antithèse – synthèse.]

Le matérialisme est changeant, car il correspond plus un champ de recherche qu’à un ensemble de croyance figées. En ce sens, le matérialisme inspire les sciences et évolue avec elles. [Nombreux sont ceux qui, pour imposer leurs autorités, refusent toute explication, aménage des asiles de l’ignorance : Dieu, la vie, l’esprit, les idées, la culture ou encore la morale. Opposons-leur un matérialisme contemporain.]

1 – La matière est-elle inerte ?

Selon Platon, la matière est le réceptacle passif de formes, d’idées : seule l’âme (ou l’esprit) se meut par elle-même. Depuis l’Antiquité, tous les matérialistes ont soutenu que le changement est essentiel à la matière. Le matérialisme a toujours été dynamiciste. La thèse de la passivité de la matière est typiquement non matérialiste.

La physique classique considère la matière comme active. Si bien que le cœur de toute théorie physique depuis Newton est un ensemble d’équations de mouvement ou de champ, selon les cas, qui décrivent, expliquent et prédisent le mouvement des particules, l’écoulement des fluides, la propagation des champs, ou d’autres sortes de changements.

Inutile de dire que cette conception dynamiciste de la matière a été adoptée par la chimie. En fait, la chimie étudie non seulement la composition et la structure des composés chimiques, mais également les processus de formation et de transformation (en particulier la dissociation) de tels composés. Tant et si bien que les réactions chimiques constituent le véritable cœur de la chimie. De plus, c’est bien connu, alors que la physique classique a ignoré les transformations qualitatives, la chimie en a fait sa spécialité. On peut en dire autant de la biologie depuis Darwin et des sciences sociales depuis Marx.

La science contemporaine n’a fait que souligner le dynamisme de la matière. Pensez aux atomes, aux molécules, aux cristaux, aux fluides, aux cellules, aux organismes multicellulaires, aux systèmes sociaux, aux sociétés entières, et aux artefacts : pensez aux merveilleuses variétés de leurs propriétés, en particulier leur propriété d’être soumis au changement ou d’en être la cause.

En somme, la science rejette la thèse que la matière est inerte, et soutien au contraire la généralisation philosophique selon laquelle toute matière est continuellement sujette à un processus de changement ou à un autre.

2 – La matière est-elle dématérialisée ?

La physique moderne aurait dématérialisé la matière. La physique aurait montré que la matière était un ensemble d’équations et de lois, donc une entité immatérielle. Cette thèse repose sur une sémantique erronée, selon laquelle une théorie scientifique coïncide avec son formalisme mathématique. Tout physicien sait que cela est faux. Une série de formules mathématiques doit se voir attribuer un ensemble de « règles de correspondance », afin d’acquérir un contenu physique, c’est-à-dire afin de décrire une entité physique. Une théorie est un formalisme mathématique associé à une interprétation physique. Et la théorie, loin d’être identique à sa référence (une entité physique), la représente ou la décrit (avec précision ou approximativement).

Une autre version de la thèse de la dématérialisation est basée sur l’interprétation de la théorie quantique. Chaque événement quantique serait en dernière analyse le résultat de décisions arbitraires de la part d’un sujet humain. La ligne de séparation entre les composantes matérielle et mentale pourrait être tracée arbitrairement par l’expérimentateur lui-même, de telle sorte qu’il n’y a pas de matière existant de manière objective ou absolue. Un point faible de cette interprétation est qu’aucune formule de la théorie ne contient de variables décrivant une quelconque propriété des sujets humains, en particulier des propriétés psychologiques. Un autre point faible est que beaucoup d’expériences peuvent être automatisées au point que leurs résultats peuvent être imprimés et lus par l’expérimentateur une fois qu’elles sont achevées, ce qui est un moyen de garantir la non-intervention du sujet dans le processus. Aussi, la théorie quantique ne soutient pas du tout la thèse selon laquelle la matière a été spiritualisée.

3 – La vie est-elle immatérielle ?

Le vitalisme, soutient que la vie est une entité immatérielle qui anime les organismes. Selon le matérialisme, en revanche, la vie est une propriété de certains objets matériels. Le matérialisme mécaniste refuse d’admettre qu’il y ait une quelconque différence qualitative entre les organismes et les objets non vivants : il affirme que la différence est simplement une différence de complexité. Cette sorte de matérialisme est une proie facile pour le vitalisme, parce qu’une usine moderne n’est pas moins complexe qu’une cellule, et il est clair que la biologie étudie un certain nombre de propriétés et de processus inconnus de la physique et de la chimie. Le matérialisme mécaniste n’est donc pas une réponse satisfaisante au vitalisme.

Une conception matérialiste de la vie doit reconnaître le fait que les systèmes possèdent des propriétés absentes de leurs composants. En particulier les biosystèmes sont capables de maintenir un milieu intérieur assez constant, les activités de leurs différentes parties sont coordonnées, ils peuvent s’autoréparer dans une certaine mesure, ils peuvent se reproduire, coopérer, entrer en compétition et évoluer. Le matérialisme n’a pas de difficulté à reconnaître les spécificités des biosystèmes. Mais le matérialisme encourage la recherche d’une explication en termes de propriétés et de processus physiques et chimiques.

La biologie contemporaine n’est pas vitaliste même si effectivement beaucoup de biologistes emploient parfois une phraséologie vitaliste. En 20 ans jamais un modèle mathématique de biosystèmes – encore moins un modèle empiriquement confirmé – n’a incorporé l’hypothèse selon laquelle la vie est un principe immatériel ou encore un processus orienté vers une fin. La biologie devient de plus en plus matérialiste dans sa démarche. Elle étudie les systèmes vivants et leurs composantes non vivantes à l’aide de la physique et de la chimie – ce qui ne signifie pas que la biologie ait été réduite à ces autres sciences.

4 – L’esprit est-il immatériel ?

Le dualisme psychophysique, ou la thèse selon laquelle il y a des esprits en plus des corps, est probablement la plus ancienne philosophie de l’esprit. Elle fait partie intégrante de la plupart des religions et a été introduite en philosophie par Platon. Des écoles de pensée entières l’ont endossé, par exemple la psychanalyse qui nous parle d’entités immatérielles habitant le corps, et les anthropologues et les historiens qui nous parlent d’une superstructure idéelle chevauchant l’infrastructure matérielle.

Le défaut conceptuel le plus criant du dualisme psychophysique, c’est son imprécision : il n’énonce pas clairement ce qu’est l’esprit parce qu’il n’offre ni une théorie ni une définition de l’esprit. Tout ce que nous donne le dualisme, ce sont des exemples d’états mentaux ou d’événements mentaux : il ne nous dit pas ce qui se trouve dans ces états ni ce qui subit ces changements — excepté bien sûr l’esprit lui-même, de telle sorte que le dualisme est circulaire. Mais la pensée n’est pas un produit du cerveau, c’est le cerveau qui pense. Un autre défaut grave du dualisme, c’est qu’il est compatible avec le créationnisme mais pas avec l’évolutionnisme : en fait si l’esprit est immatériel, alors il est au-dessus des vicissitudes de la matière vivante, c’est-à-dire de la mutation et de la sélection naturelle. En revanche, selon le matérialisme, l’esprit évolue en même temps que le cerveau.

Mais le pire aspect du dualisme est qu’il bloque la recherche, parce qu’il est une réponse toute faite à tous les problèmes et qu’il refuse de regarder dans le cerveau pour découvrir l’esprit.

5 – La culture est-elle immatérielle ?

Les philosophies idéalistes de la culture nous ont accoutumés à penser à la culture et aux objets culturels comme étant immatériels. Cette conception ouvre un abîme entre l’homme et les autres animaux, de même qu’entre les sciences de la culture et toutes les autres. De plus, elle ne permet guère de comprendre pourquoi la culture d’une société dépend de l’économie et de la politique, et coévolue avec elles.

Les matérialismes historiques et culturels développés par certain·es sont en partie dualistes. Ils peinent à expliquer les interactions réelles entre la culture d’une société et les autres sous-systèmes de cette dernière. Dans une perspective matérialiste il ne peut exister aucune entité immatérielle (ou idéelle) chevauchant une entité matérielle. Par ailleurs, le fait que la thèse de la primauté absolue de l’économie sur le reste soit inadéquate semble évident si l’on songe qu’un changement social peut être initié ou bien dans l’économie, ou bien dans la culture, ou bien dans le régime politique. Certains changements culturels — comme l’introduction de l’alphabétisation, du calcul, ou de la science par exemple — ont des effets économiques et politiques importants.

Une activité culturelle est une activité cérébrale d’une certaine sorte, qui influence la manière dont les autres personnes pensent, ressentent, ou agissent. Le « produit » d’une telle activité est appelé un « objet culturel », que ce soit un poème ou un théorème, une recette de cuisine, un projet ou un dessin d’architecte, une sonate ou la description d’un animal, ou tout ce que vous voudrez. Aussi longtemps qu’un tel « produit », demeure à l’intérieur du crâne de son créateur, c’est seulement un processus cérébral : il doit devenir communicable à d’autres pour être considéré comme objet culturel.

Il est commode de penser, si l’on veut, que la musique et la poésie, les mathématiques et la philosophie, la biologie et la théologie, sont des objets idéaux (ou abstrait) – à condition que l’on soit conscient du fait qu’ils n’existeraient pas en l’absence de leurs créateurs et utilisateurs. Même la bibliothèque, le musée ou le laboratoire le plus complet du monde cesseraient d’être un objet culturel après un holocauste nucléaire, parce qu’il n’y aurait plus personne pour en comprendre le contenu.

Cette vision matérialiste de la culture comme système matériel ne déprécie pas la culture, elle ne fait que la démythifier. En revanche la conception selon laquelle les livres, les disques, les peintures et autres objets semblables sont intrinsèquement valables, c’est-à-dire ont une existence et une valeur propres, même en l’absence des personnes capables de les utiliser, est une vue matérialiste grossière.

En conclusion, la culture n’est pas immatérielle. Si on la voit comme un processus (de création ou de diffusion), la culture est tout aussi matérielle que le mouvement ou la transformation chimique, car elle a lieu en nous et entre nous, et que nous sommes des systèmes matériels. Dans tous les cas la culture n’est pas moins matérielle que l’économie ou la politique.

6 – La morale est-elle immatérielle ?

Les partisan·es de la loi adhèrent à un courant de pensée très influent voulant que la moralité soit une victoire culturelle récente sur les processus évolutifs, un vernis fragile apposé sur des passions humaines antisociales, amorales et destructrices (Ghiselin, 1974 ; Huxley, 1894 ; Wright, 1994). L’une des expressions de ce courant est la théorie du contrat social (Hobbes, 1651). Désigné comme fondamentalement malveillant et égoïste, l’humain devrait se voir imposer par le haut et par la force un cadre moral contraignant : la loi des institutions. Cependant, l’état actuel des connaissances permet d’affirmer que la moralité est un trait évolutif partagé par les primates (et d’autres animaux sociaux ; de Waal, 2003 ; de Waal & Preston, 2017 ; Høgh-Olesen, 2010 ; Preston & de Waal, 2002). Cette affirmation était déjà présente dans les écrits de l’évolutionniste russe et théoricien anarchiste Pierre Kropotkine (1889, 1902).

Selon des auteurs comme de Waal (1996, 2003, 2008), la pression sélective a conduit au développement des émotions sociales (émotions induites dans un contexte d’interaction avec un ou plusieurs individus) dans le contexte des soins parentaux, et ce bien avant l’apparition de l’espèce humaine. Savoir protéger et prendre soin de la progéniture représente un défi adaptatif majeur pour la survie d’une espèce, et ce défi est exacerbé chez l’humain dont le nouveau-né est particulièrement vulnérable et dépendant. Dans ce contexte, la capacité à faire l’expérience et comprendre les états émotionnels et corporels du nourrisson représente un avantage adaptatif évident en permettant de réagir de manière rapide et adapté aux signaux de détresse. Du fait de sa valeur adaptative, cette capacité générale d’empathie se serait ensuite élargie à l’ensemble des interactions entre individus, constituant une base émotionnelle pour le développement de la morale. Si la moralité constitue une addition tardive au comportement humain, elle devrait être supportée par les aires corticales les plus récentes. Or, les travaux réalisés en neurosciences de la morale montrent que le jugement moral mobilise des processus émotionnels automatiques sous-tendus par des structures cérébrales anciennes du point de vue évolutif (e.g., Decety & Svetlova, 2012 ; Moll et al., 2005 ; Preston & de Waal, 2002).

La loi n’entretient aucun rapport avec notre capacité à interagir de manière prosociale, à vivre en groupe, à coopérer et se coordonner au sein des groupes. Un large ensemble d’études empiriques démontrent que la loi est un outil visant à protéger et étendre les intérêts des groupes dominants, ainsi qu’à renforcer et maintenir la subordination des groupes les plus fragilisés. Les rôles sociaux comme la police peuvent d’ailleurs être considérés comme un aspect des relations intergroupes visant à protéger la hiérarchie par l’exercice de la terreur (harcèlement, intimidation, violence contre les groupes dominés). Si les partisan·es de la loi tiennent à ce point à leurs théories naïves (théorie du contrat social, théorie du vernis, modèle du consensus), c’est parce que celles-ci peuvent être considérées comme des « mythes accentuant la hiérarchie » : des ensembles de valeurs, croyances, stéréotypes dont la fonction est de fournir une justification morale à la discrimination, et ainsi de réguler les tensions entre groupes dominés et groupes dominants (Sidanius & Pratto, 1999).

7 – Conclusions

Le concept de matière a changé au cours des siècles. Il n’y a pas de raison de supposer que le concept actuel de matière soit ultime : après tout, la matière, c’est ce que la science étudie, et tant qu’il y a une recherche scientifique, elle est susceptible de produire de nouveaux concepts et de nouvelles théories.

Loin de s’écarter du matérialisme, la science devient de plus en plus explicitement matérialiste. Elle le fait non seulement en évitant les entités immatérielles (forces vitales, fantômes, pensées désincarnée, forces historiques supramatérielles, etc) mais aussi, et même principalement, en étudiant des entités matérielles. La science étudie les choses physiques, les systèmes chimiques, biologiques et sociaux. [Elle s’oppose à toute affirmation arbitraire, à tous mythes entravant notre compréhension de la matière, et notamment ceux légitimant la hiérarchie sociale.]

Phrases entre crochets :
Guillaume Deloison

Introduction, parti 1 à 5 et conclusion :
Bunge, M. (1981). Le Matérialisme Scientifique.
Éditions Sylepse.

Partie 6, 1e et 3e paragraphe :
Lepage, J. (2019). Les lois de la loi [Manuscrit en préparation].

Partie 6, 2e paragraphe :
Lepage, J. (2017). Rôle des mécanismes d’autorégulation dans la soumission à l’autorité. Université Grenoble Alpes. NT : 2017GREAH027. tel-01769505 URL : https://tel.archives-ouvertes.fr/tel-01769505/document

Références :

Decety, J., & Svetlova, M. (2012). Putting together phylogenetic and ontogenetic perspectives on empathy. Developmental Cognitive Neuroscience, 2(1), 1-24. doi : 10.1016/j.dcn.2011.05.003

de Waal, F. B. M. (1996). Good Natured : The Origins of Right and Wrong in Humans and Other Animals. Cambridge, MA : Harvard University Press.

de Waal, F. B. M. (2003). Morality and the Social Instincts: Continuity with the Other Primates. In G. B. Peterson (Ed.), The Tanner Lectures on Human Values (Vol. 25, pp. 1-40). Salt Lake City, UT: University of Utah Press.Retrieved from http://tannerlectures.utah.edu/_documents/a-to-z/d/deWaal_2005.pdf

de Waal, F. B. M. (2008). Putting the altruism back into altruism : the evolution of empathy. Annual Review of Psychology, 59, 279-300. doi : 10.1146/annurev.psych.59.103006.093625

de Waal, F. B. M. & Preston, S. D (2017). Mammalian empathy : behavioural manifestations and neural basis. Nature Reviews Neuroscience, 18, 498-509.

Ghiselin, M. (1974). The Economy of Nature and the Evolution of Sex. Berkeley : University of California Press.

Hobbes, T. (1991 [1651]). Leviathan. Cambridge : Cambridge University Press.

Høgh-Olesen, H. (2010). Homo sapiens – Homo socious : A comparative analysis of human mind and kind. In H. Høgh-Olesen (Ed.), Human morality and sociality: Evolutionary and comparative perspectives (pp. 235-271). Basingstoke: Palgrave Macmillan.

Huxley, T. H. (1989 [1894]). Evolution and Ethics. Princeton: Princeton University Press.

Kropotkine, P. (2004 [1889]). La morale anarchiste. Paris : Editions Mille et une nuits.

Kropotkine, P. (2009 [1902]). L’entraide, un facteur de l’évolution. Paris : Editions du Sextant.

Moll, J., Zahn, R., de Oliveira-Souza, R., Krueger, F., & Grafman, J. (2005). The neural basis of human moral cognition. Nature Reviews Neuroscience, 6(10), 799-809. doi : 10.1038/nrn1768

Preston S. D., & de Waal F. B. M. (2002). Empathy : its ultimate and proximate bases. Behavioral and Brain Sciences, 25(1), 1-72. doi : 10.1017/S0140525X02000018

Wright, R. (1994). The Moral Animal : The New Science of Evolutionary Psychology. New York : Pantheon.

Sidanius, J., & Pratto, F. (1999). Social Dominance : An Intergroup Theory of Social Hierarchy and Oppression. Cambridge : Cambridge University Press. doi : 10.1017/CBO9781139175043


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PHILOSOPHER – PARMÉNIDE


« Ne reste plus que le seul exposé de la voie : ce qui « est » existe » .

Parménide. Fragment

Dans cette citation, Parménide expose sa méthode pour élaborer des connaissances : pour parler des choses, il faudrait s’assurer qu’elles existent réellement. Parménide ira même plus loin en déclarant que tout ce qui change n’existerait pas réellement. Cette approche est évidemment abusive, mais Parménide mettait tout de même en avant quelque chose de pertinent : la possibilité et l’importance de connaître réellement le monde. C’était l’un des premiers à faire un pas sincère vers la connaissance. Alors, malgré ses écueils, Parménide a-t-il finalement ouvert la voie de la connaissance ?

Parménide d’Élée est un philosophe grec née à la fin du 6e siècle avant notre ère dans le sud de l’Italie. Il meurt au milieu du −5e siècle. Issu d’une famille riche et puissante, il est possible qu’il ait été législateur dans sa ville natale. Parménide est célèbre pour son traité intitulé De la Nature (« Parménide », 2018). Dans ce traité, qui prend la forme d’un mythe allégorique, Parménide expose la voie qui mène à la déesse de la vérité (Sachot, 2016). Parménide s’est inspiré de la philosophie de la nature développée au sein de l’école de Milet. Selon Théophraste, élève d’Aristote et botaniste, Parménide est le premier à nommer l’« Univers » comme un tout uni. Il est l’un des premiers à affirmer que la Terre est sphérique et située au centre de l’univers. Par ailleurs, il s’est également inspiré des théories arithmétiques de Pythagore. Il a ainsi introduit la logique dans la pensée grecque. Parménide est un des philosophes les plus considérables dans l’histoire de la philosophie. Platon a même consacré une œuvre qui porte son nom (« Parménide », 2018).

Comme nous l’avons dit, Parménide était l’un des premiers à étudier la nature comme un tout unique. Cependant, il ne vérifiait pas empiriquement ses hypothèses. Elles n’étaient donc que des vues de l’esprit, de simples idées qu’il plaquait sur le monde. Sa méthode s’appuyait en effet essentiellement sur la logique. Il considérait que le monde était aussi immuable qu’une vérité logique. L’accent excessif qu’il donnait à la raison peut conduire à une interprétation idéaliste de son œuvre. En effet, son œuvre est très malléable aux interprétations. Ce problème est renforcé par son recours aux divinités grecques conventionnelles pour exposer sa philosophie. Parménide préférait le registre mythique aux exemples sociaux ou politiques comme si une œuvre de raison devait taire ces sujets. Bien qu’il écrivit principalement sur la connaissance, éviter toute considération morale était une erreur. D’autant plus que sa vision fixiste du monde peut aisément soutenir des attitudes politiques conservatrices : si le monde est fixe, nous ne pourrions changer la société. Ce mythe légitime alors un état de fait inégalitaire. Brisons-le.

UNE MÉTAPHYSIQUE IMMOBILE

Au début du 5e siècle avant notre ère, après avoir été occupé par une révolte en Égypte, l’Empire perse a organisé une grande expédition contre la Grèce. Certaines cités se sont soumises, mais d’autres ont formé une alliance sous l’hégémonie de Sparte. Cela a marqué le début des guerres médiques, marqué par la bataille de Marathon et celle des Thermopyles. Les guerres médiques se sont terminées par la défaite de l’Empire perse lors de la bataille navale de Salamine. Athènes a ensuite enrôlé dans la Ligue de Délos toutes les îles grecques précédemment sous domination perse. Ainsi Athènes a établi son hégémonie militaire et commerciale sur la mer Égée. Au milieu du 5e siècle avant notre ère, la ligue de Délos était devenue de fait un empire athénien (« Histoire de la Grèce antique », 2019). Durant cette période, de nombreux philosophes sont apparus progressivement. Certains penseurs comme Parménide, Empédocle ou encore Leucippe, inauguraient de nouvelles manières d’envisager le monde. Comme Parménide, ces philosophes faisaient bien souvent partie de la classe sociale dominante qui reposait de plus en plus sur l’esclavage et le commerce (Charbonnat, 2007 ; « Grèce antique », 2019).

L’interprétation du texte de Parménide n’est pas évidente, elle donne toujours lieu à des divergences inconciliables entre les commentateur·ices (Sachot, 2016). À l’époque, la réflexion philosophique portait avant tout sur la nature. Pourtant, l’interprétation privilégiée de la pensée de Parménide est souvent une interprétation néoplatonicienne qui s’intéresse d’abord à la raison. Le néoplatonisme s’inspire de Platon et met l’accent sur les aspects mystiques et religieux. Ce courant présente Parménide comme le « Père de la métaphysique » – du grec méta-physika : « au-delà-de-la-nature » (Charles, 2001). La métaphysique sera centrale pour la scolastique, un courant philosophique issu des universités du Moyen Âge étudiant les textes sacrés et les philosophes grecs. Aujourd’hui, le domaine de réflexion de la métaphysique est désigné, dans un lexique plus scientifique, d’« ontologique » – de onto-logos : « le-discours-sur-l’être » (« Métaphysique », 2019). Toute l’œuvre de Parménide portait justement sur sa notion d’« être » : « « Est » m’est le point commun d’où je pars » – Parménide. Ce terme désigne tout ce qui existe, le tout. À travers un mythe allégorique, il exposait alors ses conceptions et ses voies d’explication de l’être, de ce qui est. Parménide s’accordait avec Xénophane et sa conception d’un tout divin et matériel. Cela met à mal l’interprétation des néoplatoniciens dans laquelle Parménide ne s’intéresse pas d’abord aux choses de la nature. En effet selon le philosophe Jamblique : « Quand on cite des philosophes de la nature, on nomme en premier lieu Empédocle et Parménide d’Élée. » Quant à Platon, dans son œuvre le Parménide, il opposait à Parménide et son disciple Zénon qu’il ne fallait pas penser uniquement aux choses visibles mais aussi aux choses de la raison, aux formes. Cela tend à montrer que le sens de « choses visibles » a içi le sens de chose matérielle. L’interprétation néoplatonicienne ne semble donc pas être la bonne.

Aborder Parménide à travers ses différences avec Platon permet bien de comprendre sa pensée. Selon Platon, le monde serait une représentation d’une réalité supérieure alors que pour Parménide il serait une réalité qui se suffirait à elle-même (Charles, 2001). Pour Platon, les idées seraient séparées du monde, il était dualiste alors que pour Parménide le monde serait un, son ontologie était moniste, du grec monos « unique ». Le monisme de Parménide évitait ainsi de nombreux écueil tournant autour de l’interaction possible entre deux entités séparé ontologiquement. Parménide tentait par ailleurs d’expliquer les choses, comme la vieillesse par exemple, par des processus naturels : l’âme étant faite de feu, la vieillesse serait une diminution progressive de sa chaleur. Et contre la vieillesse il insistait alors sur l’importance de la nourriture. Il tentait aussi d’expliquer la procréation humaine de manière similaire. Pour Parménide, la génération sexuelle dépendait du père et « Lorsque la semence provient du testicule droit, les fils ressemblent à leur père, et du testicule gauche, à leur mère » (Charles, 2001). Cela est évidemment ridicule et la primauté donné au père dénote d’un biais sexiste. Même si présenter des processus naturels pouvaient être intéressants, sans vérification empirique de ses hypothèses, ces dernières n’étaient au finale que des vues de l’esprit, de simple idée qu’il plaquait sur le monde.

Abordons maintenant une idée centrale pour Parménide : le monde n’aurait pas de dieu créateur et serait éternel. Il affirme que « [L’être est] sans commencement ni fin… » et qu’il serait nécessaire, car il ne pourrait pas ne pas être. Il considérait que tout était lié et que les différents changements ne feraient qu’un : « [L’être] est immobile dans les liens de chaînes puissantes[…] » – Parménide. Pour lui, l’être, le tout, serait immobile, toujours identique à lui-même, et le changement ne serait qu’apparent. Pour illustrer cette idée, son élève Zénon formulait le paradoxe suivant : une flèche en vol semble en mouvement et pourtant, à chaque instant, la flèche se trouve à une position fixe. Parménide soutenait ainsi que le temps serait une succession d’instants immobiles et que le mouvement serait une illusion. Bien que sa conception moniste soit pertinente, sa vision fixiste de la réalité ne correspond pas à la myriade de mouvement que nous donne à voir la matière. Sa conception de la réalité est mutilé et simpliste. Parménide niait le changement parce qu’il n’arrivait pas à penser le mouvement. Comme Zénon il n’avait pas de conception formelle de la vitesse par exemple (Bunge, 2016) et pensait donc le monde de manière fixiste. Il ne voyait que ce qu’il voulait bien voir et pouvait concevoir logiquement. Il imposait arbitrairement son idée de la réalité en niant tout changement et tout mouvement.

Parménide accorde donc une grande importance à la logique. Ainsi, il faudrait comprendre les choses dans leurs totalités, dans leur logique d’ensemble. Par exemple, « Lumière » et « Nuit » ne seraient pas contradictoires, elles seraient une. « Lumière » et « Nuit » seraient des propriétés de l’existant. Cela comme l’amour, la justice, le droit, la nécessité, qui feraient partie de la nature. Ces choses ne seraient pas des divinités individuelles, existant dans un monde a part, même si les métaphores qu’il utilise peuvent le laisser penser. Il s’interrogeait ainsi sur la logique qui présiderait aux transformations constantes du monde. Dans cette logique, il postulait que des « forces » y seraient à l’œuvre. L’Amour serait « le tout premier de tous les dieux ». Il présiderait à la rencontre productrice de deux forces opposées, la « force » mâle et la « force » femelle. Il utilisait d’ailleurs la procréation comme métaphore du processus universel – naître, croître et disparaître – qu’il appliquait à tous les corps, terrestres comme cosmiques (Sachot, 2016).

Malheureusement, les « forces » dont il parlait sont plus de l’ordre du symbolique que de l’explication matérialiste. Mâle et femelle ne sont en réalité pas des « forces » opposées, mais la résultante d’un processus de sexuation complexe impliquant entre autres les gènes, les hormones mais aussi l’environnement (Brandner, 2013). La sexuation est un gradient plutôt que 2 cases, d’ailleurs 1,7 % environ des naissances humaines sont intersexes : c’est-à-dire que ces personnes n’entrent pas dans la classification établie par les normes médicales des corps dits masculins et féminins (« Droits de l’homme et personnes intersexes », 2015). En effet il est très difficile de trouver un caractère physique pertinent pour définir le sexe d’une personne. La morphologie, la forme des organes reproducteur, les gènes XX ou XY ou encore SRY ne se sont pas avérés satisfaisant. Aujourd’hui d’un point de vue biologique les mâles et les femelles sont définis par la production de grosse et de petites gamètes. Chez certaines espèces d’insectes, l’anatomie des organes est même inversée : les producteurs d’ovules ont des pénis et les producteurs de sperme des vagins, ce qui inverse aussi le schéma corporel – mâle sur femelle – dans l’acte copulatoire. Cette catégorisation des individus est d’ailleurs abandonné, à raison, au profit d’une catégorisation des seuls organes pour bon nombre de plante qui ont des organes sexuels mâle et femelle. Sans oublier que la reproduction sexuée ne concerne qu’une faible proportion des êtres vivants (Touraille, 2016). Nous sommes donc bien loin de « force » qui organiserait le monde. Cette métaphore de la « force » peu effectivement avoir pour intérêt de mettre à distance les arguments ayant recourt au divin, mais elle n’est pas suffisante pour cerner les processus matériels à l’œuvre au cours de l’évolution (Barberousse & Samadi, 2011).

UNE LOGIQUE MUTILANTE

Selon Parménide, une chose existe ou bien n’existe pas du tout. Aucune alternative n’est possible, une chose ne peut pas à la fois exister et ne pas exister. « L’être est, et le non-être n’est pas » – Parménide. Utiliser le « non-être », quelque chose qui n’existe pas, pour expliquer « l’être » serait une erreur fondamentale selon Parménide. Un discours explicatif, quel qu’il soit, devrait faire référence a quelque chose d’existant pour expliquer l’être. Ou plutôt, comme nous l’avons déjà dit, l’être devrait s’expliquer par lui-même (Hoffman, 2005). Parménide soulignait également l’importance de ne pas se laisser tromper par les mots. « L’intelligence ne scindera pas l’être de façon qu’il ne s’attache plus à l’être » – Parménide. Il reconnaissait évidemment que les mots étaient nécessaires pour communiquer et comprendre les choses « Sur chacune [des choses] les hommes ont apposé un nom comme signe distinctif. » – Parménide. Cependant, il prônait l’utilisation de mots qui reflétaient la réalité de manière logique. Il faudrait entendre les mots comme un ensemble, comme « logos » – logique. Il considérait les discours multipliant les références aux sens et aux apparences comme des erreurs manquant de logique. Ces discours perdraient de vue l’unité de l’être. Il désignait ces discours doxa, « opinions ». Ainsi, dans sa manière de concevoir la production des connaissances, en plus de la simple observation, Parménide faisait primer la logique. Le critère de la vérité serait qu’un discours soit logique (« Parménide », 2018). Selon lui, vérité et réalité seraient toute deux non-contradictoire. La réalité serait logique et une pensée vraie, non-contradictoire, serait alors réelle (Sachot, 2016). Autrement dit, soit une pensée serait logique et elle référerait à quelque chose qui existerait, ou elle serait illogique et elle ne référerait à rien.

Bien que Parménide ne fonde pas l’idéalisme, sa méthode basée uniquement sur la logique et l’observation tendait effectivement vers une vision idéaliste de la réalité. Dans sa vision, les idées et leur logique peuvent être prisent pour la réalité elle-même. En somme, il tirait des conclusions métaphysiques abusives à partir de la logique et du langage (Russell, 1945). Certes la non-contradiction logique est importante, et Aristote en formulera bien mieux le principe quelques années après. Mais sans expérimentation, sans vérification empirique, ce sont les propres idées de l’observateur qui s’imposent. Comme l’écrivait Claude Bernard, fondateur de la médecine expérimentale : « on peut raisonner logiquement et sans expérimenter, et arriver, de conséquence en conséquence, à construire un système qui est logique, mais qui n’a aucune réalité scientifique » (Sagaut, 2008-2009). Parménide considérait naïvement que la connaissance logique « reflétait » simplement la réalité. L’adjectif « naïf » n’a pas ici un sens péjoratif, cela signifie que Parménide n’était pas critique. Il croyait que les vérités logiques étaient complètes et définitives. Il négligeait les efforts pour corriger et perfectionner les théories (Bunge, 1993 ; Bunge, 1996), et il se dispensait de vérifier la validité de ses idées en ne les confrontant pas méthodiquement au réel. La science s’élabore progressivement, elle change et tend vers la vérité. Une bonne illustration du fonctionnement des sciences nous est donné par Otto Neurath (1882-1945) philosophe, sociologue, économiste autrichien et membre du Cercle de Vienne. Neurath utilisait la métaphore du bateau de Thésée remplaçant continuellement ses planches mais continuant d’avancer (Silberstein, 2013). De même que le monde n’est pas immobile, pas fixe, nos connaissances peuvent progresser.

Depuis le −18e siècle, les savants de Mésopotamie savaient résoudre des équations du second degré, ainsi que certaines équations du troisième et du quatrième degré. Ils connaissaient les solutions de certains problèmes, mais n’avaient pas de méthodes générales. Deux siècles plus tard, les Égyptiens connaissaient une algèbre rudimentaire (Sagaut, 2008-2009). De même en astronomie, de nombreux siècle d’observation avait posé certains fondements. Les prédictions d’éclipses de lune étaient par exemple relativement fiables (Russell, 1945). Plus tard, Pythagore (−580/−495) a fondé l’école pythagoricienne en Grande-Grèce. Cette école constituait une association religieuse, politique et philosophique qui dura neuf ou dix générations, et qui jouit d’une très grande notoriété dans l’antiquité grecque et romaine. Iels nommaient mathématique (du grec « mathemata ») leur domaine d’étude : les nombres, la théorie musicale, la géométrie, la cosmologie. Par analogie avec la longueur de la corde de la lyre et la hauteur de la note émise par elle, Pythagore déclarait que tout était soumis au nombre. Le nombre serait le principe de toute chose et toutes les choses auraient un nombre pour symbole. Il représentait d’ailleurs les nombres sous forme géométrique. Les pythagoricien·e·s formulaient ainsi des lois arithmétiques qui seront au cœur de leurs conceptions. Du vivant de Pythagore, iels ont exercé durant un temps le pouvoir à Crotone, mais leurs concitoyens ont fini par se révolter. Après la mort de Pythagore, l’école est dirigée par son épouse, la mathématicienne Théano (« École pythagoricienne », 2019).

L’influence d’un contexte dans lequel les mathématiques se développe fortement se fait nettement sentir chez Parménide. Comme évoqué précédemment, la symbolique du 1 et de l’unité était très présente chez lui. Elle était même centrale dans sa conception fixiste du monde. Certes les mathématiques sont indispensables. Elles permettent d’affiner les mesures, de décrire certaines choses avec précisions, etc. Mais elles sont un simple instrument logique (Pépin, 2012). Énoncer une loi sous la forme d’une relation mathématique amène à faire abstraction du contenu physique. Il ne faut alors pas oublier que les expériences qui ont permis de formuler la loi lui confèrent un domaine de validité, en dehors duquel d’autres mécanismes physiques peuvent entrer en jeu et conduire à des résultats et des lois très différentes (Sagaut, 2008-2009). C’est le problème du registre symbolique, il faut le prendre avec justesse. Il ne faut pas confondre le monde et nos symboles. Idéaliser ce registre amène à un mysticisme dans lequel les chiffres ont un pouvoir explicatif en eux même.

UNE ESTHÉTIQUE CONVENTIONNELLE

À l’antiquité, la religion grecque était basée sur des croyances et des pratiques plutôt que sur des textes sacrés ou des dogmes. Elle accordait une grande importance aux rites et peu à la dévotion personnelle. Elle est par ailleurs polythéiste : Zeus, dieu de la foudre, règne sur le Ciel, Poséidon, est le dieu des mers, des océans et des séismes et enfin Hadès, est le maître du monde des Enfers. Il existait de nombreuses autres divinités, auxquelles on accordait plus ou moins d’importance selon la situation, l’époque de l’année, le lieu… (« Grèce antique »,2019). Une bonne partie de la recherche grecque pendant l’antiquité s’était posée en récusant les croyances religieuses. C’était une condition première à la recherche. Si des êtres impossibles à connaître, les dieux, intervenaient dans le cours des événements en interrompant le processus normal des causes, aucune recherche rationnelle ne serait possible (Sachot, 2016).

Dans ce contexte culturel, Parménide a repris l’image des divinités et son esthétique mais à ses propres fins. C’est du moins ce que l’on peut comprendre à travers la pointe d’ironie dont fait preuve cette citation : « Avec cela j’interromps mon logos digne de foi […] » – Parménide. L’utilisation de l’esthétique des divinités grecs par Parménide a en effet pu être interprété par certain·e·s comme une utilisation ironique, plutôt qu’une réelle croyance en ces divinités (Sachot, 2016). Il ne critiquait cependant pas ouvertement les croyances concernant les dieux. Il évitait ainsi le conflit et écartait la menace du crime d’« impiété », dont Socrate et d’autres ont été accusés (Correia, 2016). Mais il n’est pas possible de reprendre simplement une esthétique à son compte. Toute esthétique exprime un propos particulier. Les émotions que suscite un arrangement de couleur, un rythme narratif ou tout autre procédé esthétique, correspond à un message particulier. Capter l’attention des autres et rendre certain éléments spéciaux, les mettre en avant par certains procédés esthétiques détermine une part importante du propos (Boyd, 2005). En l’occurrence, en utilisant des représentations conventionnelles de divinités grecs, Parménide renforçait l’esthétique religieuse dominante. Même s’il utilisait des représentations de divinités dans le but de symboliser des forces naturelles, faire référence à ces divinités, mettait difficilement en avant la spécificité de sa conception. De plus, cela rendait sa conception vague. Pire, cette utilisation des divinités créait même des contresens et des erreurs d’interprétations en faveur de conceptions dominantes. Ce choix esthétique était d’ailleurs peut-être révélateur du manque d’ambition subversive de ces conceptions.

Parménide aurait pourtant pu faire mieux en termes d’esthétique. Dans le but d’ouvrir la voie de la connaissance, il aurait pu développer une esthétique spécifique capable de mettre en avant les caractéristiques propres de son discours. Il aurait pu développer un imaginaire mettant en valeur la réalité avec des exemples réels et un registre descriptif. De cette manière, au 19e siècle par exemple, le développement des sciences stimula un autre imaginaire à travers le réalisme littéraire puis le naturalisme littéraire, ce dernier privilégiant pour sa part le registre explicatif. Évoquons un autre exemple plus contemporain concernant plus particulièrement le style d’écriture : aujourd’hui, la communauté scientifique partage un registre d’expression spécifique qui met en avant ses conceptions. Elle s’entend sur certaines qualités qui devraient guider la rédaction des textes scientifique : le souci d’objectivité (Leclerc, 1999), la recherche de précision (Leclerc, 1999 ; Dufau, 2006), de concision et de clarté (Dubois, 2005 ; Dufau, 2006), et ce, « à la fois dans le contenu et dans le style » (Leclerc, 1999). L’organisation et la rigueur de l’argumentation sont également des caractéristiques associées aux textes scientifiques (Bricker & Bell, 2008). Bien qu’il serait idiot de faire à Parménide des reproches trop anachroniques, il aurait tout de même pu développer un autre imaginaire qu’un imaginaire religieux.

UN DÉNIS MORAL

Parménide écrivait avant tout sur la connaissance et son œuvre nous renseigne peu sur ce qu’il est bien ou mal de faire, sur ses positions morales ou éthiques (les deux termes étant synonyme, l’un dérivant d’une racine latine et l’autre d’une racine grec). Qu’il ne fasse aucune référence à la situation sociale n’était cependant pas anodin. Il préférait le registre mythique aux exemples sociaux ou politiques comme si une œuvre de raison devait taire ces sujets. Certes il est important de distinguer une proposition qui porte sur des faits d’une proposition ayant une valeur morale. Le sexe est par exemple une simple stratégie de reproduction. Il est parfaitement fallacieux d’en invoquer la binarité ou toute autre caractéristique pour en déduire que le monde devrait être binaire et de ce fait légitimer la hiérarchie. Mais se croire au-dessus de toutes considérations morales est une erreur. Notre vision du monde a évidemment un impact sur nos comportements et attitudes. Mettre l’accent sur les aspects compétitifs du monde est par exemple caractéristique d’une orientation vers des rapports sociaux hiérarchique (Duckitt & Sibley, 2010). Ainsi, certains justifient moralement le fait de nuire, trouvent des termes pour minimiser leurs actions et leurs conséquences néfastes, déshumanisent et blâment les victimes ou encore déplacent la responsabilité des actions préjudiciables (Bandura, 1986). Aucun discours rationnel ne peut ignorer les considérations morales qu’il implique. Car face la souffrance qu’inflige la hiérarchie, la dénoncer ou à minima ne pas cultiver la complaisance est justement un devoir moral pour celui ou celle qui prend la parole. Épargner l’autorité de toute critique, c’est bien souvent la légitimer, c’est se satisfaire du statu-quo et accepter l’injustice. Taire les souffrances qu’inflige la hiérarchie n’a rien de rationnel.

Ce déni moral de l’activité scientifique que semble adopter Parménide, est, de nos jours, largement partagé. Certain·e·s pensent que la science pourrait s’exonérer de considérations morales et la conçoivent alors comme une quête absurde de connaissances au mépris des dommages collatéraux (De La Grandière, 2020). D’autres affirment que si les scientifiques peuvent et doivent faire des choix éthiques, ils ne doivent pas le faire en tant que scientifiques, mais en tant que membres de la communauté des êtres humains. Et d’autres concèdent que la science pourrait tout juste nous éclairer sur les différents scenarios à notre portée (Carpentier, 2004). Tous et toutes veillent bien à exclure toute considération éthique du registre des sciences. Certes, utiliser fallacieusement des éléments scientifiques pour justifier un positionnement moral est courant et devrait être rejeté. Mais c’est une erreur de conclure que la science est strictement séparée de l’éthique. C’est une conception idéaliste et désincarnée de l’activité scientifique qui résonne tragiquement avec la responsabilité historique qu’ont eu et qu’ont les scientifiques.

La science a de nombreuses conséquences sociales et politiques, pour cela c’est une activité qui a d’autant plus à faire à des considérations éthiques. À fortiori, la science étant une activité sociale (Manner & Bunge, 1996) la question de sa bonne ou mauvaise exécution se pose. Dans cette perspective, nous pouvons concevoir la méthode scientifique comme une éthique de la recherche. La profession médicale par exemple n’a pas seulement la responsabilité de soigner les malades et de prévenir la maladie, elle a aussi la responsabilité du progrès des connaissances dont ces tâches dépendent. Et « cette […] responsabilité ne peut être remplie que par la recherche et l’expérimentation » (Bradford Hill cité dans Fagot-Largeault, 2012). Les scientifiques ont donc une responsabilité morale particulière. Mais plus directement encore, la morale est un objet d’étude scientifique. En étudiant ses origines évolutives ou encore les processus neuronaux qu’elle implique, la science peut nous permettre de formuler une description de la morale (éthique descriptive). La science est également le meilleur moyen de définir quelles actions nous sont bénéfiques ou non (éthique normative). La science est en effet le moyen le plus fiable pour savoir quoi faire. Nous pouvons alors concevoir l’éthique comme une science (Bunge, 1961 ; Menapace, 2019). Comme tout le reste, les problématiques éthiques sont une chose matérielle que nous pouvons étudier par les moyens de la science, même si c’est avec la plus grande prudence tant l’enjeu est important.

Grâce à une conception scientifique de la morale, nous pouvons justifier des choix éthiques égalitariste par des éléments plus fiables que des préférences personnelles. Nous pouvons justifier scientifiquement l’égalitarisme par l’intérêt objectif des personnes, des groupes, de l’espèce, et même des espèces (Kropotkine, 1889). En effet, les personnes qui privilégient des rapports sociaux hiérarchique, privilégient également un rapport anthropocentrique avec leur environnement et font preuve d’un soutien particulièrement faible pour les politiques d’atténuation du changement climatique (Uenal, Sidanius & van der Linden, 2021 ; Sapolsky, 2004 ; Sidanius & Pratto, 1999, « Rapport du GIEC : Réchauffement climatique de 1,5 °C », 2019). Ainsi, parce que la hiérarchie est sévèrement néfaste pour nous et la biosphère, nous devons l’abolir si nous voulons d’un monde vivable.

UNE PHILOSOPHIE CONSERVATRICE

Nous n’avons là encore que peu de sources en ce qui concerne les idées politiques de Parménide. Pourtant les cités grecques ont traversé une profonde crise politique à cette époque. Les milieux ruraux se sont appauvris et certain·e·s de leurs habitants ont même été réduit·e·s en esclavage. Une nouvelle classe marchande aisée aux aspirations égalitaires a réclamée la fin du monopole politique des propriétaires terriens. Au −5e siècle, Athènes a alors amorcé un ensemble de réforme débouchant sur un régime politique démocratique. Dans ce régime basé sur l’esclavage, seulement une minorité d’habitants sont autorisés à participer aux assemblées citoyennes : en étaient exclues les esclaves, les femmes, les métèques (étrangers) et les non-Athéniens (« Démocratie athénienne », 2019).

Dans ce contexte politique, lorsque Parménide critique la doxa, « l’opinion », cela peut être interprété comme l’expression d’un certain mépris pour ses concitoyens. Peut-être même cela exprimait un certain rejet de la démocratie qui à l’époque représentait malgré tout un progrès. De façon cohérente avec sa négligence pour les efforts de correction et de perfectionnement des théories, Parménide opposait radicalement vérité et opinion. Cela peut être interprété comme une manière pour Parménide de se distinguer des masses et de leur ignorance. Mais utiliser la logique pour briller naïvement n’a rien à voir avec la recherche de la vérité. Cela consiste à se prétendre compétent pour jouir d’un certain pouvoir (Harris & Fiske 2006 ; Gwinn, Judd, & Park, 2013). Les opinions ne sont pourtant pas condamnées à être mauvaise. L’éducation comme l’ignorance s’institue. La recherche n’avance pas grâce au génie d’individu unique mais grâce entre autres à une méthode et une communauté (Manner & Bunge, 1996). Une critique plus pertinente de la doxa mettrait alors plutôt à jour l’importance de la méthode scientifique et des conditions sociales et politique dans lesquels la communauté scientifique produit des connaissances. Les chercheurs et chercheuses ne sont pas dans un monde à part. Les scientifiques font partie de la société (Ponce & Arellano Hernández, 2015 ; Bunge, 1993). Bien que, l’importance fondamentale de critères et de pratiques de vérification des connaissances empêche de considérer la science comme un discours équivalent à d’autres, la recherche est dépendante de conditions sociales. Par exemple, la concurrence croissante et la culture « publier ou périr » dans le monde universitaire entre en conflit avec l’objectivité et l’intégrité de la recherche. Les pressions de publication augmentent ainsi les biais scientifiques dans les environnements universitaires plus compétitifs et « productifs » (Fanelli, 2010 ; L’équipe des rédacteurs d’Academia, 2020 ; Université Ouverte, 2020).

La vision fixiste du monde que développait Parménide a évidemment des conséquences politiques. Peut-être n’était-ce pas son intention mais sa philosophie pouvait aisément soutenir des attitudes politiques conservatrices : si le monde est fixe, nous ne pourrions pas changer la société. Ce mythe légitimait alors un état de fait inégalitaire. Pourtant, que le monde soit réellement plus ou moins fixe, plus ou moins changeant ne devrait pas être un argument pour légitimer un ordre social, réel ou en projet. Certes, il est vrai que certaines choses ne changent pas, comme la vitesse de la lumière, mais il serait ridicule d’utiliser ce genre d’exemple pour légitimer de ne pas changer la société. Et à l’inverse, invoquer les changements de la nature qui se déroule sous nos yeux pour légitimer n’importe quel changement n’est pas beaucoup plus pertinent. Ce genre d’analogies ne sont pas des arguments. Parce qu’elles satisfont en partie certains besoins psychologiques, ces analogies sont d’ailleurs adoptées par tout l’éventail politique (Jost & al., 2003). Mais en ce qui nous concerne, nous voulons abolir la hiérarchie parce qu’elle est profondément mauvaise et cause nombre de souffrances systématiques (Sapolsky, 2004 ; Sidanius & Pratto, 1999), pas pour correspondre à une analogie qui nous rassure.

CONCLUSION

L’œuvre de Parménide a exercé une réelle influence, ne serait ce qu’à partir du thème de la « voie » comme métaphore de la recherche (Sachot, 2016). Parmi les philosophes précédant Socrate, c’est l’un de ceux ayant le plus contribué à disqualifier les conceptions mystiques en privilégiant les références à la nature. Il préfigure certains éléments pertinents de méthodologie, comme la non-contradiction logique, mais il donne beaucoup trop de prises à des interprétations idéalistes. Son esthétique très conventionnelle illustre assez bien le peu d’ambition qu’il avait à se distinguer d’autres philosophies malheureuse. Il ne semblait d’ailleurs pas préoccuper par les conditions sociales de ces contemporains. Peut-être était-il même prompt à légitimer ces conditions hiérarchiques. Sans plus d’indications, sa conception fixiste pouvait être utilisée pour soutenir des attitudes politiques conservatrice. En somme, son attrait pour la vérité, qu’il faut saluer, ne suffit pas à palier sa négligence et ses écueils. Soyons d’autant plus farouches face aux conceptions mystiques, car elles entravent le développement des connaissances et légitiment un état de fait inégalitaire.

Beaucoup pensent qu’il suffit de faire à côté, de négocier avec la hiérarchie pour vivre librement. C’est faux. La hiérarchie s’immisce partout. Elle contraint les corps et les raisonnements. Ignorer son emprise est du déni. Sur le chemin de la vérité, la hiérarchie se pose constamment comme obstacle. Comment continuer les recherches quand tout brûle ? Nous ne pouvons pas qu’observer la destruction des écosystèmes (Scholes et. al., 2018). Les caméras de surveillance les plus développées ne sont d’aucun recours dans ce désastre, au contraire. Les conditions de recherche ne sont pas négligeables. Libérons le savoir, sachons être libres. Opposons-nous méthodiquement à toute hiérarchie.

Guillaume Deloison – 2023

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Université Ouverte (2020). Vers une désertification scientifique et universitaire du territoire français ? https://universiteouverte.org/2020/09/30/vers-une-desertification-scientifique-et-universitaire-du-territoire-francais/

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POURQUOI PROUVER QUE DIEU N’EXISTE PAS ?


Il y a quelque temps, KaleidosPop a parlé d’athéisme militant et je voulais vous partager ma réponse.

Il reproche à certain·e·s militant·e·s athée de s’acharner à prouver que Dieu n’existe pas. Il leur est alors opposé que l’on ne peut pas prouver que quelque chose n’existe pas et que la religion serait, avant tout, un rapport intime et personnel de l’ordre du spirituel et de l’immatériel.

KaleidosPop est athée mais à vrai dire, je trouve cette position plus proche de l’agnosticisme. J’aimerais proposer un autre argumentaire, radicalement athée mais qui ne sombre pas dans les dérives d’un certain athéisme militant qui est dénoncé ici à raison.

POURQUOI PROUVER QUE DIEU N’EXISTE PAS ?

En effet, on ne peut pas prouver que quelque chose n’existe pas. Mais cela ne doit pas être un appel a l’ignorance, car le revers de ce principe est que l’on peut et doit prouver que ce dont on parle existe. C’est le principe de la charge de la preuve : la charge de la preuve revient à celui qui affirme.

En l’absence de preuve fiable et solide, il est donc plus raisonnable de présumer que Dieu n’existe pas (Mahner, 2013). Ce n’est pas à nous athée de prouver que dieu n’existe pas, mais aux religieux d’être convaincant•es, ce qu’iels ne sont pas.

Après j’ai beau considérer que les religions ont tort, je suis lucide sur le fait que ce qui se joue ici ne sont pas des considérations ontologiques, il ne s’agit pas d’avoir raison. La religion en tant que phénomène social, et donc pleinement matériel, a d’autres raisons.

Au-delà du fait que comprendre les origines de la religion chez Homo sapiens est passionnant, son existence est à comprendre au présent. La religion fournie des références culturelles commune, légitime des rapports sociaux, réponds à des besoins psychologique et bien d’autres… (Bourrat, 2011)

Afin de réduire l’influence de la religion, il me semble alors plus efficace de partager librement les connaissances et d’œuvrer à un monde égalitaire, qui ne mobilisera pas des prétendus forces supérieures pour légitimer une quelconque hiérarchie sociale.

Il me semble même que vu l’état actuel du monde, et la place que prend la religion dans les problématiques de racisme et de géopolitique, il est, au mieux, on ne peut plus niais d’argumenter contre les religions sur un registre ontologique.

Il s’agit de comprendre réellement les enjeux que recouvre la confessionnalisation des problématiques politiques sans jamais, évidemment, confondre la lutte contre les religions, et la lutte contre les religieu•ses. Et être vigilant à ne pas donner de la voix à nos ennemies.

(« Mais pourquoi le « bouc émissaire » est-il devenu « musulman » et n’est pas resté « arabe », « travailleur immigré » ou « immigré » tout court ? »
Extrait de :
Classe / Race – faux dilemme, vrais problèmes.
https://m.youtube.com/watch?v=JnfvOy6bw9g )

RÉFÉRENCES :

Bourrat, P. (2011). Chapitre 37. L’évolution de la religion d’un point de vue darwinien : synthèse des différentes théories. Dans : éd., Les mondes darwiniens (pp. 1091-1121). Paris: Éditions Matériologiques. https://doi.org/10.3917/edmat.heams.2011.02.1091 » https://www.cairn-sciences.info/les-mondes-darwiniens-volume-2–9782919694402-page-1091.htm

Mahner, M. (2013). Chapitre 1. Le rôle du naturalisme métaphysique en science. Dans : Marc Silberstein éd., Matériaux philosophiques et scientifiques pour un matérialisme contemporain. Volume 1 : Sciences, ontologie, épistémologie (pp. 29-70). Paris : Editions Matériologiques. doi : 10.3917/edmat.silber.2013.01.0029. https://www.cairn.info/materiaux-philosophiques-et-scientifiques-vol-1–9782919694518-page-29.htm

Le thread de KaleidosPop :

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PHILOSOPHER – HUME


« Tout raisonnement probable n’est rien d’autre qu’une espèce de sensation. Ce n’est pas seulement en poésie et en musique que nous devons suivre notre goût et notre sentiment, c’est également en philosophie. Lorsque je suis convaincu d’un principe, ce n’est qu’une idée qui me frappe plus fortement » – Hume, D. (1739-1740). Traité sur la nature humaine. 1. 3. 8.

David Hume naît le 7 mai 1711 et meurt le 25 août 1776. Il est issu d’une famille de la petite noblesse de la région des Borders en Écosse. Philosophe, économiste et historien, il est considéré comme un des penseurs les plus importants des Lumières écossaises (avec Adam Smith et Thomas Reid). Il est également considéré comme un des plus grands parmi les philosophes et écrivain·e·s de langue anglaise. Il fonde l’empirisme moderne (avec Locke et Berkeley). De par son scepticisme, c’est un des plus radicaux. Il s’oppose tout particulièrement à Descartes et aux philosophies considérant l’esprit humain d’un point de vue théologique ou métaphysique. Il ouvre ainsi la voie à l’application de la méthode expérimentale pour comprendre les phénomènes mentaux. Hume a une influence profonde sur Kant, sur la philosophie analytique du début du 20e siècle et sur la phénoménologie. Longtemps, il n’a cependant été retenu de sa pensée qu’un simple scepticisme destructeur (« David Hume », 2019).

Comme nous le verrons, Hume a contribué à l’essor de nouvelles connaissances ainsi qu’au développement de la méthode scientifique. Mais il est loin d’être exempt de critique. Sa philosophie n’est que peu subversive et ses failles servent les dominants. Critiquer Hume c’est s’attaquer à un courant de pensée très fécond : l’empirisme. En séparant perception et réalité, l’empirisme tend vers un certain dualisme ainsi qu’un idéalisme lorsque les perceptions et les idées qui en découle sont privilégiées sur la réalité. Ces conceptions en accord avec la culture religieuse de l’époque rejettent en effet la notion de nature ou de réalité pour se limiter à ce qu’on en perçoit, ce qui a de lourdes conséquences sur sa philosophie. Hume se contente de formaliser les régularités des phénomènes sans jamais pouvoir en expliquer les causes réelles. Ses conceptions conservatrices de l’esthétique en sont un bon exemple. Elles ne font que légitimer les normes de son époque sans réellement expliquer ce qui fait le beau. De même, son utilitarisme moral légitime avant tout le développement de l’économie en se désintéressant de la réalité douloureuse et inégalitaire. Hume légitime par exemple la colonisation de l’Écosse. Pour civiliser les Écossai·se·s en évitant le chaos social d’un conflit ouvert, il propose aux autorités britanniques de pousser les chef·fe·s de clans à privilégier les rapports économiques sur les rapports de clan. Il légitime l’État, la propriété et le système judiciaire parce que ce sont des choses très utiles pour les dominant·e·s alors que nous ferions mieux de nous en passer. Critiquons radicalement Hume et son empirisme. Contre toute vision dominatrice et mutilante, affirmons ce qu’est réellement le monde.

L’EMPIRISME CONTRE LA MATIÈRE

Au 18e siècle, un ensemble d’intellectuel·le·s que l’on appelle les Lumières veulent promouvoir les connaissances pour dépasser l’obscurantisme des institutions religieuses. Parmi les Lumières, les Écossai·se·s comme Hume sont en nombre. Iels influencent des auteur·ice·s dans toute l’Europe notamment via une série de clubs qui se développent en Écosse. Le premier apparaît à Édimbourg vers 1710. De nombreux sujets y sont discutés : politique, science, philosophie. Ces clubs contribuent ainsi fortement à la vie intellectuelle du pays (« Lumières écossaises », 2019). Newton y a une forte influence. En 1687, il décrit, après une série d’expérience, la loi universelle de la gravitation et pose ainsi les bases de la mécanique classique : les mêmes lois naturelles gouvernent le mouvement des objets terrestres et célestes. En concurrence avec les avancées de Leibniz, il crée le calcul infinitésimal. De plus, il développe en optique une théorie de la couleur basée sur l’observation d’un prisme décomposant la lumière blanche en un spectre visible. Ainsi, il convainc par le moyen d’expérience et fait la promotion de la méthode expérimentale (« Isaac Newton », 2019). Hume s’inspire grandement des travaux de Newton pour développer des sciences humaines qui, selon lui, devrait primer sur les sciences naturelles. Dans cette perspective, il veut repenser le traité de Newton sur la nature, toute en rejetant la notion même de nature (Schliesser & Demeter, 2020). Hume essaie ainsi d’introduire la méthode expérimentale dans la philosophie morale sans faire référence à une nature humaine (« David Hume », 2019).

Hume est empiriste. L’empirisme est un terme issu du latin « empiricus » : « expérience ». Il désigne une démarche qui s’intéresse à l’expérience avant tout à travers notre propre instrument de connaissance : l’esprit. Ainsi, un des concepts primordiaux de Hume est celui de perception. Hume définit deux sortes de perceptions : les impressions et les idées. Les impressions comporteraient « nos sensations, passions et émotions, telles qu’elles font leur première apparition dans l’âme ». Les idées, elles, seraient « les images affaiblies des impressions dans la pensée et le raisonnement ». Impressions et idées seraient ainsi les seules sources de nos connaissances. Leurs « associations » constitueraient l’intégralité de nos connaissances du monde empirique, moral et intellectuel. Hume renforce ainsi les thèses du philosophe anglais John Locke (1632-1704), qui réfute le concept « d’idées innées » de Descartes et affirme que toute connaissance est acquise par l’expérience. Locke compare la conscience à une table rase (« Tabula rasa »), c’est-à-dire à une page blanche sur laquelle viendrait s’imprimer les expériences (« David Hume », 2019). Un bon exemple de l’empirisme de Hume est son scepticisme religieux. Pour lui, l’origine de la religion serait à chercher dans l’Histoire et dans nos sensations. Nous représenter les anges « purement élevés » ne serait ainsi qu’une inversion de notre expérience de l’attraction terrestre (Menneteau, 2009). Un autre exemple de son scepticisme est son rejet de l’idée du « moi » en tant qu’âme ou substance. Il considère plutôt que l’identité personnelle se constitue à travers le vécu des individus. Dans cette conception où le monde est d’abord perçu à travers l’esprit, toute philosophie se rapporte donc à une Philosophie de l’Esprit (« David Hume », 2019).

Hume ne cherche pas à connaître la substance du monde. Il n’accorde que peu d’intérêt à l’ontologie, terme issu du grec ancien ontos « être » et logos « discours », qui désigne l’étude de ce qu’est le monde. Selon lui, le monde pourrait aussi bien être déterminé par des idées que par la matière. « Le début du mouvement dans la matière elle-même est a priori aussi concevable que sa communication par l’esprit et l’intelligence. » – Hume, D. (1779). Dialogues sur la religion naturelle. Hume s’intéresse seulement à la méthode d’élaboration des connaissances, c’est-à-dire à l’épistémologie, terme issu du grec ancien epistémê « connaissance » et logos « discours ». Mais si l’étude méthodique des phénomènes est fondamentale, parce qu’elle se limite à la perception, elle ne nous apprendrait rien sur le monde en soi. Hume décrit alors les choses par ce qu’il en perçoit : leurs changements. Les choses se comprendraient par ce qu’elles font, non par ce qu’elles sont. Dans cette conception, tout pourrait bien être fait de fromage (comme le dit Putnam cité par Kistler, 2013), cela n’aurait pas d’importance, car l’attention ne devrait se porter que sur les changements. Aujourd’hui, une partie des scientifiques qui étudie la cognition s’inspire de cette perspective. Ces derniers dissocient d’une part les processus physiologiques s’activant à la vision d’une couleur et d’autre part « l’effet que ça fait » de voir une couleur. Cet « effet » est séparé du corps qui le produit, et il est considéré comme profondément subjectif. Cette expérience subjective est nommée « qualia ». En adoptant cette conception de l’esprit, ces scientifiques se désintéressent des processus cérébraux ou les minorent. Cependant « l’effet que ça fait » ne peut être compris séparément des processus matériels. Le cerveau ne « produit » pas la pensée, il pense. Faire l’impasse sur les questions ontologiques conduit à considérer la perception comme quelque chose de distinct et de surajouté à la matière. Ce serait une sorte de dualisme qui obscurcit le raisonnement en produisant de nouveaux mystères comme celui de la connexion entre le corps et l’esprit (Drapeau Vieira Contim et Ludwig, 2013 ; Mahner, 2013). Nos sensations ne sont pas celles d’un esprit immatériel mais celles de nos corps bien réels. Pour cela nous pouvons connaître leurs mécanismes et ainsi nous comprendre nous-même et le monde qui nous entoure d’autant mieux.

En plaçant l’esprit au centre, la réflexion de Hume tend vers un certain idéalisme : les perceptions et donc les « idées » structureraient la réalité. C’est notamment la conception de son contemporain George Berkeley (1685 – 1753), philosophe et évêque anglican irlandais. Ce dernier est souvent classé dans les empiristes entre John Locke et David Hume. Il défend l’immatérialisme qui se résume par la formule « être, c’est être perçu ou percevoir ». Selon Berkeley, les individu·e·s ne connaîtraient que des sensations et les idées qui en dérivent. Les entités générales tel « la matière » ne serait qu’une abstraction. À la différence de Hume qui se désintéresse des questions ontologiques et n’affirme donc rien avec certitude à ce sujet, Berkeley affirme que le monde objectif n’existe pas (« George Berkeley », 2019). De ce point de vue, la réalité ne serait que le rêve de Dieu. De nos jours, cette conception est reprise dans un style plus contemporain : la réalité ne serait que le rêve de la machine au sein duquel nous vivons une existence virtuelle (Chazal, 2013). Curieusement, celleux qui adoptent cette conception ne se demande pas où se trouve le serveur informatique qui fait fonctionner cette réalité virtuelle… Nous pouvons aussi comparer l’empirisme de Berkeley à la philosophie solipsiste dans laquelle la réalité ne serait qu’une illusion de votre seul esprit. Là encore, parce que cette philosophie à une dimension ontologique, elle se distingue de celle de Hume. En revanche, elle a une certaine cohérence avec la philosophie de ce dernier à un niveau épistémologique : toute connaissance serait avant tout relative au sujet connaissant. Un certain relativisme a donc marqué la postérité de Hume. Dans sa philosophie, l’existence de la réalité est toujours incertaine et précaire.

L’EMPIRISME CONTRE LA RÉALITÉ

Son refus des questions ontologiques a de lourdes implications épistémologiques. La philosophie de Hume s’oppose à la conception réaliste selon laquelle la réalité existe indépendamment de ce que nous en percevons. Ainsi, Hume développe un certain anti-réalisme : nous pourrions comprendre le monde sans comprendre ce qu’il est réellement. Dans cette conception, Hume affirme que la causalité n’existerait pas réellement. Elle existerait seulement dans notre esprit. Elle ne serait qu’une croyance fondée sur l’habitude. Prenons l’exemple d’un corps en mouvement qui en percute un autre. Le premier ne causerait pas le mouvement du second : ce ne serait qu’une suite d’évènements ordonnés dans le temps. Ce ne serait qu’une simple corrélation à laquelle nous serions habitué·e·s (Sagaut, 2008-2009). Hume nous met ainsi en garde contre les généralisations abusives, comme le serait justement la notion de cause et de réalité selon lui. C’est d’ailleurs pour s’opposer à cette idée que Kant a réalisé son œuvre. Selon ce dernier, la causalité, et un certain nombre d’autres catégories, ne serait pas de simples idées subjectives mais plutôt des idées transcendantales, c’est-à-dire des idées au fondement de tout entendement. Plus récemment de nombreux auteurs et autrices se sont inspiré·e·s de Hume, notamment au sein du Cercle de Vienne (1929-1936), un groupement de savants et de philosophes qui visait à développer une conception scientifique du monde, et parmi elleux plus particulièrement Ernst Mach. Selon lui, la science organiserait rationnellement les relations entre nos sensations et le concept de réalité objective ne serait pas utile en science. Dans son ouvrage La mécanique (1871) il ajoute : « Il n’y a aucune cause ni aucun effet dans la nature […]. [Elles] n’existent que dans l’abstraction que nous effectuons afin de reproduire mentalement les faits » (« Empirisme logique », 2019).

Hume a raison de mettre en garde contre les généralisations abusives : aucune accumulation d’expérience ne suffit seul à produire de nouvelles connaissances. Et en effet, les scientifiques ne font pas qu’ordonner nos perceptions pour produire des connaissances : en plus de formuler des hypothèses et de vérifier leur correspondance avec la réalité, ils et elles utilisent des opérations logiques et des outils mathématiques qui ne sont pas à strictement parler de l’ordre de l’empirique. La racine carrée de 2 par exemple, ou d’autres concepts mathématiques encore plus abstrait comme les nombres imaginaires ne correspondent à aucune perception bien qu’ils soient utiles. Les empiristes minorent l’importance des raisonnements logiques dont sont capables nos cerveaux. D’ailleurs cette mise en garde contre les généralisations abusives peut aussi se retourner contre l’empirisme : si l’expérience ne peut produire seul des connaissances, alors aucun empiriste ne devrait se permettre de formuler de grand principe comme iels le font (Bunge 2008). Dans la même perspective, Hume nous met en garde quant à la possibilité de faire des prédictions à partir d’expérience passé : un ensemble d’expérience passé ne suffirait pas à justifier une prédiction. Cela ne ferait effectivement que projeter notre habitude passée sur le futur alors que quelque chose de nouveau pourrait advenir. Ainsi, même si nous n’avons observé que des cygnes blancs, peut être que le prochain sera noir. Hume a cependant tort d’abandonner toute tentative de justification. Si nous pouvons prédire que le Soleil se lèvera demain par exemple, ce n’est pas simplement car il l’a toujours fait précédemment. Nous pouvons le prédire car nous pouvons l’expliquer : une prédiction se justifie par une explication. Or, il se trouve qu’une explication entend décrire réellement le monde. Elle est plus ou moins vraie selon si elle correspond plus ou moins effectivement au processus réel (Bunge, 2012). Ainsi, le Soleil se lève parce que la rotation de la Terre détermine réellement ce cycle-là, jour après jour. Et il se lèvera demain que nous le percevions ou non. Tout comme la lune existe même si personne ne la regarde, comme le disait Einstein. La science, grâce à sa méthode, nous permet de penser les choses telles qu’elles sont réellement, même si ce n’est qu’imparfaitement et partiellement (Bunge, 2008).

Cette importance de la réalité dans l’élaboration de nos connaissances a notamment été explicitement défendue par Galilée. Son réalisme scientifique a été au centre de son tristement célèbre procès (1616). À la suite d’observation à la lunette astronomique, convaincue que le soleil était au centre de l’univers, il a développé un modèle mathématique bien meilleur que les autres pour décrire le mouvement des planètes. En réaction, l’inquisiteur de Galilée, le cardinal Bellarmin, a adopté le point de vue suivant : la tâche de l’astronome serait de rendre compte des apparences et non de découvrir comment les choses sont réellement. Afin que la nouvelle astronomie ne réfute pas les Écritures, l’Inquisition réclamait de Galilée qu’il déclare équivalentes les deux conceptions rivales au prétexte qu’elles étaient toutes deux compatibles avec les données. L’Église a mis fin à la controverse théologique, mais le réalisme scientifique a été justifié des années plus tard. La mécanique céleste newtonienne a justifié l’hypothèse héliocentrique : les planètes tournent réellement autour du Soleil car il est au moins mille fois plus massif (Bunge, 1993). Nos connaissances peuvent progresser et ne sont pas de simples généralisations, l’expression d’habitudes ou encore des vues de l’esprit si nous vérifions méthodiquement leurs correspondances avec la réalité. Il est alors intéressant de voir que la conception de Hume vient soutenir la conception religieuse du cardinal Bellarmin rejetant la notion de réalité. Même si pour l’époque le scepticisme de Hume à propos de la religion est progressiste, son anti-réalisme et son rejet du newtonisme sont réactionnaires (Bunge, 2016).

UN CLASSICISME EMPIRISTE

Une bonne illustration de l’épistémologie empiriste de Hume est sa conception esthétique. Il affirme que la beauté n’est pas dans les choses, mais dans les yeux des spectateur·ice·s. Il ne serait pas question de beauté en soi ou réelle : « Le plaisir et la douleur ne sont pas seulement les compagnons nécessaires de la beauté et de la laideur, ils en constituent l’essence même » – Hume, D. (1731). Traité de la nature humaine. II. Le beau serait une question de plaisir et de sensibilité de l’esprit humain. Néanmoins, l’art n’en resterait pas moins lié à des règles. Ces règles ne seraient pas issues d’une raison précédant toute expérience, au contraire elles seraient comprises par la répétition et le « raffinement des sens ». Le développement du goût serait une question d’éducation et de pratique répétée de l’art. Ainsi, le critique d’art devrait en formuler les règles, analyser les expériences pour y découvrir des régularités et rectifier ses propres règles pour tenir compte de tout ce qui plaît. Le bon goût esthétique consisterait donc en ce qui plaît dans tous les temps et dans tous les pays. Dans la perspective de Hume il est alors impossible de penser l’évolution des normes esthétiques sans référence à un bon goût abstrait et prétendument universelle. De manière cohérente avec sa conception de l’esthétique, Hume apprécie Virgile, Racine, Corneille, des auteurs du classicisme (Ruby, 2011). Les passions des héros et héroïnes de ce mouvement artistique sont souvent violentes et l’écriture des auteur·ice·s consiste à les rendre intelligibles. Le classicisme est caractérisé par des principes assez contraignants comme la règle des 3 unités au théâtre : unité de temps, de lieu et d’action. Ces règles doivent permettre la production d’œuvres de goût inspirées des modèles de l’art antique marqué par l’équilibre, la mesure et la vraisemblance (« Classicisme », 2020). Ainsi en érigeant le classicisme au rang de bon goût prétendument universel sa conception de l’esthétique apparaît avant tout comme un moyen de légitimer les normes artistiques des dominant·e·s.

Pour mettre l’accent sur l’expérience du beau à travers nos sens, notre plaisir et notre douleur, Hume rejette la notion de réalité et d’objectivité esthétique. Ce rejet est cohérent avec son empirisme mais c’est une erreur. Hume a raison de rejeter une conception absolue de la beauté existant indépendamment du spectateur et de la spectatrice, mais cela n’implique pas de rejeter la notion de réalité et d’objectivité (Boyd, 2005). Bien qu’une œuvre ne soit ni belle ni laide s’il n’existe personne pour en profiter, le spectacle est aussi réel que les spectateur·rice·s. Le beau existe réellement comme un rapport matériel impliquant différents objets et individu·e·s (Dutton, 2014). Nous pouvons ainsi analyser une œuvre non pas seulement à travers notre goût personnel, ou même collectif, mais aussi comme un objet avec des propriétés matérielles déterminantes, des qualités techniques, des effets physiologiques (Skov & Nadal, 2017) et des conséquences culturelles, économiques, sociales, politiques et même écologiques (Boyd, 2005 ; Sidanius & Pratto, 1999 ; Lorenz, 2021). L’art est une activité parmi d’autres qui ne se résume pas à quelques conventions de goût. Si l’effort esthétique consistait simplement à plaire à tout le monde, ou à quelques critiques hauts placé·e·s, les révoltes ne pourraient pas être belles. Et à l’inverse comment un éloge du fascisme pourrait-il être beau ? Même si cet éloge avait des qualités techniques et en l’occurrence littéraire, il n’y a rien de beau à légitimer la hiérarchie.

Dans une conception similaire à celle de Hume, certain·e·s auteur·ice·s contemporain analysent la culture en mettant l’accent sur la réception de certaines œuvres d’art et sur les interprétations qu’en font les spectateur·ice·s (Glevarec, Macé, & Maigret, 2011). Là encore une conception subjectiviste mène à se désintéresser des caractéristiques réelles des œuvres étudiées. Il ne s’agirait pas d’expliquer l’art mais de renseigner sur les interprétations que suscite l’œuvre. Dans cette conception, les méthodes des sciences naturelles ne pourraient d’ailleurs pas expliquer l’esthétique, car cette dernière serait au-delà de notre nature. Cela confine à une perspective dualiste dans laquelle les sciences sociales, comme celle étudiant l’art par exemple, sont séparées des sciences naturelles. Pourquoi Homo sapiens fait de l’art et certaine œuvre d’art en particulier reste alors un mystère. De même pour ce qui motive les personnes à rendre certains aspects du monde « spéciaux ». Si nous voulons réellement comprendre l’art, nous ferions pourtant mieux de l’analyser en tant qu’activité sociale parmi d’autres (Dissanayake, 2009).

UNE CHARITÉ INCONSÉQUENTE

Selon Hume, la source de la morale serait les passions. Si nous n’éprouvions pas du désir ou de l’aversion, nous n’agirions pas. Dans cette logique, la raison serait une passion moins turbulente, plus englobante, tempérée : « La moralité est donc plus proprement sentie que jugée. » – Hume, D. (1739-1740). Traité de la nature humaine. 3. 1. 2. La conception de la morale de Hume ne se base pas sur des règles préétablies, c’est une morale conséquentialiste : une action est morale quand ses conséquences sont bonnes. La notion d’utilité est alors fondamentale dans sa morale ainsi que dans son esthétique d’ailleurs (Brunet, 1965 ; « David Hume », 2019). Ce qui serait moral serait ce qui est utile à l’individu·e et à la société. Mais contrairement à d’autres utilitaristes comme Hobbes, il parle d’utilité sociale. Il insiste sur la « sympathie » et l’intérêt qu’on porte aux autres car aucune action humaine ne serait parfaitement isolée, elles entretiendraient toutes un rapport mutuel. Avec ces considérations, les utilitaristes devraient élargir leurs conceptions selon Hume. L’intérêt personnel serait pour lui un principe social. La situation donne d’ailleurs du crédit aux thèses de Hume. À l’époque le commerce anglais s’étend, non seulement en Europe, mais aussi dans le « Nouveau Monde ». Les comptoirs anglais se multiplient. À la fin du 16e siècle, la flotte anglaise comptait à peine 50 000 tonneaux. Elle en compte plus de 300 000 au milieu du 18e siècle, soit 6 fois plus. À noter que la production des matières premières et leurs débouchés sont assurés par l’accroissement rapide de l’Empire colonial. Par ailleurs, l’agriculture se développe, les procédés de cultures se perfectionnent, les activités marchandes se multiplient. Leurs impacts sociaux sont déterminants. Se développe alors un domaine d’étude indépendant : l’économie politique. En 1776, Adam Smith publie Richesse des nations, œuvre classique du genre. Nous pouvons justement y retrouver de nombreuses notes de Hume, son proche ami (Schatz, 1902).

Hume a raison de mettre l’accent sur l’importance des émotions dans notre morale. Elle est bien trop souvent conçue comme quelque chose d’avant tout rationnelle. Mais comme nous allons le voir, là encore il a tort de rejeter toute référence à la réalité : en effet selon Hume, les économistes et les politicien·ne·s n’auraient pas à se préoccuper du monde réel et du fondement des institutions, cela serait inconnaissable. S’iels ne s’occupaient que de ce qui est utile, leur tâche serait remplie (Schatz, 1902). Dans cette conception, l’économie apparaît comme un phénomène suffisant pour percevoir et comprendre le fonctionnement de la société. L’important, ce serait que ça tourne ! Pour les dualistes, les données économiques seraient suffisantes pour gouverner la société. Dans une sorte d’idéalisme, elle serait même plus que ça : tous ce qui ne serait pas pris en compte par l’économie n’existerait pas ou serait d’importance mineure. La réalité de tout travail, sa violence et son autorité seraient négligeables. D’ailleurs, placé·e·s dans une situation de dilemme moral, les individu·e·s adhérant à une morale utilitariste se distingue par une moindre aversion pour l’atteinte à autrui. C’est-à-dire que si tuer une personne pouvait en sauver d’autres plus estimé·e·s, alors ils et elles le feront plus facilement (Bandura, 1999). Nous pouvons aisément imaginer qu’exploiter les autres est un mal négligeable pour les utilitaristes. Hume légitime donc avant tout le développement de l’économie, et son insistance sur la sympathie ne change pas grand-chose.

Les rapports de productions sont douloureux et hiérarchiques, et l’économie est surtout un moyen de hiérarchisation sociale. C’est parce que tous ces chiffres dans les comptes en banques sont utilisés pour nous hiérarchiser qu’ils sont utiles pour les dominant·e·s. La monnaie et le mythe de sa valeur est surtout utile pour légitimer la hiérarchisation que l’économie institue. Cette réalité est négligée par les économistes. De même lorsque Hume parle de charité comme d’un devoir moral pour les plus riches, c’est avant tout à des fins de pacification sociale. Il adopte une posture faussement sympathique qui permet de ne pas s’interroger sur les causes de la guerre sociale et des inégalités : la hiérarchie. Quand la charité complaît les dominant·e·s dans leur rôle, elle n’a plus rien de moral. Au contraire, parce que la hiérarchie peut avoir une incidence considérable sur la santé des personnes, notamment en ce qui concerne les maladies liées au stress (Sapolsky, 2004), un acte réellement moral est égalitariste.

UN CONSERVATISME SYMPATHIQUE

Après la Bataille de Culloden (1746), bataille décisive dans la colonisation de l’Écosse, les autorités britanniques veulent supprimer la culture écossaise traditionnelle. Le port du tartan ou jouer de la cornemuse est interdit. Les chef·fe·s de clan sont poussé·e·s à se considérer propriétaires des terres qu’iels contrôlent. Ces terres étaient pourtant des biens communs. Iels transforment alors les terres en pâtures à moutons, plus rentables. Les habitant·e·s dépossédé·e·s sont ainsi forcé·e·s à l’exil. Certain·e·s habitant·e·s sont recrutés pour servir dans l’Empire britannique, d’autres émigrent au nord de l’Amérique et d’autres encore sont embauché·e·s dans les premières usines. C’est le début de la révolution industrielle écossaise (« Histoire de l’Écosse », 2019). Pour Hume, l’esprit de clan porte tous les signes d’une étape antérieure de la société qui agirait comme l’ennemi d’une grande société commerciale. Plutôt qu’une transformation ouvertement conflictuelle, Hume suggère alors une transformation économique. Là encore, un parallèle avec Newton est présent : comme la force gravitationnelle pour les planètes Hume conçoit l’argent comme une force active pour changer les sociétés. Son raisonnement est le suivant : parce que le sentiment familial ne serait pas inné et qu’il n’existerait qu’en raison de nos interactions répétées, si l’objet auquel nous sommes lié·e·s changeait, alors notre sentiment d’amour changerait aussi. Il faudrait alors selon Hume prévoir une stratégie économique qui lierait les futures augmentations de la productivité agricole des clans écossais à une politique qui fournirait, au-delà de la subsistance, des produits de base lucratifs. Il faudrait les faire adhérer et aimer cette grande société commerciale dont Hume soutient le développement. Son attitude vis-à-vis de l’Annexing Act (un ensemble de mesure concernant l’annexion de l’Écosse) au-delà du clivage monarchique contre républicain de l’époque, vise donc avant tout à limiter les guerres civiles et révolutions (Caffentzis, 2005). Il ne fait ainsi que légitimer la domination des autorités britanniques en pensant faire pour le mieux.

Pour Hume, l’État est un mal nécessaire. Il serait utile dans l’histoire de la société. Ce recours à la notion d’Histoire lui permet de justifier l’existence de l’État, sans se référer à des notions qu’il rejette comme la nature. Il en critique d’ailleurs l’usage par d’autres économistes, les physiocrates. Ainsi, la liberté humaine ne serait pas un principe de droit naturel. Ce ne serait pas un principe intangible et sacré. L’État garantirait simplement la bonne conciliation de la liberté avec l’utilité sociale, cela non par promesse ni par contrat, mais par convention (Schatz, 1902). Lorsque Hume légitime l’État comme garant historique du fonctionnement de la société, il légitime en réalité le développement des États-nations dans la violence et la contrainte (Kropotkine, 1906 ; Sidanius & Pratto, 1999). Hume adopte également un raisonnement similaire en ce qui concerne la propriété. Elle ne serait pas naturelle mais serait simplement utile pour stabiliser les relations humaines. Elle permettrait aux êtres humains de s’assurer de leurs biens. La division du travail étant alors possible, plus de biens, et de meilleure qualité, seraient produits. La population prospérant, l’État prospérerait aussi. Cette prospérité rendrait alors meilleurs les êtres humains, elle affinerait leur morale (Schatz, 1902). Mais la propriété est surtout utile pour instituer la hiérarchie, pour favoriser l’accès des dominant·e·s aux ressources et restreindre celui des dominé·e·s.

Hume s’oppose en revanche à l’esclavage : la liberté serait la source de la prospérité. Vivre au milieu « de la flatterie, de la soumission, [et] de l’avilissement », serait avilissant pour soi-même. Les rapports de maître·sse à esclave devraient donc être libres. Il faudrait servir librement. Il affirme d’ailleurs la fécondité de l’activité libre et des mécanismes sociaux harmonieux (Schatz, 1902). L’utilité sociale consisterait donc au concours libre de chacun·e dans un monde hiérarchique. Mais que signifie « agir librement » lorsqu’on ne l’est pas ? « Servir librement un·e maître·sse » n’est qu’une affirmation autoritaire fournissant une illusion de liberté rassurante. Il est souvent plus efficace de pousser les gens à se soumettre de leur propre volonté car les pratiques ouvertement autoritaires sont source de tensions, voire de conflits, et conduisent souvent à des surenchères (Joule & Beauvois, 2010). Cependant, une soumission librement consentie n’en est pas moins une soumission avec son cortège d’horreur. Le salariat n’est pas la liberté.

Par ailleurs, Hume affirme que la justice n’aurait aucune utilité dans une société d’abondance. La justice ne serait pas un instinct de l’être humain : ce ne serait qu’une production artificielle, culturelle. La justice ne servirait qu’à maintenir un certain statu-quo (Schatz, 1902). Cependant de nombreuses espèces non humaines très coopératives, semblent guidées par un ensemble d’attentes concernant le résultat de la coopération et la répartition des ressources. Le singe capucin brun (Cebus apella) par exemple, réagit négativement à la distribution inégale des récompenses dans les échanges avec un expérimentateur humain. Les singes refusaient de participer aux exercices s’ils voyaient un congénère obtenir une récompense plus attrayante pour un effort égal, et ce d’autant plus si le partenaire recevait une telle récompense sans aucun effort. Cela soutien la thèse d’une origine évolutive précoce et partagée de l’aversion pour l’iniquité (Brosnan & De Waal, 2003). La justice n’est donc pas une pure construction artificielle. En revanche il est vrai que comme l’État et la propriété, le système judiciaire sert avant tout à maintenir le statu-quo, c’est-à-dire à maintenir la hiérarchie sociale et à punir les pauvres (Sidanius & Pratto, 1999). Toutes ces choses sont très utiles pour les dominant·e·s, mais nous ferions mieux de nous en passer.

Il est impossible de porter une critique radicale en adoptant la perspective économique de Hume. Ce n’est pas simplement qu’il privilégie une approche quantitative insuffisante pour comprendre le monde ; d’autres économistes se croyant plus critique ont aussi pour objet d’étude les désirs et privilégient une approche qualitative (Cléro, 2002). Le problème n’est pas de privilégier les aspects quantitatifs ou qualitatifs de nos activités. Le problème c’est que les économistes se contentent de formaliser leur perception du monde, cela quand iels ne sombrent pas dans le dualisme ou même l’idéalisme (Marx, & Engels, 1846). Le problème c’est de ne pas réellement éclairer les processus douloureux qui maintiennent la hiérarchie et ainsi de ne pas briser les mythes qui la légitime.

CONCLUSION

Hume a marqué la philosophie. Il a contribué à l’essor des sciences. Mais Il a aussi actualisé des conceptions religieuses pouvant s’accorder avec les jeunes conceptions scientifiques de l’époque. Parce qu’il minore ou rejette la notion de réel, son empirisme se confine à des perspectives dualistes et idéalistes qui n’explique pas vraiment les choses. Ainsi il réduit l’art à ce qui plaît à tout le monde ou à quelques critiques hauts placés connaissant les conventions de goût mais sans réellement expliquer ce qui fait le beau. Ses préférences pour le classicisme expriment ainsi des conceptions esthétiques légitimant le bon goût de l’époque et son statu quo. D’autres part, sa notion de charité légitime la hiérarchie qui reste pour lui un mal nécessaire. Hume prône volontiers la liberté, mais en défendant entre autres la propriété, il affirme une conception autoritaire et conservatrice (Schatz, 1902).

Aujourd’hui encore, les libéraux pensent que le travail est une liberté. Celleux qui acceptent cela ne sont que des autoritaires qui s’ignorent. Parler de liberté ou d’égalité sans critiquer la hiérarchie, est une bouffonnerie. Penser que toute activité s’évalue en termes économiques n’est qu’un des mythes qui légitiment le statu quo. Les dominé·e·s peuvent bien faire les efforts qu’iels veulent, leur temps et leur vie sont négligés. Les dominant·e·s négligent tout ce qui les entoure. Alors, afin d’avoir une appréhension réaliste du monde, l’écologie doit faire la critique de l’économie. Et nous devons en prendre acte. L’important c’est que ça ne tourne plus ! La dégradation due aux activités humaines a un impact négatif sur le bien-être d’au moins 3,2 milliards de personnes et a poussé la planète dans une sixième extinction de masse des espèces. Environ 41 % des amphibiens et plus d’un quart des mammifères sont menacés d’extinction à court-terme. Les populations de poissons, oiseaux, mammifères, amphibiens et reptiles ont diminué de 60 % depuis 1970. 90 % des grands mammifères marins ont déjà disparu. Sans parler des insectes ou encore des plantes… Le capitalisme extermine 26 000 espèces par an (Campagne, 2017 ; CDP Report, 2017 ; Scholes et. al., 2018). Ces espèces ne reviendront pas. Notre écosystème n’est pas remplaçable. Il n’est pas à notre disposition. Ce n’est pas une simple ressource. Nous pouvons et nous devons stopper ce massacre. Abolissons la hiérarchie.

Guillaume Deloison – 2021

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+Plus :

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CHRONIQUES DES MONDES PROBABLES


CHRONIQUES DES MONDES PROBABLES

 

Cette œuvre littéraire se présente comme un voyage interplanétaires, à la rencontre de formes de vie que l’imaginaire déploie sur les reliefs.
Plusieurs passages des fiches Wikipédia sur les planètes du système solaire sont directement insérés dans le récit. Ces informations servent de base et de contraintes créatrices pour imaginer des plantes, des insectes et des animaux uniques.

Télécharger le PDF (gratuit):
CHRONIQUES DES MONDES PROBABLES

Vous pouvez aussi vous procurer le livre papier au prix coutant:
https://www.blurb.fr/b/9532021-chroniques-des-mondes-probables

 

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LE TEMPS


LE TEMPS

LE TEMPS-01

« Le temps » prend toujours un S, car toujours il est divers. Pluie, vent, soleil, joie, ennui, le temps n’est jamais le même, il est toujours pluriel. Un jour, peut être, il perdra son S, lorsque ce temp abstrait, ce temp des horloges, toujours identique à lui-même, linéaire, monotone, dominera tout. Il n’y aura plus qu’un temp, celui de l’usine.

Guillaume Deloison

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Poétique du vivant par un Matérialisme Écologique


Poétique du vivant par un Matérialisme Écologique

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La question est de savoir si dans l’individu, il y a quelque chose d’irréductible, d’inexplicable, un mystère infini.
Une chose d’une autre nature que cette roche, ces vagues et ce vent.

Certain l’appel la volonté, d’autres y voit la marque de dieu.
Ils voient dans cette force vive, le commencement de tout, l’unicité logique du vivant.
L’atome social.

Le mystère unifie, le savoir scissionne.
La lame de la critique sectionne, les chaines du mystère, du divin, de l’individu.
L’entaille ouvre au collectif

L’inexplicable ? C’est le nœud singulier de la complexité.
Cette lame n’est pas celle de la mort. Elle nous libère et fait de l’individuel un éclat collectif.

Des galaxies pour organes, le cosmos m’inspire plus de respect et d’amour que le mystère.

Guillaume Deloison.

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1ére réflexions sur les « Nuit Debout » Democratie, Bourse du travail et international


1ére réflexions sur les « Nuit Debout » Democratie, Bourse du travail et international

Depuis le 31 Mars, suite aux premières manifestations contre la loi travail « El Khomri », la place de la république à paris et d’autres places en France sont remplies. Ce sont les « Nuit Debout », sous le thème de la convergence des luttes. Aujourd’hui le 37 mars, elle s’étende à Bruxelles et Valence. Présent le 31, 35 et 36 je vous partage mes premières réflexions.

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Exercices créatifs


3 textes écrits en 7 minutes chacun.

LE MAGAZINE DE JOUET

Je suis la guerre, ou bien la course. La dînette ou l’ordinateur. Tout dépend des jours et des pages. Généralement on me feuillette, ou plutôt on me ventile, ça me donne l’impression d’avoir plein d’idée, d’être riche et différent. Mais avec le temps je me suis posé quelques questions, c’est surtout que ça me surprend, je suis quand même souvent ouvert à la même page. Lire la suite

Discours sur le stéréotype américain


discours sur le stéréotype américain-01

Technique, progrès,
compétitivité, évolution,
de belle valeur!

Le libéralisme,
l’incarnation de l’idée de liberté
comment vous blâmer?

Être le meilleur,
un beau projet.
Pas peur de la chute,
vous vous relèverez.

Mais être le plus fort,
Qu’est-ce que c’est?
Dans les faits,
la technique.
Monopoliser, tout manger.
Détruire l’autre,
être le seul.

OK, vous l’êtes,
mais pour vous.
Cette enfant dans la cours de récré qui se moque de tout,
se sent fort, demandons aux autres élèves qui il est?

« C’est cet idiot qui nous martyrise »

Alors qui est il vraiment?
Alors réellement, plus que factuellement, matériellement, qui est le plus fort?

La liberté ça se vit à deux.
Comment parler de liberté si cette enfant est seul sur sa chaise,
sans personne à qui parler.

Guillaume Deloison

Pour infos : Je vais bientôt publier un deuxième livre. Cette fois ci, ce sera un mythe sur l’histoire de la philosophie.

Par delà l’emo’


Par dela l'émot

El langage
la pensée.

Peu porte intention
al force même

Sel mot
qui vil
écrit
tueraient cite la vie

Éprouver la forme
El sens comme unique
raison.
Dôme à Homme,
unité animé
par sel force même.
Comme unité,
quitter, la forme.
Car c’est l’Homme en puits science
Kiss it roove

El langage
la vie, la puissance
de l’homme.
Des fini pour des passé
l’instant proche, un fini.

Guillaume Deloison.

Un genre de poésie expérimental, des lettres pour pinceaux,
l’imaginaire de chaque homme pour oeuvre.

Le souffle d’une vie


le souffle d'une vie-01J’aurais pu commencer,
par 8h17 un matin de Mai.
Mais toutes ces futilités
ne font qu’agacer

Ce qui compte à la naissance,
c’est juste cette grande première.
La plus simple des prises de conscience
quand les poumons, se remplissent d’air.

Puis les muscles s’étirent,
cet enfant est en train de grandir.
Tout ce qui peut nous attendrir,
c’est le voir évoluer, rire, souffrir.

Puis le voir s’affirmer.
Rien à foutre de son adresse,
du nom de son père, sa mère, du reste.
Ce qui compte c’est cet effort.
Cette larme qui coule quand on a tort.
Cette âme qui doute, qui remet en tort.

Tous ces instants bien particuliers,
qui sont notre propriété,
ce qui nous fait, des choses privées.

A travers les autres se réinventer,
face à l’histoire, s’identifier.
Face à l’écran, le refléter.
Vivre au dedans,
ce que l’écran nous renvoie,
mais vivre comment,
quand rien ne ressemble à ce que l’on voit.

Se croire différent,
se voir comme l’enfant de l’instant,
vivre avec son temps.
Être plus qu’une donnée,
un individu isolé,
une inconnue sur leur papier.

Au fond de soi,
ressentir chaque moment.
Sans s’en rendre compte,
manquer des engagements.
Vouloir se rattraper à un rythme effréné.
Stress et contrariété pour se dépasser.
Être figé dans le passé,
oublier de se diriger,
comme si changer
n’était d’aucune nécessité pour évoluer.

J’aurais pu terminer,
Par un soir de Mai,
L’écran est en deuil,
le coeur est en recueil.
Les noms défilent et pourtant…
Tout ce qui compte c’est cet instant.
Ce souffle qui rapproche du néant.
Ce qui marque chaque moment.
Ces futilités qui nous rappellent que ce temps,
n’est que la causalité d’un espace donné.

8h17, l’heure d’un décès, mais pas seulement…

Guillaume Deloison

La causalité


la causlité-01

L’animal a fait et refait pour se créer,
pour créer l’homme et l’humanité,
la répétition des individualités.
L’homme fait et refait.
L’homme a à refaire pour se réaliser.
Pour se réaliser encore et évoluer.
Et parce-que c’est l’addition des hommes
qui fait l’humanité,
chaque homme a à se réaliser
pour que l’humanité puisse évoluer

Répétons les faits
nous y verrons des idées.
Répétons des idées,
nous y verrons le monde tel qu’il est.
Un équilibré mélange de faits et d’idées,
de rationnel et de spirituel.
Et si tu crois que répéter des idées est vain,
réfléchis à ce qui a fait de toi quelqu’un.
Quel équilibre créé le réel?

Ton identité, qu’est-ce que c’est?
Qu’est-ce qui t’a fait?
Qu’est-ce que tu fais?
N’as-tu pas l’idée du fait avant de le réaliser?
Avant de te réaliser? Faits après faits.
Le monde des idées n’est pas qu’un reflet,
c’est le monde synthétisé, équilibré.

L’homme ne s’est pas contenté,
comme l’animal, de répéter.
Il s’est compris puis maitrisé.
C’est utiliser comme un outil pour se réaliser.

Grandir c’est être marqué de faits.
Mais ce tableau, cette musique,
ces concrétisations d’idées,
ne vous ont-elles jamais formé?

Arrêter d’apprendre,
d’être marqué d’idées
c’est tout simplement arrêter d’évoluer.
Simplement s’arrêter.
Fini de vivre, de faire l’expérience du mouvement.
Voici la survie.
Voici l’homme qui subit la vie.

Faut-il alors attendre la crise,
ou l’anticiper?
Se réinventer par nécessité?

2008, la crise.
La nécessité de faire l’équilibre des infinis.
Réinventer l’humanité.
Cet instant est pour l’instant
le plus beau de l’humanité.
À l’air de la communication,
L’homme a créé le lieu de la synthèse des idées.
Concrètement, maintenant les idées ont une place: Internet.

La réunion des hommes,
un lieu où se déchire toutes les idées opposées.
Un lieu où les time-lines et les localisations
ont recréé le poids de l’équilibre de l’espace-temps
dans le monde des idées.

Cette crise est peut-être
Cette recherche qui nous permettra
de nous dépasser nous-mêmes
par une compréhension plus profonde.

Nous vivons comme à chaque époque,
un grand moment!

Guillaume Deloison.

Liberté, de générations en générations


À croire qu'elle ne vit que dans les musées

À croire qu’elle ne vit que dans les musées

Liberté,
un mot bien souvent discuté,
un mot vibrant de passion, de désir,
de raison, de révolution.
Tant ce sont battus,
à coup de rafales ou de cailloux dans les rues,
justement pour les libérer.
Pour ne plus être broyé
par les rouages d’un système
contre lequel ils se sont levés.

Être libre à en crever.
Pour la liberté se donner.
Tirer des tranchés quand l’ennemi est identifié.
Cocktail à la main
Je veux juste qu’on entende raisonner la liberté,
plutôt que de participer à des dîners mondains.

Avoir la force de tout changer,
voir que de tout temps le système s’est imposé
avec l’illusion de la liberté, quelque chose de parfaitement réglé.
Tu marches à coup de peur, d’insécurité ou d’espoir.
Bienvenu en France, j’ai l’impression que tout est noir.
Certains ferment les yeux, impossible d’y voir.
Pas de problème, la télé s’en est chargée.
Ta vision est censurée, millimétrée,
au point que même les anciens, la liberté,
Ils l’ont bradé.

Ces gens, ces combattants, ont fini par oublier.
Nous trouvent violent, pour quelques rassemblements.
Vous croyez que le combat est terminé,
que ça sert à rien de continuer.
Mais vous êtes devenu les rouages d’un système
qui n’a rien à envier à ceux qui l’ont précédé.

Voir une foule se faire lyncher.
L’entendre crier paix, amour et liberté,
à coup de matraque se faire défigurer.
Massacrons cet adolescent,
il menace le système instauré.
Je veux voir sur le bitume toutes ces dents,
ce marginal pourra remercier les anciens combattants.
C’est leur désastre, mais c’est pour nous les coups et les bilans.

La liberté a été mise de côté, ringardisé.
Se battre pour elle c’est dépassé.
« Ils connaissent pas la guerre, faut pas abuser. »
C’est vrai que le système est pas trop mal…
Ta retraite te paie presque à manger.
Mais si ça te satisfait, si c’est pour ça qu’ils se battaient.

Des milices aux services de personnes morales.
Rassemblement mondial, j’ai payé l’exclusivité,
ça me donne droit à ta liberté,
c’est moi qui décide comment t’habiller, ce que tu dois manger.
Encore une fois dans l’histoire,
la morale va nous séquestrer.

Le vice a contourné la séparation des pouvoirs,
une idéologie s’est réapproprié l’état.

Guillaume Deloison.

Il s’agit donc de « vivre »


il s'agit de vivre-01

J’ai peur de ne pas assumer
la structure de pensée que je me suis créé.

Je n’ai pas peur de mourir
j’ai peur de ne pas vivre.

Comme je le voudrais,
comme je me suis pensé.

Me voir imposer des idées dépassées
me battre pour mes idées
surement jusqu’à en crever

Je ne veux pas avoir raison,
je veux la vérité.

Mais à quoi bon?!
Tout le monde s’en fout.
On est plus fier quand on est con.

Alors pourquoi je n’arrête pas tout,
rien à foutre d’être bon!

Pour changer le monde
il faut d’abord se changer soi-même.
Évident mais faux,
rien ne change.

Et si à la première des questions
en réponse à la substance, c’était rien…

Il s’agit donc de « vivre »…

De jouer des statues,
de faire l’enculer
pour mieux entuber
à ce qui parait ça permet de gagner,
c’est ce qui est recommandé,
c’est comme ça qu’on me l’a enseigné
à coup de stupidité qu’on est sensé s’approprier.
Vivre selon
la facilité d’idées,
d’esprit non-réfléchi.

C’est le suicide de mon humanité!
Rien à foutre de l’éthique,
je passe du statut d’homme
à celui de citoyen!
Mes années de scolarité
vont finir par me payer
un beau costume cintré.
Je veux participer
à notre enfermement dans la sécurité!
Je veux être surveillé!
Je veux pas pouvoir « quoté »
Je veux un cerveau étriqué…

Ah non, pardon!
Dans notre suicide social
on a interdit l’inspiration d’idées !
Dans un monde où l’important
est de se l’approprier

Guillaume Deloison.

En haut des blocs


en haut des blocs-01

Je suis en place dans ma tour,
je dérange, ce que je fait personne n’est vraiment pour.
Mais j’ai des relations,
des mecs avec de hautes fonctions

Ça me permet de faire pas mal de billets.
C’est vrai, on me dit que je détruit ma cité,
mais comme on dit, c’est la loi du marché.

J’ai employé quelques gars,
C’est eux qui mettent les mains dans le tas.
Je leur ai acheté leur liberté
et c’est vrai que dans ce milieu on fini par bosser
à en crever.
Même celui qui me fournit
j’ai réussi à ce qu’il me doit la vie.

Ah, au faite… je ne me suis pas présenté,
Je suis PDG pour une grande marque de textile…

Guillaume Deloison.

Le voyage


le voyage-01
Voyager,
c’est bien le seul mot qui pourrait remplacer le suivant:
Vivre.

D’excès en excès,
D’expériences à d’autres,
d’invités à hôte,
d’idées en idées,
de plaisir à souffrir
de sourires en sourires
Pour découvrir, s’enrichir
Pour rien, pour en rire,
Pour s’enivrer
pour s’enfermer et se libérer.
Pour être en vie,
par envie.
Parfois même par dépit.
Par simplicité,
pour profiter comme pour le voyage, ,
à vivre pour lui même et non pour la destination.

Je t’enfume naturellement


je t'enfle naturellement-01

 

Petite chemise ceintrèe,
cheveux bien coiffés
archétype de cette parfaite société.

Le sourire aiguisé
pour mieux t’enfler.
Ce mec passe à la télé,
fait des discours bien structurés
pour t’expliquer comment évoluer.
Se mouvoir dans cette société
ou tu est tantôt utopiste
délinquant, rêveur, ou hors de piste.

Formaté, comme lui tu ne doit
avoir rien à te reprocher.
T’inquiète pas les crimes d’éthique
ne te seront pas rapportés
si tu leur ramène quelques billets.

Pas compliqué d’être exemplaire
quand un sourire suffit pour plaire.

Hypocrite, cette société n’a pas d’éthique
préfère s’enfermer de sens pour rester statique.

Malheureusement la folie actuel est,
il parait naturelle.

Guillaume Deloison.

 

Penser progrès


Quand par respect
tout le monde s’est mis à penser,
la bêtise en particulier.

Quand l’intolérance,
le fanatisme et l’extrémisme
réclame la tolérance.

Quand les généralités,
l’inception d’idée,
est devenu la vérité

C’est là que le progrès,
se doit de continuer de penser.
Sapere aude
La réelle confrontation des intuitions.
Savoir dire NON!

Guillaume Deloison.

L’humanité, individuellement dépossédé d’elle même.


Comme le philosophe disait
Ne crois pas que tu fais,
tu es fait.

Mais de quoi? De qui, par qui?
Des pensées d’autrui ou d’absurdités collectives.
Se complaire dans de communes idioties.

Cet adage doit il suffir
à faire de chacun une victime.
« je ne suis rien, je déprime »
Pas même moi même,
à déculpabiliser l’on s’est dépossédé

« Outil je te condamne! »
Non coupable l’homme n’a rien fait.
Certains disent…
Il est fait.

A croire que dans ce monde construit par l’homme, c’est le monde le problème.

Guillaume Deloison.

Assassinat pré-supposé


Il est 20h, j’ouvre les yeux, le bruit de la télé m’a réveiller. A l’écran j’y vois la dizaine de candidat pour les élèctions. Tous ridicule comparé au président que la France a eu le plaisir d’avoir tout au long de ses années. 83 ans demain, alors des présidents j’en est vue, même qu’avec d’autres cultivateur on s’était mobilisé quelquefois quand j’était plus jeune, pour lui dire ce qu’on pensée. Mais aujourd’hui…. PFFF. Le président y nous laisserez crever. Avec tout ces fous dehors… on est plus en sécurité de nos jours…
Justement, qu’est-ce que disais… Il annonce encore un crime à Marseille. Ça m’étonne même pas tiens! Marseille… il y a tellement d’arabe et de noir la bas…
J’entend ma femme dans la cuisine, elle m’appel.
C’est l’heure de manger.

Ta vue chérie, encore un mort à Marseille.
Ah je peux te dire que si j’était flic moi, je te ferais du ménage la bas!

C’est moi ce mec qu’est sensé faire le ménage. Je suis flic depuis quelques années, je suis nouveau dans cette banlieue mais j’en est eu des échos, pas que du bon d’ailleurs.
A ce qu’y parait des jeunes con on abattu un collègue pendant une émeute. Des petits branleurs! Il vont même plus à l’école je suis sur…
Ah si je les tenais! Si je pouvait les avoir en face de moi!

Non mais c’est vrai quoi! C’est le travail de la police a ce que je sache! Mais faut dire aussi, on leur donne pas les moyens. Faut faire des économies qu’ils disent!
Pourtant elle est bien contente la petite dame de pouvoir rentrer chez elle le soir en voiture, sans avoir trop peur de se la faire cassez.
Elle me dit de la fermer.

Celle qui a peur de se faire cassez sa voiture c’est moi, je rentre du travail, une sale journée! Ah si je pouvais lui dire ce que je pense à cette conne de Marie qui se croie supérieur. Mentalité de patron!
Tiens regarde le lui justement avec sa grosse BM!

Il est 7h, je me léve.
Je m’habille et me dirige vers la cuisine. Je repense à l’engueulade avec ma femme hier…
Elle me reproche de faire des généralités.
Je me suis levée et j’ouvre la porte du garage.
Elle me dit que je regarde trop la télé, que je suis lobotomisés.
J’ai prit ma voiture et là je me suis garé.
Elle me di que je suis un produit du JT, que j’ai oublier de penser, de critiquer.

Je le souhaitai, eh voila ! Nez à  nez avec un de ces gamins . Je l’ai trouvé dans une rue un peu plus loin de l’émeute. Je lui est dit que si y bougeait, je le butais. Yeux dans les yeux, on attend, je l’ai au bout de mon arme!

Putain ce con avec sa BM il va me rentrer dedans! Il croit qu’il va me passer devant !? Monsieur il se croit tout permit!?

Je suis sorti de ma voiture, j’ai ouvert la porte, « bonjour », prit les papiers, puis je me suis isolé.

Je le sentais, il voulait s’échapper. D’un geste brusque il s’est mit à courir.

Il était à deux doigt de me toucher mais je voulais pas le laisser passer !
J’ai accéléré…

Á voté.

J’ai tiré.

Collision, je l’ai tué…

J’ai choisi de ne pas relater les pensées des victimes, ça ne vous empêchera pas de vous faire une idée de qui ils étaient. Les personnages, eux, ne ce sont pas gêné.
Ce qu’il faut savoir c’est que les victimes, elles, n’était pas des personnages  des caricatures faites de généralité, dépourvu d’une quelconque nuance d’individualité .

Guillaume Deloison

Une seule peur


Je n’ai q’u’une peur
c’est faire l’erreur
de m’enfermer dans mes idées.
Arrêter de penser,
fini d’évoluer.
croire que ce monde est figé.
Ne plus savoir écouter,
imposer mes pensées.
Ne plus m’émerveiller,
chaque jour recommencer,
ce dessin faussement parfait.

Comme si l’avenir, je m’en défaisais.
Laisser le changement responsable de lui-même,
le voir coupable d’une destruction de soi même.
Alors que c’est en cette chose immuable
que l’homme a pu s’élever, s’édifier.
Grandir, se construire.

Je n’ai qu’une peur.
Voir le changement comme une terreur,
comme extérieur.

Guillaume Deloison.

Incandescence illicite



La pierre crépite, le gaz s’enflamme,
j’approche mes lèvres, serein,
et dans ce geste anodin j’entends le blâme.

Je croise des regards pleins de préjugés, accusateur.
Je suis coupable de mettre en danger, et alors?
Il m’accuse à tort de tous les maux
d’une société, une bière à la main…

« Cette substance est dangereuse »
Même si cela reste à prouver,
tant d’arguments sont opposés,
moi tout ce que je vois c’est
qu’interdit depuis seulement 40 ans
à cause de banals accidents,
cela fait de moi un délinquant.

Ne faudrait il pas savoir si l’objet à blâmer
n’est pas vraiment le produit mais ce qu’on en fait?
Faut il se garder de tout danger?
S’enfermer dans la sécurité? liberté surveillée.

Ne suis-je pas assez grand?
« Certains tombent dedans! »
Doit on faire de cas particuliers une généralité…

Silence… derrière moi j’entends « Monsieur, vos papiers »

Guillaume Deloison.

L’éducation comme initiation à la réflexion.


“Pourquoi?”
Humblement j’y réponds ce que je crois.
Nuancé, je lui donne les outils pour s’interroger.
Il fallut moins de 24h pour que les parents m’aient blâmé.

L’éducation, beaucoup pensent que c’est des notions,
une vision, un savoir à faire passer.
Mais plus proche de la lobotomie,
cette conception n’a pas compris
que penser, c’est d’abord avoir son autonomie.

Sous tutelle mentale, les parents se placent en tant que béquille.
Ils n’aident pas, ils enferment.
Plus besoin de penser, oublier la nécessité,
C’est déjà fait.

Face aux pourquoi d’un enfant, cette force de réflexion,
que faire?
Lui apprendre à faire l’effort de peut être se tromper,
ou bien tronquer sa pensée,
lui imposer la “vérité”.

Guillaume Deloison.

Et si j’écrivais ce que je vis?


Et si j’écrivais ce que je vis?

J’ai 19 ans, vie d’étudiant, la philo me passionne,
je doute pense et raisonne.

Je dois vivre dans le sens d’un monde
qui pour moi n’en a aucun.

La vie me parait courte j’ai déjà
l’impression d’en voir la fin.

Curieux, je voudrais me passionner de tous
mais le temps impose des choix, bien assez.

Le néant de mes conventions dérange, trouble.
On me dit non j’y réponds pourquoi?

Riche de paradoxes, je n’y vois que des idées complémentaires.

J’ai raisonné mon cœur, éduqué pour une vision du monde voulu
objective, absolu que je construisais.

J’ai voulu faire la synthèse, de 0, j’ai fais abstraction de tout
afin de déconstruire pour construire.

Oublié la géographie des idées ou leurs provenances
pour me pencher seulement sur l’essence
Citoyen du monde, j’ai comme l’impression d’incarner tous ses contresens.
Sans prétention, je ne suis qu’un homme égal à tout autre.

Mesuré l’histoire m’a appris combien les idées
Peuvent tuer, enfermer, torturer.
Religion, société, des codes dont j’ai voulu m’épargner
Car futiles et dénués de vérité
mais qui m’agressent jusque dans ma vie privée.

Je vis dans un monde de sens qui
pour moi n’en a aucun

Guillaume Deloison.

Ces fours …


Ces fours …

J’allume le four, enfin…
Pas tout à fait…
J’ai reçu un ordre et je le fait passer.

Tout les soirs j’y pense,
quel malheur de ne plus être vivant
de n’être qu’un moyen
et non une fin.
Plus proche de la fonction que de la réalisation.
De ne plus vivre si ce n’est qu’au travers des autres et de leur volonté.

Je ne vis plus,
Tel un fantôme, mes pensées n’ont aucune portée.
Chaque jour j’obéis
à mon supérieur qui lui vit.
Il est odieux, répugnant, intolérant mais lui reste vivant
Ses actes prolongent ses pensées, il ose l’infamie.

Le telephone sonne, des ordres, je m’exécute je n’ai pas le choix…
Et pour ne pas entendre ces cris de souffrance, de torture, l’Homme que je suis s’enfuit,
vis dans ses pensées

Guillaume Deloison.

Crise d’ado’


Crise d’ado’

Elle vit comme ça au jour le jour.
Elle vit mais chaque jour elle a peur,
peur du lendemain,
peur du changement.
Elle fait la fière, alors qu’au fond elle se laisse enfermer par la terreur de ce JT

Condescendante, elle donne des leçons,
aux autres, à ses parents,
et pas seulement à ceux d’aujourd’hui.
Elle est sûr d’elle mais pas du lendemain.
Elle fait la grande, mais elle est incapable de grandir, de prendre conscience d’elle même. Des problèmes  elle en a mais « c’est jamais sa faute ».

De la peur à l’hystérie, elle survit, se débat, se bat contre la vie…
France…
Jeune fille en pleine crise qui comme ses amies adolescente, doit faire Un, de tous ce qui l’oppose.

Guillaume Deloison.

Qui est ce Je?


Qui est ce Je?

Qui est-ce?
Cette homme dont l’ombre me suit?
Dont ses pas et les miens, résonnent d’un même bruit?

Cette homme qui devant son écran, éteint
Regarde son reflet, le mien.

Il appuie sur le bouton qui s’éclaire d’un léger vert.
Il déroule sa page d’accueil.
Sentiments, ressentiments, informations et mobilisations,
défile sur cette page ornée,
d’un bleu claire ou bien foncée.

Je publie, il a la bouche bâillonné.
Surpris, je rafraîchie.
Sur la toile je lis:
Censure, liberté d’expression et droit de l’Homme.
J’entend une voix, on m’appelle, échap et je descend

Qui suis-je?
Non pas pour moi mais pour les autres
Un individu de plus ou une force de vie?

Guillaume Deloison.

L’art comme l’âme d’une société


L’art comme l’âme d’une société

A mon sens l’art ne se résume pas par certaines pratiques ou activités. Ce n’est pas cette somme de règles de syntaxes ou la façon de réaliser un tracé, au contraire. L’art est pour moi beaucoup plus brut et se passe de bienséance, de règles ou de beau. L’art est à mon sens l’incarnation de l’âme d’une société. L’incarnation de ce qui touche l’homme, de ce qui le fait réfléchir, qui le fait s’arrêter, et peut importe que ce soit beau, semblable ou contraire à tous ce qui à était fait auparavant car cette manifestation touche et incarne des pensées. Qu’à ton faire de la forme quand c’est le fond qui compte, qu’a ton faire du critère de « beau » quand il ne demande qu’à être trouvé dans chaque œuvre.

c’est parce que chaque oeuvre est ancrée dans une société qu’elle en est son âme, sa matière sensible

      Il me semble que le travail de l’artiste est d’être créateur avant tout, ou plutôt géniteur. Car l’artiste d’une société pouvant appréhender toutes les spécificités de son lieu de vie, après un effort de maïeutique donnera au monde une représentation, une incarnation de sentiments, d’émotions. C’est cela à mon sens un effort artistique. C’est nourrir le monde d’émotions communes et fortes pour un grand nombre

C’est en ce sens que pour moi l’art est représentative de l’ame d’une société, par le caractère commun et leur somme qui forment comme une entité propre et sensible, touchant l’ensemble d’une société. Et c’est par ce qu’elle est ce qui touche une société qu’elle est comme son âme, sa matière sensible.

Guillaume Deloison.

Je suppose que c’est avec cette question que j’ai grandi…


     Je suppose que c’est avec cette question que j’ai grandi. tant de philosophes, tant de réponses pour si peu de questions au final. une seule question et 6 milliard de réponses finalement.

Je suppose que c’est avec cette question que j’ai grandi et que je me suis efforcé de faire preuve de tolérance, car vraiment, qui peut avoir la prétention d’avoir raison? tant de grands Hommes, de grands penseurs… qui peut avoir la prétention de tout balayer si ce n’est avec des arguments qui reposent non pas sur la raison mais sur la logique. sur l’essence même des mécanismes naturels.

Je suppose que c’est avec cette question que j’ai grandi et que j’ai appris à penser par moi même (si je peut avoir la prétention de le faire). Car face à toutes ces réponses cohérentes, laquelle peut être la bonne? Peut être même que la bonne n’a jamais était pensée, pourquoi l’aurait elle était? Laquelle peut être la bonne pour moi, et comment pourrait elle l’être si je ne prends pas même la peine de les examiner.

Je suppose que j’ai grandi grâce à cette question… tout est vérité, rien n’est vrai. alors avec cette question j’ai grandi et maintenant je vis, pour simplement vivre car comment pourrai-je vivre autrement que libre? car qui aurait la prétention de m’ordonner mon comportement en énonçant des théories de bon sens, de savoir vivre, ou simplement de « bien ». qui aurait cette prétention alors que je ne l’ai pas eu moi même pour ma propre personne, de me trouver des réponses absolues.

Guillaume Deloison.

Notes sur La Notion de Folie.


Qu’est-ce que la folie et où commence-t-elle ? Où commence-t-elle véritablement, objectivement ? Certains actes sont définis comme appartenant à la folie pour des raisons culturelles et des habitudes. Alors est-ce-qu’une pure folie, dans le sens de commune à toutes les cultures, comme essence même de cette notion existe-t-elle? Et si elle existe ou commence-t-elle encore une fois ? Lorsque l’acte mène à une autodestruction ? Mais qu’en est-il de l’acte de fumer pour l’autodestruction sur le long terme, et du suicide pour l’acte soudain ? Alors la folie résiderait-elle dans l’enchainement d’actes incohérents, paradoxaux ? Mais ces apparents paradoxes, non sens, proviennent peut être de la limite de perception de l’observateur. Est-ce-que parce que l’observateur ne peut comprendre le raisonnement de l’autre, cela signifie qu’il est fou ? Pourquoi serait-ce celui qui est observé plutôt que l’observateur limité par sa perception qui serait le fou ?

Ou est la limite entre Tolérance et démence? comment, pourquoi et quand, le savant devient démens? Ou est la limite entre le génie et la folie? Le génie se doit de défier les limites de perception de la société mais est-ce être fou que de vivre dans un monde voisin, cohérent mais différent?

Notes sur la Notion de Quartier


Comment des dénominations par fonction ont pu être données à des groupes d’individus pour former des quartiers? Comment des artistes ont pu se regrouper naturellement pour donner « le quartier des artistes » comme Saint Germain des Prés. Naitre et vivre à saint germain permettrait des acquis qui pousseraient à devenir artistes ?

Auparavant les quartiers étaient nommés différemment dans les villes, l’on disait que ce quartier était « le quartier des artistes » ou encore, « le quartier  des marchands de beauté ». Maintenant ils sont nommés différemment, et cela témoigne d’un changement de la société, de son organisation et de la vision de ses membres sur eux-mêmes.  Maintenant on parle de quartier défavorisé, aisé ou encore de quartier latin, chinois. Alors qu’avant la dénomination relevait de la fonction, ces derniers témoignent maintenant d’une plus grande importance de l’origine sociale.

Le philosophe, seul vrai fou ?


Tout les modèles de pensées pour être viables se doivent d’être cohérent, mais le philosophe prônant la remise en question de touts les principes et toutes les conclusions, est sans cesse dans la remise en question de son propre système de pensée, dans un incertain perpétuel qui remettrait même les autres pensées en question et en situation de non cohérence. Alors finalement le philosophe ne serait il pas le seul vrai fou ? vivant dans un monde incohérent. Mais la cohérence finalement est elle un gage de viabilité pour les modèles de pensée?

Pensées d’un trajet


Pensées d’un trajet

Petite musique qui accompagne très bien ces pensées

Je regarde à travers les vitres de mon RER C, écoutant cet artiste qui m’a maintes fois éclairé, le ciel ensoleillé, moitié nuage, moitié infinité. Les pylônes défilent face à moi et je pense. Ces pylônes défilent face à moi et m’éloignent de chez moi, de la où j’ai grandi pour m’emmener vers cette grande ville que j’ai longtemps rêvée. Cette grande ville où je vis maintenant et où je m’enracine avec les pensées que j’ai réussi à cultiver. Pensant à ces premières lignes, ces premiers articles sur mon blog, qui représente en quelque sorte la fleuraison de mes réflexions. Les pylônes défilent et la bibliothèque nationale se rapproche, et bientôt touts les gens de ce wagon descendront, ayant constitué un magnifique tableau de diversité, éclairé par ce soleil nouveau qui nous éblouit. Des éclats de rire résonnent et me font sourire. En ce lieu je suis sûr d’avoir un instant été heureux, pour la simplicité de l’événement mais aussi pour sa beauté qu’il fallait savoir admirer

Guillaume Deloison.

 

 

 

 

De être à Avoir


De être a Avoir

Aujourd’hui en s’abstenant quant au cogito, on ne prend plus le temps de s’interroger sur autrui et sur soi. Alors que nous sommes définis par la perception que l’on a de nous même à travers lui, elle. Car la première des questions que l’on se pose en ce siècle  n’est plus être ou ne pas être mais avoir ou ne pas avoir.

Hommage a Abd Al Malik qui m’a permis de faire évoluer mes réflexions

Guillaume Deloison.

Le blog de mes réflexions philosophiques


Je me lance dans la rédaction de mes pensées

Je ne voulais pas écrire de la philosophie de bistrot alors je me suis longtemps censuré ne me sentant pas à la hauteur. Je m’essaye maintenant à cette exercice en espérant ne pas tomber dans des lieux communs et en espérant ne serait-ce que pour une personne, faire évoluer sa réflexion.

Merci et bonnes lectures

Guillaume Deloison.